La parole à nos lecteurs : Ousmane Kane Ministre des Finances de la République islamique de Mauritanie



La parole à nos lecteurs : Ousmane Kane  Ministre des Finances de la République islamique de Mauritanie
Pensez-vous que les contrats chinois signés avec certains pays africains et consistant en l’échange matières premières contre infrastructures constituent une opportunité ou une menace pour l’Afrique ?

Ousmane Kane : Un double constat s’impose : d’une part, la Chine a besoin, pour sa croissance, de sources fiables et durables d’approvisionnement en matières premières ; d’autre part, l’Afrique manque cruellement d’infrastructures indispensables à son développement. Il se trouve que l’Afrique dispose de ces matières premières et que la Chine dispose de très importantes ressources financières. Cette situation est source de belles opportunités d’alliances, profitables aux deux parties. Les accords auxquels vous faites allusion sont donc, dans leur principe, des initiatives d’autant plus naturelles que l’Afrique éprouve de sérieuses difficultés à mobiliser des ressources suffisantes pour financer son développement.

Le problème se trouve, par contre, au niveau du contenu des contrats et des obligations des uns et des autres. La valorisation des matières premières n’est pas nécessairement faite aux prix du marché. De même, les conditions de réalisation des infrastructures en question sont sources de problèmes : les coûts des travaux ne sont pas toujours fixés sur une base compétitive, l’utilisation intensive de travailleurs chinois limite l’impact réel de ces grands chantiers sur l’activité économique nationale et, enfin, le transfert de technologies n’est nullement pris en compte dans ce genre d’accords.

Cette situation est la conséquence d’un rapport de force très inégal au moment de la négociation de ces conventions : le pays africain cède généralement à son partenaire chinois quand il n’est pas satisfait des relations qu’il entretient avec ses bailleurs de fonds traditionnels. Il négocie en position d’extrême faiblesse et, à la fin, accepte des accords qui sont souvent très déséquilibrés. On entend souvent des institutions ou des experts internationaux dénoncer, en des termes sévères, cette forme alternative de financement du développement. L’impression que donnent ces propos est que ces accords sont une menace pour l’Afrique, mauvais et condamnables dans leur principe. Une telle attitude n’est pas constructive et n’aide pas à résoudre le vrai problème qui est celui du déséquilibre des rapports de force au moment des négociations de ces contrats.

Il me semble nécessaire, aussi bien pour les institutions de Bretton Woods que pour les institutions financières régionales et sous-régionales, d’accepter qu’il s’agit là d’une intéressante opportunité de doter le continent des infrastructures dont elle a besoin. Elles devraient par conséquent se mettre fermement aux côtés des pays africains pour les aider à saisir cette opportunité et à en retirer le meilleur profit. Avec une ferme volonté d’accompagner ce phénomène au lieu de le combattre, avec de l’imagination et des conseils appropriés, il est possible de transformer cette nouvelle forme de partenariat entre la Chine et plusieurs pays africains en une nouvelle et sérieuse voie additionnelle de financement du développement du continent.


Source: Lesafriques.com

Vendredi 25 Décembre 2009
Boolumbal Boolumbal
Lu 573 fois



Recherche


Inscription à la newsletter