Réponse à l’article Comment Aziz fait pour diviser les forces politiques !

Jean-Jacques Rousseau disait, à juste raison, que ceux qui cherchaient à traiter différemment la politique et la morale ne comprendraient jamais ni l’une ni l’autre. La pratique de la politique non seulement peut mais doit se réconcilier avec les impératifs de l’honnêteté !
Mais qu’est-ce vraiment que l’honnêteté et la malhonnêteté, chez un politicien ? Un homme politique peut-il rester honnête après tout ?



Réponse à l’article Comment Aziz fait pour diviser les forces politiques !
Jean-Jacques Rousseau disait, à juste raison, que ceux qui cherchaient à traiter différemment la politique et la morale ne comprendraient jamais ni l’une ni l’autre. La pratique de la politique non seulement peut mais doit se réconcilier avec les impératifs de l’honnêteté !

Mais qu’est-ce vraiment que l’honnêteté et la malhonnêteté, chez un politicien ? Un homme politique peut-il rester honnête après tout ?

Cette question touche le coeur de la démocratie. Quand les électeurs décident que les politiciens sont malhonnêtes, les mouvements anti-démocratiques se développent. Pourtant, tous les hommes politiques savent que l’anbiguïté et le compromis tendent à prévaloir sur les vérités universelles et parfois l’on doit choisir le moindre mal. Nos standards habituels de décence et de justesse ne peuvent pas toujours être mis en pratique, mais non pas parce que seuls le cynisme et l’hypocrisie représentent ce qui compte en politique.

Considérons par exemple le prince de l’ambiguïté, le Duc de Talleyrand. Non seulement corrompu, mais aussi traître notoire de plusieurs de ses maîtres, Talleyrand avait la réputation de n’avoir pas pu vendre sa mère pour la seule raison que personne n’avait voulu l’acheter. Et pourtant, bien que déloyal envers plusieurs gouvernants français, Talleyrand n’a probablement jamais trahi la France.

La malhonnêteté politique, semble-t-il, prend différentes formes. Nous pouvons en identifier plusieurs types. Le premier est celui de la personne qui est foncièrement malhonnête. Cette personne sera toujours un leader, un idéologue, un diplomate malhonnête, quelles que soient les circonstances.

Le dilettante plein de bonne volonté représente un autre type. Maladroit et amateur, ses actions font du tort aux intérêts qu’il sert.

D’un autre côté, les « parieurs » politiques mettent leur compétence au service du mal. Ils sont doués, mais sans coeur, manquent d’humilité et rejettent toute réflexion. Le parieur est proche du « faiseur de trouble » politique, qui poursuit ses buts élevés par tous les moyens, quels que soient les risques et sans considération du coût infligé à d’autres.

Le « fanatique » politique est également malhonnête dans la mesure où sa conviction d’avoir toujours raison l’aveugle. Le fanatique est inflexible et inertiel, sorte de rouleau compresseur prêt à tout aplatir sur son chemin. Par contraste, le « magouilleur » politique n’est pas moins malhonnête, parce qu’il manque de ce que le premier président Bush appelait « la vision ». Mou, sans principes, il bat en retraite face à ses responsabilités.

Au-delà de ces types distincts de politiciens malhonnêtes, on retrouve des positions politiques plus générales. Les formes cyniques du pragmatisme viennent en tête, personnifiées dans le principe que la fin justifie les moyens quand les impératifs moraux entrent en conflit avec les intérêts politiques.

A l’autre bout du spectre, on retrouve le naïf, l’utopiste et le moraliste, tous également malhonnêtes. Leurs acolytes déplorent le culot et le relativisme de la politique et lancent des appels futiles pour le renouveau moral. Mais rien n’est aussi simple. L’histoire n’est pas une amourette et les biographies des hommes politiques ne sont pas à lire comme des hagiographies. Paradoxalement, si tout le monde était honnête, la politique deviendrait inutile.

Cela ne veut pas dire qu’il soit impossible d’identifier des politiciens honnêtes quand nous en rencontrons. Emmanuel Kant décrivait deux types de politiciens. Le politicien moraliste qui veut « parvenir à la moralité après maintes discussions » pour rester fidèle aux besoins de la politique conçue comme un jeu cynique, une étiquette qu’on peut facilement appliquer à tous les politiciens malhonnêtes décrits ci-dessus.

Le second type qu’établit Kant est celui du politicien moral , qui rejette le pragmatisme cynique sans succomber au moralisme naïf. Un politicien honnête considère la politique comme un outil pour oeuvrer dans le sens du bien commun. Sans être naïf, il sait que la patience, le compromis et la politique des petits pas en avant sont nécessaires. Et pourtant, à la poursuite d’objectifs intermédiaires, il ne perd jamais de vue le tableau d’ensemble.

En bref, un politicien honnête préfère un pragmatisme construit sur des principes, sur le courage de dire des choses déplaisantes avec une attitude toujours constructive. En fait, la critique irresponsable, l’empressement à dévoiler les problèmes et à en faire la publicité, sans la volonté de proposer des solutions viables, est peut-être la forme la plus ordinaire de la malhonnêteté politique.

C’est pourquoi la gouvernance reste le meilleur test d’honnêteté politique. Dans les pays démocratiques, si les hommes politiques qui critiquent les autres quand ils sont dans l’opposition ne parviennent pas à gouverner de manière efficace quand ils arrivent au pouvoir, les électeurs peuvent punir leur manque d’honnêteté dans les urnes, et ne se gênent pas pour le faire.

Le test le plus difficile pour un politicien honnête reste la défense des idées qui ne sont pas populaires mais justes. Il n’est pas donné à tout le monde de réussir ce test, particulièrement au moment des élections. Cependant, seuls les politiciens malhonnêtes mettent en équation politique et popularité.

Un politicien moral ne parvient jamais de son seul fait à assurer le bien commun pour autant. Ce n’est que lorsque les politiciens se soutiennent les uns les autres dans leurs attitudes décentes qu’ils peuvent être sûrs que dans les moments critiques pour l’état ils sauront s’élever au-dessus de leurs divisions politiques.

Mais l’honnêteté politique ne relève pas que de la responsabilité des politiciens. L’opinion publique doit jouer son rôle également. Après tout, l’honnêteté politique et les politiciens honnêtes apparaissent plus facilement dans une société marquée par une culture de tolérance, de solidarité, où tous bénéficient d’une égalité de droits. Les faiseurs de troubles politiques ne parviennent à rien dans de telles conditions.

Je suis avant tout un praticien de la politique, et je sais donc qu’aucune théorie, qu’aucune analyse à quelque degré que ce soit, ne peuvent dégager les hommes politiques d’accès de mélancolie, de questions de conscience troublantes sur ce que représente l’honnêteté quand il s’agit de faire des choix politiques. Par dessus tout, le politicien honnête prend en charge ce fardeau en toute bonne volonté.

Aziz DEME ( Rouen)



source:tempsforts.net

Mercredi 29 Décembre 2010
Boolumbal Boolumbal
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