Diaw Abdoulaye Djimmé , Maire de Tokomadji : « Je suis très satisfait de ce que j’ai pu faire. »



Diaw Abdoulaye Djimmé , Maire de Tokomadji : « Je suis très satisfait de ce que j’ai pu faire. »
Elu maire de la commune rurale de Tokomadji à la faveur des élections municipales de novembre 2006 lors desquelles il conduisait la liste de l’Ufp, Diaw Abdoulaye et son équipe semblent décidés à booster leur municipalité malgré la faiblesse des moyens dont elle dispose. Le premier magistrat de la commune de Tokomadji est juriste de formation. Il est titulaire d’un DESS en stratégie de politique de défense à l’Ecole des Hautes Etudes Internationales et d’un doctorat en droit international public (Orléans-France). M. Diaw, membre du conseil supérieur de la magistrature depuis 2007 est aussi avocat au barreau de Nouakchott et dispense des cours de droit public à l’université de Nouakchott. Il entend gérer sa commune dans le respect des textes en vigueur et loin de toute politique politicienne. Il a bien voulu nous accorder un entretien au cours duquel il a été question de son bilan à mi- parcours, de la rivalité historique entre Koundel et Tokomadji, les deux plus grands villages de la commune et des raisons du gel de ses activités au sein de sa formation politique l’Ufp.

Le QDN : Maire Ufp dans une commune constamment dans le giron de partis au pouvoir, comment vous vous y êtes pris pour accéder à la magistrature?

Diaw Abdoulaye Djimmé : Effectivement la commune de Tokomadji a toujours été dans le giron du pouvoir. A cela plusieurs raisons. Le maire est choisi parmi les notabilités appartenant au parti au pouvoir et malheureusement souvent analphabètes ou peu scolarisés même si mon prédécesseur fait exception car c’est un cadre mais sans engagement politique affirmé. Le choix est déterminé aussi sur la base de considérations sociales mais jamais sur la base d’un projet politique ou de convictions politiques réelles. Cet état de fait mais aussi la rivalité historique et malsaine entre les acteurs politiques de Koundel et Tokomadji (chef-lieu de la commune) ont gravement affecté la cohésion sociale qui constitue la clé du développement de la commune. L’élection du maire a aussi toujours été la manifestation d’une rivalité entre les deux villages entretenue paradoxalement par des leaders politiques locaux du même parti (Prds, indépendants).
Concernant donc mon accession à la tête de la commune, il s’agit tout simplement de l’application de la consigne des partis politiques d’opposition de se soutenir mutuellement et de se ranger derrière le parti le mieux placé. J’ai gagné avec 9 voix sur 17 grâce au principe de soutien mutuel conclu entre les partis de l’opposition. Les raisons de mon engagement politique au sein de la commune sont ente autre l’intérêt que j’ai toujours eu pour la chose politique ; j’ai milité dans plusieurs mouvements politiques. Il y a aussi le fait que la situation qui prévalait dans la commune ne me satisfaisait pas et j’ai entrepris depuis mon retour de France en 2003, des rencontres avec des élus et des notables pour trouver une solution de compromis, consensuelle à cette opposition stérile. Il s’agit de la radicalisation de la confrontation entre Tokomadji et Koundel entraînant parfois des conflits sociaux et des confrontations inutiles. Mon initiative dont la subjectivité des uns et des autres a eu raison, aura au moins le mérite d’avoir permis de poser les termes du problème avec tous les acteurs locaux concernés. Autre justification de mon engagement politique dans la commune, c’est que je suis un cadre militant de l’opposition, natif de la commune et je ne vois la raison de l’abandonner entre les mains de partis au pouvoir et que les résultats sur le terrain ne sont pas lisibles. Voilà succinctement les raisons qui m’ont poussé à me lancer à la conquête de la commune afin de rompre cette logique et de renverser l’ordre établi. Ma victoire a donc été une victoire politique.

Le QDN : La rivalité Koundel - Tokomadji affecte-elle donc la cohésion au sein du conseil municipal au point d’en perturber la gestion, le fonctionnement?

Diaw Abdoulaye Djimmé : Forcément car ce genre de conflits ont cela de désagréable et de dangereux. Ils n’obéissent pas à une logique politique. Après mon élection, on est passé de la confrontation sociale à celle-là politique. La majorité qui m’avait soutenu à savoir les conseillers municipaux de l’Ufp (3) du RFD (2), de l’UDP (4) s’est effritée car l’Udp a regagné la majorité présidentielle après le coup d’état d’août 2008. Cet effritement avait bien des soubassements d’ordre social. Il faut que les mentalités évoluent, que les intérêts de la commune soient toujours mis en avant et que tout le monde accepte de se parler, de se concerter, de décider ensemble pour la sauvegarde des intérêts de la municipalité.

Le QDN : Vous êtes à mi-parcours de votre mandat, pouvez-vous nous en dresser le bilan ?

Diaw Abdoulaye Djimmé : C’est difficile d’établir objectivement son bilan même si dans ces circonstances l’objectivité est relative. Je suis très satisfait de ce que j’ai pu faire. Je n’espérais pas pouvoir le faire même à la fin de mon mandat. La commune ne dispose pas d’un secteur « locomotive » pour la tirer vers le développement. Les populations y pratiquent l’agriculture, la pêche et l’élevage de manière traditionnelle, rudimentaire. La pauvreté aggravée par le déficit pluviométrique chronique de ces dernières années affecte gravement les conditions de vie des populations, l’environnement, l’écosystème. Je m’étais fixé pour objectifs prioritaires le renforcement de la scolarisation des enfants en âge d’aller à l’école, la construction et la réhabilitation des infrastructures scolaires et l’élargissement de la couverture sanitaire tout en travaillant donc à renforcer et à pérenniser ce qui existait déjà dans d’autres secteurs tout aussi vitaux. Ainsi donc dans le secteur de l’éducation les écoles étaient délabrées. Nous nous sommes employés à les réhabiliter et à en construire d’autres. Depuis notre investiture à ce jour, nous en avons fait trois tous les ans. Neuf écoles sont aujourd’hui en conformité avec les normes et sont fréquentées en moyenne par 300 élèves. Dans le secteur de la santé, ma commune dispose de trois postes de santé à Tokomadji chef lieu de la commune, à Koundel et à Téthiane qui appartient administrativement à ma circonscription mais avec la complaisance, la complicité de l’administration, ce village est rattaché à la commune de Djéol. A notre prise de fonction, seul le PS de Tokomadji était opérationnel pour couvrir les besoins de 13 villages que compte la commune. Nous avons cherché et obtenu l’affectation d’un infirmier à Koundel, devenu un pôle de santé, au plus grand bonheur des populations de la localité et des villages environnants. Je saisis cette opportunité pour rendre hommage à Sow Aly, infirmier de Koundel pour son dynamisme et son humanisme ainsi qu’à son collègue de Tokomadji. Grâce aux efforts personnels de M. Sow, le PS de Koundel est doté d’un site nutritionnel dans le cadre du programme de lutte contre la malnutrition exécutée en collaboration avec le croissant rouge mauritanien (CRM) et la croix rouge française (CRF). Dans le domaine de l’électrification rurale, grâce à l’agence pour l’accès universel aux services (APAUS), les écoles, les mosquées, les postes de santé et les cimetières de même que les ménages qui le souhaitent disposent d’électricité à base d’énergie solaire avec un coût n’excédant pas 10% des charges totales et incluant la maintenance assurée par des ressortissants de la commune formés sur place. Dans le domaine vital de l’eau, c’est un paradoxe qu’une commune riveraine du fleuve Sénégal en manque cruellement. L’eau du fleuve est en effet impropre à la consommation pratiquement 8 mois sur 12 à cause notamment de sa pollution provoquée par le rejet de pesticides, d’huile et de gasoil par les nombreuses motopompes qui irriguent des périmètres agricoles de part et d’autre des deux rives du fleuve. Et la solution trouvée par les populations riveraines du fleuve consistant à creuser des puits n’en a pas moins résolu le problème de l’accès à l’eau potable. Dans tous les ménages, il y a des fosses septiques ou fosses perdues dont la proximité avec les puits cause un véritable problème de santé publique dans ma commune. C’est pourquoi nous avons fait de l’accès à l’eau potable la priorité des priorités. Nous avons dès notre investiture envisagée de doter les populations d’eau potable par la construction de forages dans la commune. A notre demande, la direction de l’hydraulique du MHHAT nous a accordé le financement d’un seul forage à Koundel, chef-lieu de la commune, dont les travaux qui ont commencé depuis 2007 ne sont toujours pas achevés. Nous avons aussi eu une oreille attentive du fonds mondial pour l’environnement (FME) auprès duquel nous avions introduit une requête. Le forage est en cours de réalisation et l’APAUS est chargé de fournir le groupe électrogène. Le retard dans l’acquisition du groupe serait dû au changement intervenu dans les procédures d’attribution de ce genre de marchés. Nous ne ménagerons aucun effort pour que tous les villages de la commune disposent chacun au moins d’un forage. C’est en tout cas notre ambition. Une autre réalisation qui aura sans nul doute un impact positif certain sur la régénération de l’écosystème et sur la vie des populations. Il s’agit de la réhabilitation du marigot de Koundel (weendu Koundel en poular) asséché depuis plus de vingt ans à cause de l’ensablement notamment, également sur financement du Fonds Mondial de l’Environnement (FME) et couvrant son surcreusement et la construction d’un barrage qui auront permis la reprise des activités de pêche, d’agriculture mais aussi l’abreuvage du bétail local et transhumant plusieurs mois durant. Par ailleurs nous avons soumis au ministère de la pêche un projet d’aquaculture dans le marigot et nous souhaitons vivement qu’il soit retenu pour financement en phase expérimentale, de même que nous envisageons la plantation d’arbres fruitiers autour du marigot. Voilà succinctement pourquoi je dis que je suis très satisfait du bilan à mi-parcours de notre mandat. Ma commune est véritablement en chantier.

Le QDN : M. Le maire, vous êtes un cadre et militant de l’Ufp et depuis plus de deux mois vous avez fondé avec d’autres cadres le Mouvement Pour la Refondation (MPR) présidé par Kane Hamidou Baba candidat malheureux lors de la présidentielle du 18 juillet dernier. Comment arrivez-vous à concilier votre appartenance à deux entités politiques l’une de l’opposition et l’autre de la majorité présidentielle ?

Diaw Abdoulaye Djimmé :
Depuis quelque temps, en collaboration avec d’autres cadres nous avons fondé le MPR. Nous pensons que la démocratie ne sera effective dans le pays que quand il est doté d’institutions républicaines. Le MPR est un mouvement d’idées sur la façon de refonder les institutions de la république et d’instaurer une démocratie réelle, conditions d’une citoyenneté effective, réelle. Si le pouvoir actuel veut réellement conduire le pays vers la démocratie réelle, véritable rempart vers le développement, il nous a semblé nécessaire que les cadres accompagnent une telle initiative. C’est même un devoir pour nous d’accompagner et de soutenir les actions que le président de la république veut mener. La ligne politique exprimée actuellement par mon parti ne me convient pas; elle ne me semble pas correspondre à la réalité. Les objectifs du Fndd étaient de faire échec au coup d’état, c’est fait, c’est une victoire politique. Il a eu d’autres victoires : le report de l’agenda du HCE et le retour à l’ordre constitutionnel matérialisé par l’élection présidentielle du 18 juillet 2009. J’avais averti, après les accords de Dakar que l’opposition devrait conditionner sa participation au scrutin par deux conditions à savoir : un temps raisonnable de préparation et des moyens. L’opposition s’est lourdement trompée en pensant que Mohamed O. Abdel Aziz était haï par les populations. Il me semble au vu du déroulement du scrutin que son élection était régulière et démocratique. Il avait mis toutes les conditions de réussite de son côté. Les citoyens se sont librement et massivement exprimés en sa faveur même s’ils ont empoché de l’argent auparavant. Il n y a pas eu de tripatouillage à la dimension et de nature à remettre en cause la crédibilité des résultats de l’élection présidentielle du 18 juillet dernier. Pour revenir sur les raisons de la rupture entre mon parti, l’Ufp et moi, c’est dû à la différence fondamentale de vue sur la stratégie politique à adopter, l’élection présidentielle passée. Le Fndd avait décidé de s’inscrire dans une opposition radicale et cette option ne me convenait pas. J’avais plutôt fait le choix d’accompagner Mohamed O. Abdel Aziz dans ce qu’il veut faire pour ce pays. N’ayons pas la mémoire courte. Comment O. Taya a accédé au pouvoir et ensuite phagocyté par les forces extrémistes arabes? Après l’élection de Sidi, il a déclaré ne pas vouloir travailler avec les roumouz, on sait ce qui s’en est suivi. Va-t-on encore courir le risque de retomber dans les mêmes situations en disant qu’il est mal élu et on l’abandonne entre les mains de ceux qui cherchent à le transformer en criminel ou en sanguinaire afin de préserver leurs intérêts personnels comme ce fut le cas jusque-là. Ce n’est pas mon point de vue et j’ai décidé de m’inscrire dans une logique de soutien au président de la république mais avec un regard critique. Le soutien du Mouvement Pour la Refondation à la nouvelle politique promue par le président Mohamed Ould Abdel Aziz, se fonde d’abord sur une convergence de vue avec les plus hautes autorités de l’Etat quant- aux conditions les meilleures pour asseoir une réelle unité nationale pour promouvoir une démocratie garante d’une citoyenneté effective, pour assurer un développement économique et social capable de hisser la Mauritanie au rang des pays hautement modernisés. Ensuite sur une commune volonté de mieux utiliser les ressources et les deniers publics, dans le sens d’assurer à nos populations une bonne couverture sanitaire notamment dans les périphéries de nos villes et dans les milieux ruraux ; assurer une scolarisation quasi générale pour les plus petits de nos enfants, ce qui n’est pas encore le cas, quand on sait que les classes multigrades font légions dans toutes nos communes ; combattre la misère et la faim dans de nombreuses familles mauritaniennes. En somme, c’est une convergence de volonté pour redonner à nos concitoyens la conviction d’appartenir à un destin commun au sein d’un Etat et d’une République reconnue comme tel par l’ensemble de nos composantes nationales ; la garantie d’un fonctionnement libre et régulier de nos institutions démocratiques. Voilà succinctement définis quelques uns des objectifs du Mouvement Pour le Refondation qui expliquent et justifient mon engagement au sein de ce mouvement.

Propos recueillis par Vieux Gaye


Mardi 27 Octobre 2009
Boolumbal Boolumbal
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