Entretien avec Mme Bâ Khady Sy, présidente de l’ADECOM et responsable du Centre d’hébergement des fistuleuses



Entretien avec Mme Bâ Khady Sy, présidente de l’ADECOM et responsable du Centre d’hébergement des fistuleuses
«La création de ce centre …répond aux besoins de prise en charge préopératoire des personnes souffrant des fistules obstétricales »


Mme Bâ Khady Sy
est une sage-femme de formation qui traîne derrière elle une carrière professionnelle de plus de 40 ans. Successivement directrice de la santé maternelle au ministère de la santé, directrice du centre régional de formation en santé de la reproduction en Ile Maurice, puis conseillère technique principale auprès du ministère de la santé du Bénin, présidente du réseau mauritanien et régional africain pour la lutte contre les fistules, cette femme très connue dans le secteur vital de la santé décide de mettre sa riche expérience et ses compétences au profit de la société civile. C’est ainsi qu’elle décide de créer l’Association pour le développement communautaire (ADECOM) qu’elle préside, une ONG qui œuvre depuis près d’une décennie pour la santé de la reproduction et particulièrement dans la lutte contre la mortalité maternelle et infantile et les fistules obstétricales. C’est à ce titre qu’elle a créé en mai dernier, sur ses fonds propres, le Centre d’hébergement des femmes fistuleuses qui dispose d’infrastructures et d’équipements complets (pharmacie, salles d’accueil, de soins, d’hospitalisation, de réfectoires, 20 lits) et d’un personnel composé d’une sage-femme détachée par le ministère de tutelle, 2 auxiliaires et 1 chargé de l’administration. Il travaille en partenariat avec le ministère de la santé, le FNUAP et l’OMS. C’est dans ces locaux flambant neufs, que Mme Bâ a bien voulu répondre à nos questions.

Nouakchott Info : Qu’est-ce qui vous a inspiré à créer ce centre et quelle est sa mission principale ?

Mme Bâ Khady Sy :
C’est au cours des multiples caravanes de santé organisées par l’ADECOM à Nouakchott et à l’intérieur du pays dans le cadre de son programme de lutte contre la mortalité et la morbidité maternelle que nous avons pu évaluer à juste dimension la prévalence élevée des cas de fistules. Nous rencontrions alors d’énormes difficultés à faire acheminer les malades vers l’hôpital de Nouakchott qui était le seul à pouvoir assurer leur prise en charge chirurgicale. Celle-ci était assurée par des missions françaises très ponctuelles (1 à 2 fois par an) organisées par l’ONG « Equilibre et population ». La création de ce centre qui appuiera les efforts des pouvoirs publics dans la lutte contre la morbidité, répond aux besoins de prise en charge préopératoire des personnes souffrant des fistules obstétricales. En effet, il faudrait au préalable améliorer leur situation nutritionnelle (la malnutrition offre un terrain favorable à la survenue d’une fistule) et traiter les traumatismes psychologiques provoqués par cette pathologie pour une durée d’au moins deux mois. L’autre mission du centre est de les rassurer de la nécessité d’une intervention chirurgicale qui est la seule cure connue jusque-là, de les accompagner pendant et après l’opération car la période post-opératoire doit être aussi rigoureusement suivie pour éviter les infections. Le sujet convalescent doit subir des séances de rééducation (kinésithérapie) pour que ses organes reprennent leurs fonctions normales.



N. I : Quel est le taux de prévalence de cette maladie dans notre pays et quelles en sont ses manifestations cliniques ?

M.B.K.S :
Il n’y a aucune étude spécifique qui permet de déterminer avec précision le taux de prévalence de cette maladie car dans la plupart des cas les personnes souffrantes ont tendance à se terrer pour éviter les regards des autres. Dans tous les cas, on peut dire que cette pathologie est liée à un mauvais accouchement. Là, les chiffres parlent d’eux-mêmes : le taux de mortalité maternelle en Mauritanie est de 686 pour 100 000 naissances vivantes et il est le plus élevé de la sous région maghrébine et ouest africaine (NDLR. A titre comparatif, il est de 401 sur 100 000 naissances au Sénégal et de 227 sur 100 000 au Maroc). En dépit de ce taux élevé, la prise en charge chirurgicale demeure très faible : l’ONG française que j’ai évoquée plus haut intervient seulement à Nouakchott et à Kiffa 1 ou 2 fois par an.

Quant à la 2e partie de votre question, il faut d’abord préciser que les fistules obstétricales se divisent en trois formes : les fistules vésico-vaginales, les fistules recto-vaginales et les fistules recto-vésico-vaginales. Le 1er cas se manifeste par des pertes considérables d’urines, le 2e par des pertes de matières fécales et la 3e par les deux. La vessie et le rectum du sujet malade ne pouvant plus contenir respectivement les urines et les matières fécales. Au-delà de cet aspect physique, la malade subit un traumatisme psychologique dégradant constamment entretenu par la mauvaise odeur qu’elle dégage. Elle se sent ainsi abandonnée par son mari et par tous ses proches.

La fistule peut guérir à condition qu’elle soit diagnostiquée précocement et qu’elle soit prise en charge 6 mois à 1 an après l’accouchement. On peut la prévenir en vidant systématiquement la vessie et le rectum avant le début du travail (ce mode de prévention a un taux de réussite de 60 à 70% des cas).



N. I : Existe-t-il un lien entre l’excision et la fistule obstétricale ?

L’excision ne provoque la fistule mais elle la favorise car cette pratique laisse souvent une cicatrice qui peut facilement se rouvrir en cas de complications obstétricales. Il existe même des fistules qui apparaissent au moment de l’excision mais celles-ci peuvent être réparées. C’est ainsi qu’une femme excisée est plus exposée à cette pathologie.



Propos recueillis par Dia Abdoulaye


Source: http://amadel.vox.com/

Mardi 17 Août 2010
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