Quel est le sens de notre politique étrangère ?



Quel est le sens de notre politique étrangère ?
La politique étrangère se définit, de manière générale, comme une partie de l’activité d’un pays tournée vers l’extérieur. Toutefois, cette perception ne signifie pas qu’elle soit autonome de la politique nationale ; il existe un lien intrinsèque entre ces deux sphères qui s’enrichissent et interfèrent mutuellement.

De ce point de vue, il convient de tenir compte de l’évolution du système mondial, de ses logiques actuelles de fonctionnement, de la pluralité des acteurs, des adaptations nécessaires pour édifier des axes pertinents conduisant à concevoir, en fonction des intérêts nationaux, une politique cohérente correspondant aux attentes des populations. Il est vrai que la politique étrangère, dans la plupart des Etats africains, est considérée comme un domaine réservé de l’exécutif se référant à la pratique française. Aujourd’hui, nous devons construire notre propre voie à la lumière de nos réalités et de nos objectifs fondés sur nos référents identitaires, socio-économiques et géopolitiques. A-t-on une politique étrangère lisible, avec une feuille de route bien élaborée, de manière à traduire les aspirations des citoyens, concernés par les grands enjeux régionaux, continentaux et internationaux ? Notre pays s’est-il doté de moyens à la hauteur des ambitions de sa politique extérieure ?

Les contraintes sous-jacentes

La politique étrangère de notre pays peut être considérée, à bien des égards, comme le parent pauvre des autres politiques publiques en raison du peu d’intérêt qu’on lui accordait jusqu’à une époque récente. Il en résulte un champ politique dominé par le copinage et l’affairisme qui l’ont plombée pendant de longues périodes en sacrifiant la compétence et l’esprit d’initiative dans un monde marqué par l’affrontement idéologique et la recherche d’alliances. Maintenant, nous vivons des relations internationales reconfigurées non seulement par la pluralité des acteurs, les Etats n’étant plus les seuls prépondérants, mais par l’émergence de nouveaux enjeux complexes, surtout la porosité des frontières qui explique que la question sécuritaire se pose désormais de manière collective. Face à cette nouvelle donne ou à la géopolitique régionale, quelle est la conduite à tenir pour faire en sorte que notre politique étrangère ne soit pas fébrile ou peu dynamique au moment où elle doit refléter la vigueur de la politique nationale dans le contexte du changement ?

Cette politique essentiellement externalisée a beaucoup ressenti les contrecoups d’une instabilité chronique ou d’une orientation autoritaire qui l’a tirée vers le bas à travers une politique sectaire désincarnée dont l’ambiguïté et les tergiversations ont conduit à une impasse et à un immobilisme notoires. Ainsi, notre pays a tourné le dos à ses alliés traditionnels aussi bien au Maghreb qu’au niveau de l’Afrique noire parce que les intérêts de groupuscules ont pris le dessus sur la position charnière que devrait remplir notre pays. Si les bouleversements politiques s’avèrent être des alternatives à des orientations hasardeuses, ils ne sont pas porteurs de mutations profondes susceptibles d’impulser des innovations visant à améliorer le domaine. Certes, des progrès sont notés depuis l’avènement du pouvoir de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, surtout en matière de formation du personnel diplomatique (sortie à l’ENA de la promotion de conseillers diplomatiques), mais un effort de consolidation s’impose, notamment en ce qui concerne les modalités de désignation de nos représentants diplomatiques.
Le recours à la compétence.

L’univers de la politique étrangère ou plus globalement les relations internationales constituent un domaine particulier et exigent des connaissances dans ses mécanismes de fonctionnement. Les rudiments, pour parler simple, sont à maîtriser afin d’intervenir dans ce champ où les erreurs et les errements peuvent avoir des conséquences incalculables quand il s’agit d’intervenir, d’œuvrer pour défendre les intérêts de son pays dans une perspective d’insertion au sein des négociations ou actions internationales. Propulser au sommet de nos représentations diplomatiques des profanes ou des personnes dont la formation est loin de ce secteur ne concourt pas à mettre notre diplomatie au cœur de notre action. Dans cet espace mondialisé dans lequel comptent la stratégie et la gouvernance diplomatiques, l’efficacité et la visibilité forment des éléments probants à mettre à contribution pour les Etats comme les nôtres. Il serait, me semble-t-il, maladroit d’enfermer ce secteur dans une logique politicienne ou partisane plutôt que de favoriser des décisions qui intègrent des critères objectifs, observés dans le choix de certains membres du nouveau gouvernement, d’autant que ce domaine est déjà affaibli par de nombreuses années d’amateurisme dans l’exercice des fonctions diplomatiques.

Plus que jamais, la Mauritanie a besoin de reformuler sa politique étrangère en lui donnant les ressources humaines de qualité et les moyens matériels lui permettant de jouer un rôle beaucoup plus important tant dans le monde arabe qu’en Afrique, en s’adaptant aux nouvelles exigences des relations internationales, aux défis liés à l’intolérance et l’obscurantisme dont le lit est, entre autres, la misère et la marginalisation.

Cette réflexion s’inscrit dans le débat constructif en matière de production d’idées émanant de toutes les forces vives de notre pays, avec une part significative réservée au respect de la parité.

Par Moussa Diaw
Professeur de science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal. Auteur de la politique étrangère de la Mauritanie. Paris : L’Harmattan, 1999.
Adresse mail : diawmoussafr@yahoo.fr

Source: Le Calame


Vendredi 28 Août 2009
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