Editorial: Comptes à régler



Editorial: Comptes à régler
L’ancien gouverneur, entre 2001 et 2002, de la Banque Centrale de Mauritanie, Sid El Mokhtar Ould Nagi, a été arrêté, la semaine dernière, par la police chargée des crimes économiques, interrogé sur des virements «douteux» de l’institut d’émission et écroué. Dans la foulée, plusieurs banquiers et hommes d’affaires, qui auraient bénéficié, «indûment», de ces transferts, ont, eux aussi, été «entendus». On parle, ainsi, d’un pactole de 24 milliards d’ouguiyas qui auraient été virés, sans contrepartie, au profit de sociétés connues et de particuliers qui le sont moins. Certes, on savait le régime d’Ould Taya capable de toutes sortes d’acrobaties financières et de jonglage avec les chiffres, pour tromper la vigilance des bailleurs de fonds, dont les experts font, au demeurant, souvent preuve de cécité douteuse, mais on ne pensait pas que la bêtise pouvait atteindre un tel niveau de perfection. L’argumentaire qui sert de défense à Ould Nagi est, en ce cas d’espèce, imparable: qui, à ce moment-là, pouvait refuser d’obéir aux ordres du si omnipotent président? Bien sûr, mais cela ne le disculpe pas, pour autant, le «trop zélé» gouverneur. Il aurait pu éviter de se salir les mains, en ne se pliant pas à ce jeu malsain, en tirant la sonnette d’alarme ou en claquant la porte. S’il avait agi de la sorte, il ne serait probablement pas dans les sales draps de la prison civile qui l’héberge actuellement.
En déterrant ce vieux dossier qui dormait dans les tiroirs de la BCM, Ould Abdel Aziz a voulu frapper un grand coup: démontrer qu’il ne fera pas sienne la devise qui avait cours, jusqu’à présent, et qui voulait qu’on tournât la page d’un passé pétri de prévarications et de détournements. La lutte contre la gabegie, dont il a fait son principal cheval de bataille, n’épargnera personne, même les plus forts. Tout citoyen sincère et doté d’un minimum de bon sens ne peut qu’applaudir à cette volonté d’en finir avec un mal qui ronge notre pays, depuis des décennies, freine son développement, empêche ses fils et ses filles de profiter de ses richesses et accentue, honteusement, ses inégalités. Mais pour que la fête soit vraiment belle, il faut que tous les dossiers ouverts soient clos en transparence et les prévenus, poursuivis ou relaxés, selon des procédures sans équivoque. Car, depuis août 2008, Ould Abdel Aziz s’est engagé sur plusieurs fronts et aucun n’a abouti. Une Haute Cour de justice a été mise en place pour juger l’ancien président Sidi. Elle n’a jamais siégé. L’action en justice contre l’ex-première dame? Fini en queue de poisson. L’ancien premier ministre Yahya Ould El Waghf et plusieurs directeurs d’Air Mauritanie? Après plusieurs mois de prison, au prétexte de «riz avarié» ou de gestion «douteuse» de la défunte compagnie nationale, ils seront libérés, Accord de Dakar oblige, après que leurs cautions furent payées par… des hommes d’affaires (!). Une interférence flagrante, soit-dit en passant, de l’exécutif dans un dossier, éminemment politique il est vrai, pendant devant la justice.
L’affaire Ould Nagi va-t-elle finir comme les autres? Le président est-il parti trop loin jusqu’à ne plus pouvoir reculer? Ces banquiers, qui tiennent l’économie à bout de signatures, vont-ils se laisser faire? S’ils exigeaient, à leur tour, de se faire rembourser les milliards que l’Etat leur doit et refusaient d’acheter les bons du Trésor, que fera-t-on? Leur responsabilité, dans cette affaire, ne faisant aucun doute, n’aurait-il pas mieux fallu éviter de faire des vagues et tenter de trouver un terrain d’entente, pour les amener à payer, sans les traîner dans la boue? Que penseront nos partenaires et nos bailleurs de ce déballage qui ne grandit personne, pour finir? Et si tout cela n’était qu’un règlement de comptes, dont un est vieux de quelques années et les autres, de la dernière élection présidentielle? Bruissement d’affaires dans les coulisses, tandis que sur scène, on fait couiner la gabegie…
Ahmed Ould Cheikh



Source: Le calame

Mercredi 25 Novembre 2009
Boolumbal Boolumbal
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