Rapport du bâtonnier (Février 2010) : Quand les avocats en viennent à désespérer de la justice…



Rapport du bâtonnier (Février 2010) : Quand les avocats en viennent à désespérer de la justice…
Dans le rapport 2009 du bâtonnier de l’ordre national des avocats mauritaniens sur l’état de la justice, s’était dégagé un sévère constat : la prison civile de dar Naim est un haut lieu de violation des libertés individuelles. » Le rapport de février 2010 est, hélas, encore très sombre. Sombre, voire même désespéré. « Avoir affaire à la justice aujourd’hui est sans conteste une erreur stratégique. Je ne conseille à personne de s’y aventurer dans les temps qui courent.» Ce sont les deux premières phrases du rapport du Bâtonnier. Si les avocats en viennent à conseiller aux justiciables d’aller régler leur problèmes ailleurs que dans les prétoires…


Pour les avocats, le rapport relève que « leur place connaît un recul dans le système judiciaire actuel de plus en plus injuste de plus en plus inéquitable et surtout basé sur l’arbitraire.»
L’attitude des magistrats à l’égard des avocats, telle que décrite dans le rapport, frise souvent l’extrême mépris. Premier exemple : « Il y’a quelque jours le président du tribunal a déchiré en pleine audience la lettre de constitution d’un avocat sous prétexte qu’elle n’a pas été faite sur papier entête alors que la loi ne prescrit aucune forme particulière et la personne en question empêchée, sous ce prétexte, de son avocat a été jugée et condamnée à trois ans fermes.» Deuxième exemple : « Il y’a quelques jours également le président du tribunal a demandé à un avocat en robe et en pleine audience de lui présenter sa carte professionnelle en présence de certains membres du conseil de l’ordre. » Troisième exemple : « Des avocats ont été empêchés d’accéder au palais de justice, le courrier de l’ordre est toujours interdit au secrétariat du parquet général au mépris des règles les plus élémentaires du fonctionnement du service public de la justice. » Quatrième exemple : « Malgré les dispositions claires du code de procédure pénale les avocats qui ont réclamé tout dernièrement, par écrit, de visiter leurs clients en garde à vue n’ont même pas mérité de réponse de la part du Procureur de la République. Les droits de la défense ne font plus partie de notre jargon.»
Ce qui ne figure pas dans le rapport, c’est que de plus en plus de litiges sont réglés par des voies parallèles à la justice. Les avocats des hommes d’affaire récemment libérés en savent quelque chose. « Si vous voulez régler votre problème, n’allez pas chez un avocat. Allez voir un marabout » disent certains citoyens.

L’ultime instruction à la place de l’intime conviction
Le deuxième chapitre du rapport porte « Pression sur les juges et instrumentalisation de la justice. »
« L’ingérence est malheureusement le quotidien de nos juges aujourd’hui» note le bâtonnier. Illustrations : « Le juge d’instruction a été convoqué à minuit pour décerner un mandat de dépôt, il l’a décerné.
Le président de la chambre d’accusation a été convoqué à 20h pour transformer un mandat de dépôt en contrôle judiciaire, il y a procédé.
La chambre pénale de la cour suprême a été saisie pour siéger d’urgence dans l’affaire Hanefi et elle s’est exécutée spontanément en violant les formes requises par la loi en matière de procédure et ce en statuant avant que la défense, encore dans les délais, ne produise son mémoire. » Les juges, constate le rapport, décident toujours dans le sens voulu par le parquet.
« Nous n’avons pas enregistré ces derniers temps une seule décision de justice qui va à l’encontre des réquisitions du parquet. De telles coïncidences répétées portent à croire que la loi n’a plus de sens, les textes n’ont plus de portée et le juge sans autorité.
De plus en plus on assiste à l’installation de l’ultime instruction au juge à la place de l’intime conviction du juge » écrit le bâtonnier.

Deux ans de prison pour le vol d’un portable de 9000 UM
Le troisième chapitre s’intitule « Le tout répressif. » Une répression qui peut être sévère, disproportionnée. Illustration : « A Nouadhibou un pauvre Monsieur a été condamné à deux ans fermes pour un vieux téléphone Nokia d’une valeur de 9000 ouguiya.»
Quant au milieu carcéral objet du quatrième chapitre, il n’a pas changé. Le bâtonnier affirme : « Je ne vois pas encore d’amélioration remarquable depuis mon dernier rapport sur la prison de Dar Naim où retentissent paradoxalement les bruits mais aussi le silence et surtout l’oubli particulièrement au fond, du coté des personnes que j’ai visitées tout dernièrement ceux qui attendent un juge qui ne les rappellera jamais, qui attendent un dossier perdu, un appel sur lequel on ne statuera jamais une détention préventive prolongées de 3,4,6 ans ou condamnées à la hâte sans défense ou tout simplement ces personnes qui ont purgé leur peine. »
Le dernier chapitre porte sur «Les dysfonctionnements du service public de la justice.» La aussi, c’est alarmant : « Il y’a un point mort que personne n’arrive à comprendre, les magistrats n’avancent plus au 31 décembre, le ministre n’a plus d’autorité sur le parquet, le président de la cour suprême ne préside qu’une partie de celle-ci l’inspection générale est clouée au sol, contrainte à la retraite anticipée, le disfonctionnement est tel qu’aucune justice ne peut être rendue dans le contexte. »

Synthèse Khalilou Diagana



Source:[Quotidien Nouakchott]url:http://www.quotidien-nouakchott.com/rapport-b%C3%A2tonnier-f%C3%A9vrier-2010-quand-les-avocats-en-viennent-%C3%A0-d%C3%A9sesp%C3%A9rer-justice%E2%80%A6

Mardi 9 Février 2010
Boolumbal Boolumbal
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