Requiem pour un ami, Dia Ousmane Samba par Boye Alassane Harouna



Requiem pour un ami, Dia Ousmane Samba par Boye Alassane Harouna
Elle vient de tomber, la triste nouvelle : Dia Ousmane Samba nous a quittés.

Il y a quelques semaines, de son lit d'hôpital d'où il me répondait quand je lui parlais au téléphone pour m'enquérir de son état de santé, sa voix, naturellement douce et posée, me parut atone, quasi éteinte. Ses difficultés d'élocution étaient nettement perceptibles. Mais malgré elles, il tenait à me dire un mot sur ce qui le préoccupait au plus haut point, jusque dans son lit d'hôpital : les défis et épreuves auxquels son Organisation faisait face.


Pour lui épargner des efforts que son état ne semblait pouvoir supporter, son ami de toujours, Diagana Mamadou Youssouf, toujours à son chevet comme s'il pressentait l'imminence de cet instant fatidique, et qu'il voulût être là, présent, à ses côtés, quand il adviendrait, prit le téléphone de sa main et poursuivit la conversation avec moi.


Nos chemins se croisèrent dans le dernier trimestre de 1983 à F'derick, siège du commandement de la deuxième Région militaire. Nous ne servions pas dans une même Unité ; d'où l'inexistence entre nous de cette proximité professionnelle que l'on observe entre collaborateurs dans une même hiérarchie ou un même Service. En revanche, dans la vie privée, c'est à cette date et en ce lieu que se nouèrent nos relations. Elles étaient, elles, faites de proximité, de complicité, d'estime réciproque, d'amitié.


Les turbulences de la vie militaire et mon arrestation en 1987, suivie de mes trois années de privation de liberté empêchèrent cette amitié naissante de prospérer comme nous l'aurions souhaité. Mais le monde sachant parfois si bien se faire petit, et la vie réservant souvent des surprises inattendues, il se fit que Dia Ousmane et moi nous retrouvions en France, en 2000, dans les bras l'un de l'autre.


Côte à côte, avec bien d'autres, nous fîmes ensemble un bout de chemin dans l'engagement humanitaire, avant qu'une divergence d'approche dans la gestion d'un dossier délicat ne vienne mettre fin à cet engagement commun dans le cadre d'une même structure organisationnelle. Plus tard, je suspendais toute activité au sein des organisations humanitaires. Tandis que lui continuait de s'y investir, jusque dans son lit d'hôpital, ainsi que cela s'entrevoit au travers de ce qui est mentionné plus haut.


Cette vicissitude inhérente au militantisme, à l'action politique et humanitaire, et l'éloignement géographique n'ont guère affecté l'amitié qui était la nôtre, même si notre proximité d'antan n'était plus là pour la fertiliser davantage. La preuve : quand cet autre impératif du militantisme fit que le contact entre nous se rétablit courant février 2010 par le biais de notre ami Diagana Mamadou Youssouf, la voix de l'amitié, en réalité jamais éteinte, ne mit pas du temps pour se faire entendre. C'est que Dia Ousmane Samba était un homme entier, sans fard, ni fourberie, ni minauderie. Il pouvait, comme chacun, se tromper et même être induit en erreur. Mais il n'était pas du genre à s'entêter, par orgueil intempestif, quand les faits invalidaient sa démarche ou sa position. Son amitié n'était pas synonyme d'opportunisme. Ses relations, il ne les tissait pas à partir de calculs.


En matière d'engagement pour la défense et la promotion des Droits de l'homme, je pense pouvoir affirmer que Dia Ousmane Samba était un militant solide, authentique, parce que fiable et crédible. Qualité fondamentale dans notre contexte politique actuel, en ce qu'elle préserve des multiples tentatives de récupération politique ou des ralliement maquillés en « soutien » à des politiques ou mesures qu'on prétend être innovatrices ou progressistes ou de nature à favoriser l'unité nationale.

Cette fiabilité, qui contribue à façonner le militant indomptable, me semble être la plus grande qualité de Dia Ousmane Samba. Elle est d'autant plus digne d'éloge qu'elle est rare, aujourd'hui, chez les cadres et dirigeants des organisations humanitaires ou de l'opposition politique.


Le 12 mars 2010, en début de soirée, je converse au téléphone avec Diagana Mamadou Youssouf. Je l'interroge sur l'état de santé de Dia Ousmane Samba, auprès de qui il se trouvait avant notre entretien téléphonique. Il se voulut optimiste. Et rassurant. Quoi de plus normal ? Maladie n'est pas synonyme de trépas, dit-on en pulaar. Cependant, quelque chose dans sa voix me laissait tristement songeur., et inquiet. Il y a des signes, sorte de sixième sens, qui ne trompent pas.


Dia Ousmane Samba, notre ami, notre frère, notre compagnon, nous a quittés définitivement. De tels départs d'êtres chers, de proches, de compagnons avec qui des épreuves ont été endurées, des moments de joie partagés, des projets élaborés.; de tels départs créent toujours un vide et une tristesse aussi immense que le désert. On se sent comme étouffé par une solitude infinie. Terrible solitude qu'éprouvent douloureusement aujourd'hui la famille du défunt, ses parents et proches, ses amis, notamment Diagana Mamadou Youssouf. Diagana Mamadou Youssouf, son frère, son ami, son confident, son complice, au sens noble de ce terme, son allié. Cette belle et exemplaire amitié, entre lui et Diagana Mamadou Youssouf, tissée depuis leur enfance, plongeait ses racines dans les profondeurs des terres de leur Gorgol natal, à Kaédi. Elle était sincère, profonde et proverbiale. Elle a survécu aux épreuves innombrables traversées par les deux amis. Elle a su résister à l'usure du temps qui passe et emporte avec lui tout ce qui est fébrile et sans consistance. Loin des yeux, loin du c?ur ; la formule n'a pas fonctionné entre les deux amis. L'éloignement n'a pas eu raison de leur amitié. Mieux, celle-ci s'est mise au service de leur engagement partagé, dans le cadre de l'action humanitaire que les deux amis ont mené des années durant côte à côte, je voudrais dire main dans la main. Belle amitié ! Admirable amitié qu'un soir de l'année 2000, à Massy Palaiseau, Dia Ousmane Samba me raconta l'histoire, que dis-je ! il me la chanta, cette amitié, en la magnifiant. Confirmant ainsi ce que j'observais et savais déjà.


C'est dans les épreuves les plus redoutables que se manifestent et s'observent les vraies amitiés. Tout au long de cette longue et terrible épreuve, Diagana Mamadou Youssouf n'a pas failli au devoir, celui qu'impose l'amitié vraie. Son accompagnement de la famille de l'ami fut constant. S'il ne pouvait combler tout le vide laissé par l'ami absent, il soulageait et réconfortait. Diagana Mamadou Youssouf, fût-il là, au chevet de son ami qui, dans un dernier geste d'adieu, aurait posé sur lui son dernier regard avant de rendre son dernier soupir, que cela ne m'aurait guère surpris : car sa présence auprès de lui fut constante.

Dia Ousmane Samba vient de nous quitter. En cette douloureuse circonstance, mes condoléances attristées vont à sa famille, à ses parents, à son frère et ami Diagana Mamadou Youssouf. Un vrai militant des Droits de l'homme, fiable et crédible, vient de nous quitter. Que la CAMME, qu'il présidait, et l'OCVIDH veuillent accepter mes condoléances attristées ; que leurs militants soient assurés de toute ma solidarité en cette douloureuse épreuve.

Qu'Allah l'accueille dans son paradis.


Boye Alassane Harouna

Source: Flamnet

Lundi 22 Mars 2010
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