Présidentielles en Mauritanie: l’heure des grandes désillusions



Présidentielles en Mauritanie: l’heure des grandes désillusions
Les lendemains des présidentielles sont souvent amères pour les oppositions mauritaniennes. Celles du scrutin du 22 juin le sont encore un peu plus, marquant indéniablement la fin des illusions du camp des progressistes. Le calice est vidé. Jusqu’à la lie. Et il semble que, derrière les si formelles protestations des leaders de l’opposition, se dresse une vérité des urnes, tout aussi formelle, martiale et implacable. Mohamed Ould Ghazouani, qui a déclaré sa victoire avant même l’annonce de la CENI, enjamberait de justesse la barre des 50% des votes, séparé de Birame Dah Ould Abeid (deuxième provisoire), d’un boulevard qui ne peut s’expliquer, fraude mise à côté, que par l’impossibilité de créer un front progressiste uni en Mauritanie.

Ces résultats provisoires qui concernent 87% des bureaux de vote, selon les chiffres tout aussi provisoires avancés par la Commission électorale (CENI), voient Birame Ould Abeid, leader abolitionniste mauritanien et recordman africain des prix des droits de l’homme, dans un duel serré, à quelques décimales près, avec Sidi Ould Boubacar, un ancien premier ministre, soutenu par les islamistes de Tawassoul. Les deux candidats ont obtenu chacun le vote de plus de 18% des électeurs. Derrière, c’est le précipice.

Tombée dans la fosse aux lions, la vaillante Coalition vivre ensemble (CVE) qui aurait servi (nous le disions et nous le clamions à notre corps défendant) plus à neutraliser finalement Birame dans la vallée et dans les grandes villes qu’à faire de l’ombre au candidat au pouvoir, s’en tire avec un score de moins de 9% qui n’est pas sans rappeler celui engrangé par Ibrahima Sarr de l’AJD-MR, douze ans plus tôt. A-t-on donc atteint le plafond de verre?

Ces élections montrent en tout cas que, votes militaires et accusations de fraudes mises de côté, que l’éclatement des voix progressistes (Birame, Kane Hamidou Baba et Ould Maouloud) crée les conditions d’un maintient durable des forces islamo-nationalistes -arabisantes au pouvoir. Il y a évidemment une ligne de démarcation nette entre la Mauritanie plurielle, défendue plus ou prou par ces trois candidats et la Mauritanie exclusiviste arabe de l’Union pour la République (UPR) et de Sidi Ould Boubacar, entré en dissidence -et non en opposition- avec sa grande famille politique, pour des intérêts conjoncturels et non structurels.

Nous revoilà donc, au terme des élections dans une configuration anté qui ne fait pas les affaires des militants sincères engagés pour le changement. Au delà de la défaite, ces élections confirment l’inévitable ascension de Birame Ould Abeid et l’importance de la vallée dans la désignation de la victoire finale. C’est la grande leçon à tirer en effet de ce vote qui, toute suspicion d’irrégularités mise de côté, montre que les forces conservatrices, qui détiennent tous les leviers de commandement du pays, sont supérieures à celles du changement .

Le leader de l’Ira devra, dans les prochaines échéances, repartir à la pêche, et, quitte à sacrifier quelques faucons, trouver les bons arguments pour fédérer tous les progressistes, négro-africains mais aussi maures, sous sa bannière. Cela ne sera pas le plus aisé.


Source: https://www.lesmauritanies.com

Mardi 25 Juin 2019
Boolumbal Boolumbal
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