Synthèse de Khalilou Diagana sur le rapport du comité de suivi et de gestion des préjudices



Synthèse de Khalilou Diagana sur le rapport du comité de suivi et de gestion des préjudices
Comité de suivi et e gestion des préjudices : Rapport sur le règlement
du passif humanitaire et la question des déportés mauritaniens
" Faire le point, de la manière la plus exhaustive possible, sur
l'ampleur des événements qui ont fortement secoué la communauté
négro-mauritanienne, victime d'une répression aveugle de l'ancien
régime de 1986 au 03 août 2005. " Tel est l'objectif du rapport du
Comité de suivi et de gestion des préjudices (CSGP). Ce rapport, dit
de règlement du passif humanitaire et de la question des déportés, a
été rendu public au début du mois de septembre 2007. Après une
identification des victimes, il traite de l'évaluation des préjudices
et des réparations envisageables. Les victimes identifiées par le
Rapport sont celles des répressions politiques de 1986 et 1987, des
événements de 1989 et des épurations et purges de 90 et 91.
Pour 1986, le Rapport cite les noms d'une vingtaine de négro-africains
condamnés pour, ente autres, " propagande à caractère raciale et
ethnique ", après la publication du " manifeste du negro mauritanien
opprimé "
Le Rapport fait aussi état d'autres arrestations à Nouakchott et à
l'intérieur de la Mauritanie qui se sont poursuivies jusqu'en 1987.
Pour cette année 1987, le Rapport fait état " d'un nouveau cycle de
répression politique, suite à l'annonce par les autorités le 17
octobre 1987 de la découverte d'un complot visant à renverser le
pouvoir et de l'arrestation de 51 officiers, tous noirs, détenus au
secret et soumis à des interrogatoires musclés sans aucun contact avec
leurs avocats jusqu au jour de leur jugement, le 18 novembre 1987. "
Les trois peines capitales prononcées contre les lieutenants Sy
Saidou, Bâ Seydi et Sarr Amadou ont été mises à exécution le 06 décembre.
Pour les événement de 1989, les rapport note que " les victimes sont
nombreuses et difficiles à établir avec précision, tant ces événements
ont déclenché dès le départ une folie meurtrière faite de représailles
et de contre-représailles en Mauritanie et au Sénégal. " Citant des
ONG de défense des droits de l'Homme dont human rights watch, le
Rapport parle de " 50 à 60 mauritaniens maures qui auraient été tués
au Sénégal contre environ deux cents personnes (sénégalais, ouest
africains mais aussi négro-mauritaniens) du côté mauritanien. "
Le rapport note que le dernier recensement du HCR du mois de juillet
1997, estime la population réfugiée mauritanienne au Sénégal à 66075
personnes, sans tenir compte de ceux qui ont trouvé gîte chez des amis
et parents. " La controverse sur le nombre de réfugiés devrait, selon
le rapport, être dépassée grâce à des opérations d'identification
justes et sincères.
Parmi les effets directs des événement, le rapport fait état du
déguérpissement entier de plusieurs village negroafricains et de
l'état de siège de fait qui a sévi durant des années dans les régions
du sud de la Mauritanie avec son corollaire d'humiliations, de mauvais
traitements, de disparitions et de meurtres.

Victimes de 1989

Pour les victimes des épurations et purges entre 1990 et 1991, il est
écrit dans le rapport : " De novembre 1990 à février 1991, de 500 à
600 prisonniers politiques négro-africains furent exécutés ou torturés
à mort par les forces gouvernementales. Les victimes se comptaient
parmi les quelque 2.500 Noirs arrêtés arbitrairement, détenus au
secret et soumis à des sévices physiques particulièrement brutales. "
Au chapitre " exécutions extrajudiciaires " figure dans le rapport une
liste de 540 militaires tués. Pour les radiations durant cette période
: 729 employés de la fonction publique et du secteur privé.

Evaluation des préjudices


Concernant l'évaluation des préjudices, le rapport note que " les
atteintes ont visé dans le cadre d'une attaque généralisée et
systématique la population civile et militaire de la communauté
négro-africaine de Mauritanie et principalement Haalpulaaren. "
Les chefs de préjudice retenus sont : les exécutions extrajudiciaire,
les exécution après condamnation, les détentions arbitraires et
condamnation, les déportations et transferts forcés de populations
avec le bannissement de plus de 300 villages et les radiations suivies"
d'une systématisation de la discrimination en matière de recrutement ;
politique qui a réduit considérablement la représentation de la
communauté négro-mauritanienne au sein de l'armée et de l'administration. "
Quant aux atteintes aux biens, le rapport souligne " qu'elles sont
proportionnelles au nombre de personnes déportées qui ont dû laisser
tous leurs biens livrés au pillage et à l'avidité de certains agents
des forces de l'ordre. " en plus de l'abandon de leurs maisons et des
meubles qu'elles contenaient, le rapport note que , les déportés
mauritaniens étaient dépouillés des objets qu'ils portaient sur eux,
du plus précieux (parures en or, argent,…) et parfois au plus
dérisoire (chaussures,… ). " Les populations les plus affectées par ces
déportation, selon le Rapport : " les peuhls pasteurs dont près de 67%
des campements ont été rasés et les paysans sédentaires. "
Pour déterminer la nature des préjudices, le Rapport propose " Le
recours aux
déclarations sur l'honneur qui devront être recoupées par des
témoignages et tous autres moyens de preuves disponibles. "

Réparations envisageables

La troisième partie du rapport est consacrée aux réparations
envisageables.
Concernant la responsabilité pénale, il est écrit que " les actes
commis contre la population négro-mauritanienne, tout au moins d'avril
1989 à l'ordonnance d'amnistie de 1993, sont susceptibles d'être
qualifiés d'infractions graves aux conventions de Genève de 1949 et
dont la Cour Internationale de Justice de La Hayes considère qu'elles
obligent tous les Etats même en dehors de toute ratification. "
Il est pertinent, écrivent les auteurs du rapport, " de penser, au vu
du développement actuel du droit pénal international, que les éléments
constitutifs de crime de génocide et de crime contre l'humanité
semblent constitués dans la période visée. " Pourquoi ? Parce que,
selon le rapport, "
les statuts des tribunaux pénaux internationaux et celui en
l'occurrence de la Cour Pénale Internationale n'exigent pas de " plan
concerté " pour la qualification de génocide : il faut et il suffit
simplement d'actes commis " dans l'intention de détruire, en tout ou
en partie… " un groupe de personnes (article 6 des statuts) ; la
jurisprudence du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie
confirme bien que la cible du crime de génocide peut être aussi bien
un groupe de personnes ou une partie seulement de ce groupe. "
d'ailleurs, ajoutent les auteurs du Rapport : " Nombre de responsables
du pouvoir en place ont participé à ces crimes qu'ils ont planifiés,
incité à commettre, ordonnés, commis, ou de toute autre manière aidé
et encouragé à planifier, préparer ou exécuter. "
Les obstacles politiques, de l'avis des rédacteurs du rapport " ne
sauraient faire courir les délais de prescription, s'ils existent, ni
effacer les crimes commis. " Il est rappelé que " la plainte des
victimes par le biais du collectif des avocats avait été rejetée par
le procureur Général sous prétexte de la nécessité d'une autorisation
du chef d'état major pour poursuivre les militaires. " Argument
contredit par un avis motivé de la Cour Suprême de Mauritanie, selon
les auteurs du rapport. Deuxième obstacle souligné par le Rapport :
l'auto- amnistie par la promulgation de l'ordonnance d'amnistie
controversée de juin 1993.
Pour contourner ces obstacle, note le rapport, " Les victimes ont usé
du mécanisme subsidiaire de la compétence universelle qui a permis la
condamnation par défaut de comparution criminelle (forme nouvelle de
la condamnation par contumace) du capitaine Ely Ould Dah et rendu
recevables les plaintes contre Ould TAYA devant les juridictions belge
et américaine. "

Pour ou contre les procès ?

Les auteurs du rapport ne se prononcent pas pour ou contre le choix de
la voie processuelle pour le règlement de la question du passif
humanitaire. Selon eux " il convient de ne jamais perdre de vue que
toute résolution du problème passe par et avec les victimes qui seules
peuvent décider des suites pénales à donner ou non à l'affaire. " Ils
ajoutent que même dans l'hypothèse " d'un renoncement à poursuivre
dans le cadre d'une procédure de réconciliation nationale, l'action
publique des victimes n'est pas éteinte devant les juridictions
étrangères ayant intégré le mécanisme de la compétence universelle. "
Après avoir donné ces précisions sur la responsabilité pénale, les
auteurs du rapport, proposent, " dans un esprit de réconciliation
nationale et d'équité " de soulager la douleur des ayants droits et
des survivants des disparus, suivant trois options : d'abord " Par la
justice et la mise en cause des responsables, dans la mesure où la
stabilité politique de la démocratie naissante ne risque pas d'être
remise en cause par certains éléments encore influents. " Autrement
dit, cette " stabilité politique de la démocratie naissante " pourrait
justifier, l'abandon, au moins momentanément, de la voie judiciaire
pour le règlement de la question du passif humanitaire. C'et une
grosse concession.

Vérité et réconciliation

Ensuite " Par la mise en œuvre d'une commission type
vérité-réconciliation qui permettra aux responsables des crimes visés
d'être auditionnés par la commission et demander pardon aux victimes
ou à leurs ayants droit. Et, enfin " Par la mise à l'écart de tout
poste de responsabilité ou de commandement, des personnes responsables
des exactions incriminées.
Au chapitre réparations civiles, les auteurs du rapport proposent :la
diya, l'indemnisation pour préjudices économique, matériel, la
réintégration ou l'indemnité pour perte de salaires ou de revenus,
l'indemnité pour préjudice moral, la réhabilitation des village
déguerpis. Cette dernière consistera " en premier lieu à reconstruire
les villages déguerpis en y réintégrant les populations déportées ;
chaque famille devant reprendre son habitat et l'ensemble de ses
propriétés. "

Mesures politiques complémentaires

Pour " consolider dans le temps la politique de réconciliation
nationale amorcée " les auteurs du rapport proposent la prise de
mesures politiques complémentaires en faveur, entre autres, des
enfants des déportés, des anciens détenus politiques et des exilés, du
devoir de mémoire et de la cohabitation harmonieuse des populations.
Le rapport contient en annexe, une liste, " non exhaustive de 113
victimes militaires et ayants droit de disparus vivant en exil " et de
plus de 200 militaires, auteurs présumés de tortures et autres exactions.

Synthèse : Khalilou Diagana



Dimanche 11 Avril 2010
Boolumbal Boolumbal
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