Samory Ould Bey a rencontré le Président Ould Abdel Aziz. Entretiens.



Samory Ould Bey a rencontré le Président Ould Abdel Aziz. Entretiens.
Le 25 janvier dernier, Samory Ould Bey, Secrétaire Général de la CLTM, adresse une lettre ouverte au Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki Moon, « relative au calvaire et à la discrimination dont sont victimes les Harratines de Mauritanie ». Mercredi 10 février, à 14 heures, il est reçu, durant une heure au Palais présidentiel, par le Président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz. Ils en parlent. Nous l’avons rencontré.


Une correspondance à Ban ki-Moon et une entrevue avec le Président de la République, quels rapports entre les deux événements ?

Effectivement, je suis l’auteur de la correspondance adressée au Secrétaire Général de l’ONU, Ban ki-Moon.

Il y a deux jours, j’ai été également reçu par le Chef de l’Etat, Mohamed Ould Abdel Aziz.

Au cours de cette audience, j’ai insisté sur le contenu de cette lettre et, en particulier, sur la nécessité de trouver une solution urgente et adéquate pour que les espoirs renaissent afin que, ensemble, nous puissions continuer notre combat pour la cohabitation, la cohésion et le développement.

J’ai saisi l’occasion pour expliquer en détails les souffrances, les privations dont est victime la communauté haratine. J’ai en particulier énuméré certains aspects saillants comme le déséquilibre politique qui existe aujourd’hui, comme l’exclusion à grande échelle dont font l’objet les cadres haratines et les pratiques qu’exercent l’Administration et les notabilités sur cette communauté.

Aujourd’hui, on est dans une situation inadmissible dans laquelle les haratines ne pourront plus vivre car ils sont dans l’impossibilité de développer leurs particularités, leurs spécificités culturelles et civilisationnelles. Le fait aussi de ne pas être considéré comme étant une composante nationale à part entière ayant les mêmes mérites que les autres composantes du pays qui se partagent également le même gâteau, cela crée forcément de grands remous.

Il va de soi que pour régler ces questions, les solutions nationales sont privilégiées, si solutions nationales existent ou peuvent exister.


Et le Président, qu’est-ce qu'il vous a dit à ce propos ?


Le Président a évoqué ses bonnes intentions et notamment son programme électoral qu’il juge très ambitieux et qui devrait, à terme, résoudre beaucoup de problèmes (analphabétisme, pauvreté…).

Pour lui, il s’agit d’un travail dont le succès nécessite l’action et l’implication de tous. Ould Abdel Aziz affirme qu’il a, lui-même, la ferme volonté de veiller sur l’application de son programme en ce qui concerne les adwabas.

Il est persuadé que l’arsenal juridique ne sera jamais, à lui seul, en mesure, ni assez efficace pour résoudre les problèmes. Il importe également d’éduquer les gens et de les sensibiliser aussi bien sur leurs droits que sur leurs devoirs et obligations.

Enfin, il dit qu’il est personnellement disposé au dialogue. Il précise cependant que certaines questions sont discutables et d’autres ne le sont pas.


Et qu’avez-vous répondu ?

Certes, le long terme permettra de régler certains aspects, mais il y a urgence d’agir dans le court et moyen terme. Des mesures doivent être prises dans l’immédiat, des instructions, des orientations pour résoudre d’abord un certain nombre de questions clés et sensibles qui vont, tout de suite, redonner espoir et montrer la bonne volonté du régime. A titre d’exemple, il faut mettre fin au feuilleton des expropriations foncières, ces terres et ces puits que les féodaux tentent de reprendre aux haratines avec la complicité active des cadis et des hakems.

Il s’agit de prendre, également, des mesures pour permettre aux haratines d’accéder aux postes de commandement dans l’armée et à certaines fonctions de l’Etat. Le partage des ressources et des responsabilités n’a pas besoin du long terme pour être réalisé.


Quelles étaient, selon vous, les questions qui ne sont pas discutables auxquelles a fait allusion Ould Abdel Aziz ?

Non, il n’a pas précisé et je n’ai pas cherché à savoir.


Vous avez été reçu à votre demande ou à celle du Président ?

Je n’ai pas demandé à le voir. Des personnes m’ont demandé si j’étais ouvert au dialogue et si je serais disponible au cas où Ould Abdel Aziz voudrait me rencontrer. J’ai tout de suite répondu oui, car je ne vois aucun inconvénient à le rencontrer et ce, d’autant plus que je n’ai rien à cacher. J’ai, juste, des convictions et des idées à exposer et à défendre.


La rencontre s’est déroulée où et quand ?
C’était avant-hier, mercredi 10 février 2010, dans le bureau présidentiel au Palais de la République.


A quelle heure et pendant combien de temps ?


En début d’après-midi, vers 14 h. L’entrevue a duré environ une heure de temps.


Vous avez fait cette rencontre au nom de l’APP ou de la CLTM ?


Non, pas du tout. C’était en mon nom personnel en tant que leader d’opinion.


A votre sortie de l’audience, quelles conclusions en faites vous?

En réalité, je ne pouvais pas tirer une conclusion de cette première entrevue. Ould Abdel Aziz n’a, en fait, exprimé que le contenu de l’article de Mohamed Ould Nani (Chargé de Mission au Premier Ministère, ndlr) paru dans le journal Horizons l’autre semaine.

Je signale, au passage, que j’ai adressé un droit de réponse à « Horizons » qui n’a pas été malheureusement publié. Il s’agit, en réalité, de ma position par rapport à la thèse officielle du pouvoir exprimée dans l’article signé par Ould Nani.


Quelle appréciation faites-vous de l’article signé par Mohamed Ould Nani ?

C’est toujours le même discours stéréotypé, c’est toujours le rejet et le refus de reconnaître les réalités et les problèmes; donc, la fuite en avant, et c’est très mauvais.


A vous entendre, on comprend que, pour vous, la balle est dans le camp du pouvoir. A quoi vous vous attendez maintenant ?


Absolument, la balle est dans le camp du pouvoir. Nous nous attendons à du concret, à du palpable, à des signaux forts dans l’immédiat. Car, nous ne nous pouvons plus supporter l’humiliation, la discrimination et l’exclusion.


Est-ce que vous avez eu des échos des Nations-Unies au sujet de votre courrier à Ban Ki-Moon ?

Non, non, jusqu’à présent rien encore. J’ai appris quand même qu’il y a une réaction du Palais, qu’Ould Abdel Aziz aurait écrit ou saisi l’ONU pour dire que les propos de Samory ne sont pas admissibles et ne sont pas discutables. Je ne sais pas, si certains, veulent dire par là que les questions que j’ai soulevées ne sont pas discutables à l’extérieur.


En fait, ne voyez-vous pas une contradiction quand vous affirmez, plus haut, privilégier les solutions nationales alors votre que courrier à Ban Ki-Moon est une tentative de sortir le linge de la famille ?


Oui, oui, parce qu’après trente années de lutte, de dialogue, de discussions et de sacrifices, la situation n’a pas évolué. Il s’agit manifestement d’une société sclérosée.


Donc, on peut dire qu’on assiste aujourd’hui à une renaissance du mouvement El Hor après sa dissolution?

Non, non, El Hor ne s’est jamais dissout. En tant que mouvement, idées, idéologie, groupe, il existe toujours. Tous ses membres y croient encore.


Pensez-vous sincèrement que le communautarisme est une bonne solution ? Pourquoi ne pas militer plutôt pour un Etat de droit où chacun trouvera son compte ?

Oui, c’est une solution dans la mesure où la communauté arabe ne reconnaît que l’élément blanc comme le pur national et que tout le reste est awach (la racaille, ndlr). Oui, c’est comme ça qu’ils traitent les autres. C’est leur culture. On en a assez de ce genre de considérations, cela doit impérativement changer. Nous voulons des rapports, des relations correctes qui renforcent la confiance, la cohésion nationale, qui lient les gens à un destin commun.


Alors, après une entrevue d’une heure avec le Président de la République, qu’elle impression il vous a fait ?
Quand je sortais, j’avais la tête lourde de pensées et j’étais un peu abattu. Même s’il s’agissait de contact et non de négociations. Pour moi, les arguments employés par le Président pour me persuader de la capacité de son programme de régler tous les problèmes des mauritaniens y compris ceux des haratines n’étaient pas rassurants. Ould Abdel Aziz n’a pas été rassurant. Mais, je ne prétendais pas à plus que ça d’une première entrevue. Et je considère qu’il faut lui donner plus de temps pour lire et savoir réellement plus sur ses bonnes intentions.


A la fin de l’entrevue, vous a-t-il raccompagné en prenant congé de vous ?
Oui, il s’est levé et m’a de façon très courtoise dit au revoir.


Et quels étaient ses derniers mots ?
Il a dit que la rencontre a été fructueuse et qu’il souhaite qu’elle ne soit pas la dernière.

Propos recueillis par aos/mck/ainrim

Source:
Ainrim

Dimanche 14 Février 2010
Boolumbal Boolumbal
Lu 185 fois



Recherche


Inscription à la newsletter