Un sidéen mauritanien écrit au Président de la Banque



Un sidéen mauritanien écrit au Président de la Banque
Demande de levée de suspension de l’IDA
Monsieur, le Président

J’ai l’honneur de vous adresser cette lettre pour attirer votre attention sur la situation des malades du Sida en Mauritanie.

Monsieur le Président, permettez moi de vous résumer le parcours que j’ai eu dans la réponse nationale de lutte contre le sida en tant que personne infectée. Suite a une longue maladie, en décembre 2002, par laquelle j’ai contracté des infections opportunistes (une candidose buccale et un zona), j’ai eu à consulter un dermatologue qui m’a demandé de faire un dépistage dont le résultat était positif (ce qui constituait une condamnation à mort).



Je me suis approché d’une soeur qui m’a mis en contact avec le représentant de l’ONUSIDA et ce dernier m’a indiqué la secrétaire générale de l’ONG Stop Sida qui m’a mis en contact avec le président de l’association des Personnes Vivant avec le VIH (AMPVVIH) formant ainsi le premier quartet de malades pris en charge au Sénégal par le secrétariat exécutif national sur les fonds de l’IDA.
Pendant trois mois, j’ai eu un traitement à l’infection opportuniste au Centre de Traitements Ambulatoires (CTA) de FANN à Dakar où j’ai rencontré plusieurs PVVIH qui m’ont rassuré sur l’efficacité du traitement. J’ai commencé le traitement ARV en Mars 2003 et mon taux de CD4 était à 130.

Au cours des années 2003 et 2004, j’assurais l’accompagnement et le soutien bénévoles des malades de Nouakchott à Dakar où j’ai bénéficié d’une formation d’assistant social au CTA de FANN pris en charge par l’IDA.

En 2005, j’ai été recruté après non objection de la Banque Mondiale au Secrétariat Exécutif National de Lutte contre le Sida pour une meilleure implication des personnes vivant avec le VIH sida au niveau décisionnel ainsi qu’une promotion de leur visibilité tant au niveau national qu’au niveau international.

J’étais le premier PVVIH à témoigner à visage découvert devant la presse nationale et internationale pour briser le silence et donner plus d’espoir et de visibilité a mes pairs. Je n’avais ménagé aucun effort pour lever, d’une part, au niveau national l’anonymat, accompagner et encourager les autres membres de ma communauté à se constituer en association pour connaître leurs droits et devoirs et d’autre part, s’impliquer dans la prise en charge globale.

Nous avons aujourd’hui seize associations au niveau national dont dix à Nouakchott. Par ailleurs, j’ai pris l’engagement personnel de consacrer le reste de mes jours à améliorer la qualité de vie de notre communauté par une prise de conscience responsable et de participer à l’éradication de cette pandémie dans mon pays. Cela a fait renaître en moi l’espoir de bien me porter, de retrouver la force de travailler, de mener une vie sociale normale et d’avoir des projets.

En février 2008, j’ai épousé une femme PVVIH comme moi pour qu’on puisse, ensemble, construire un foyer et mener une vie sociale normale et surtout avoir des enfants grâce aux progrès scientifiques. Ce rêve a été malheureusement brisé par votre décision de suspendre le DON de l’IDA destiné à la Mauritanie.

Par cette décision malheureuse, inhumaine et inopportune, tout mon univers s’est écroulé et tous mes rêves brisés. Sans aucune perspective, acculé au désespoir, je suis désormais dans une situation économique intenable guettant toutes les minutes la mort qui est désormais imminente de par ma vulnérabilité physique et économique.

Sans salaire, depuis que votre institution a suspendu unilatéralement et sans préavis le don IDA finançant le SENLS mon employeur (août 2008 soit 14 mois), je n’ai pas pu subvenir aux besoins élémentaires de ma femme enceinté qui a du avorter (faute de moyens pour le suivi de sa grossesse).

Menacé depuis 14 mois d’expulsion par mon bailleur pour cause de retards de paiement du loyer, je risque, à chaque instant, de me retrouver dans la rue avec épouse et bagages à la merci des intempéries et de la chaleur dans une ville ou il est impossible de vivre sans moyens financiers.

Le monde s’est écroulé sur mes épaules depuis que votre institution a anéanti tous les efforts accomplis pour que les PVVIH s’intègrent dans la société. Le rêve de vivre comme les autres, ce qui est somme toute normal et un droit inhérent à l’existence humaine, s’est évaporé, Incapable d’honorer mes engagements, je suis à la merci de toutes les tentations.

Votre institution peut désormais se vanter davoir mis fin à la vie d’une population vulnérable qu’elle a irrémédiablement condamné. Maigre succès mais lourde responsabilité morale qu’elle devra un jour payer devant Dieu et les hommes épris de justice.

En agissant ainsi, elle a tout gâché dans le domaine de la lute contre le Sida - Elle a brisé ma résistance à cette pandémie 3 - Elle a brisé mon rêve d’avoir des enfants et de vivre une vie normale - Elle a anéanti la force et la conviction dont j’ai fait montré afin d’aspirer à la vie au même titre que les autres personnes

Monsieur le Président de la Banque Mondiale,

Vous êtes le premier responsable de cette décision inhumaine qui viole les droits fondamentaux de la personne consacrés par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et pour la réalisation desquels se battent les hommes et les institutions de tous les pays du monde en particulier les nations unies.

En Août 2008, suite au coup d’Etat intervenu en Mauritanie, la Banque Mondiale a suspendu ses fonds alors que le projet MAP venait, une fois de plus, d’être plébiscité par votre institution pour les résultats réalisés et dans la même lignée le Fonds Mondial a envoyé des enquêteurs, prélude à un arrêt des financements de la lutte contre le Sida. Nous ne devons être victimes ni de desseins politiques, ni de lourdeurs bureaucratiques.

Actuellement plus de 2700 PVVIH courent des risques de résistance et sont répartis sur le vaste territoire de la Mauritanie loin des centres de traitement. Leur survie est désormais compromise et leurs lendemains incertains à cause de la banque mondiale. Des médecins, qui sont formés et que Etat sera dans l’obligation d’affecter à d’autres tâches sans parler du matériel qui sera utilisé à d’autres fins ne sont que les conséquences néfastes d’une décision amorale.

Monsieur le Président, nous vous tenons responsable de cette situation dramatique, car vous êtes seul habileté à la corriger et nous vous adressons ce cri du coeur pour lever la suspension des fonds de l’IDA.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir mesurer l’impact de votre décision.

NOTRE MESSAGE C’EST NOTRE VIE !

Nouakchott, le 08 Octobre 2009


Mr Mohamed Ould Maouloud
Point Focal des Personnes Vivant avec le VIH
Secrétariat Exécutif National de Lutte contre le SIDA /Mauritanie
Tél. : 00 222 630 18 24
Email : mmaouloud@yahoo.fr


Source: Le Quotidien Nouakchott

Vendredi 16 Octobre 2009
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