Premiers pas dans le bourbier guinéen



Premiers pas dans le bourbier guinéen
Blaise Compaoré, médiateur en Guinée ! Encore lui, s’exclamèrent certains. Lui, il peut faire l’affaire, estiment d’autres qui, bien que n’étant pas réputés proches du pouvoir en place au Burkina, pensent que le choix n’est pas si mauvais que ça. Ils n’ont peut-être pas tout à fait tort, ces derniers, ce, d’autant plus que les états de service du locataire du palais de Kosyam parlent d’eux-mêmes en matière de médiation


On se souvient que déjà au beau milieu des années 90, Blaise Compaoré offrait avec un certain succès ses bons offices aux protagonistes de la crise togolaise, du vivant du général Gnassingbé Eyadéma, avec lequel il était à mille lieues de filer le parfait amour.

Avec Me Hermann Yaméogo, à l’époque ministre d’Etat et qui représentait Blaise Compaoré en tant que facilitateur, le Burkina a réussi à amorcer un dégel entre opposants togolais et pouvoir du RPT.

On se souvient également de son implication personnelle pour que le pouvoir nigérien et ses frères de la rébellion touareg acceptent de se rencontrer pour engager un brin de négociation. A l’époque, c’était Djibril Bassolet qui portait l’anonyme casquette de représentant du facilitateur.

Discret et efficace, ce gendarme a joué, au nom du Président Compaoré, un rôle déterminant dans le retour à la paix au Niger. Et l’implication du président Compaoré au Togo et en Côte d’Ivoire, avec un certain succès, a milité pour qu’il soit désigné en fin de semaine dernière médiateur de la crise guinéenne.

Un petit détour au niveau de la région ouest-africaine semble indiquer que Blaise Compaoré reste, avec le Malien Amadou Toumani Touré, un de ceux qui pouvaient encore prétendre jouer un tel rôle en Guinée. Passons donc quelques-uns en revue.

Abdoulaye Wade, qui a réussi un bon coup dans sa médiation en Mauritanie, irrite bien souvent par ses prises de positions, quelques fois intempestives, et s’est d’ailleurs récemment fait houspiller par les opposants guinéens. Gorgui aurait donc un déficit de crédibilité pour jouer ce rôle en Guinée ;

Mamadou Tandja, qui s’est fait casanier depuis n’a pas encore fini de solder les effets pervers de son hold-up électoral du 4 août dernier ;
Boni Yayi, qui a prêté serment seulement en 2006 fait office de poussin d’hivernage dans la fonction de chef d’Etat ;

Faure Eyadéma n’a pas totalement réussi à endosser son costume d’homme d’Etat et a encore du mal à trouver ses marques dans ses rapports avec son opposition ;

et ce ne serait certainement pas le fantasque Yaya jammeh de Gambie qu’on appellerait pour une médiation de ce genre ! Alors hormis eux, qui ?

Bref si l’intention de la CEDEAO était de trouver un médiateur sous-régional francophone et qui a de l’expérience en la matière, Blaise reste un morceau de choix. Et ce choix est loin d’être anodin, puisqu’on se rappelle que, dans son communiqué final qui a sanctionné les travaux des chefs d’Etat de cette institution sous-régionale le 22 juin dernier à Abuja, déjà il avait été instamment « demandé au président Compaoré de reprendre son rôle de facilitateur dans le dialogue intertogolais, après son expérience concluante de 2007, et, mieux, de poursuivre son rôle de médiateur sous-régional ».

Alors, en négociateur averti des équations africaines presque unanimement reconnu, Blaise Compaoré a-t-il des chances de recoller les morceaux entre pro et anti Dadis après ses massacres de manifestants par les forces de (dés) ordre que sont les bérets rouges (garde présidentielle), lesquels ne se sont pas gênés pour aussi violer les femmes en public ?

C’est en tout cas un Blaise Compaoré que l’on dit extrêmement préoccupé et choqué par cette manifestation réprimée dans le sang qui a entamé hier à Conakry une médiation en vue de faire baisser la tension en Guinée et, mieux, obtenir l’organisation d’une consultation électorale assez transparente en janvier 2010.

Au-delà de calmer simplement le jeu politique en Guinée, la préoccupation de la CEDEAO est d’éviter la radicalisation du régime en place à Conakry, voire la « Libériarisation » progressive du pays, susurrée dans certaines chancelleries occidentales. A l’instar des inquiétudes soulevées au plus fort de la crise ivoirienne, il n’est dans l’intérêt d’aucun Etat ouest-africain que la Guinée aussi sombre dans une instabilité chronique.

Blaise Compaoré, en dépit de ses amitiés réelles ou supposées avec certains ténors de l’opposition guinéenne et de la fraternité d’armes qui le lie à Dadis, l’enfant de Nzérékoré dans la Guinée forestière, devrait s’investir pleinement pour aboutir à quelque chose, et la partie n’est pas gagnée d’avance.

Ce terrain de la médiation semble d’autant plus miné que les deux parties en présence se regardent depuis en chiens de faïence. En effet, dans une interview diffusée avant-hier dimanche sur RFI, et où Dadis sautait allègrement du coq à l’âne, le président autoproclamé de Guinée n’a pas manqué de toupet pour ne reconnaître aucune responsabilité dans le massacre du lundi 28 septembre dernier.

« Un complot est même fomenté par les chefs de l’opposition pour ternir mon image », a ajouté en substance le nouvel fort de Conakry. Face à un président seulement « désolé » suite à tel massacre gratuit au stade du 28-Septembre, l’opposition fait de sa renonciation à faire acte de candidature à la présidentielle un préalable à toute négociation.

Mais quoique difficile, la mission du président Compaoré est loin d’être impossible. A entendre déjà Dadis, son cœur balance entre être candidat à la présidentielle de janvier 2010 et quitter tout de suite le gouvernail du bateau battant pavillon Guinée. Et en dépit du soutien de ses partisans qui le poussent à faire acte de candidature, son aîné dans la grande muette pourrait lui montrer tout de suite le bien que lui, Dadis, l’armée et la Guinée tireraient de son abstention à briguer la magistrature suprême.

Et ensuite se poursuivrait la délicate réforme d’une armée guinéenne abîmée, à la recherche de ses marques et qui, depuis, n’a comme seul haut fait de guerre que la réussite de coups d’Etat contre des dictateurs morts. Alors, le succès de cette médiation sonnera comme une renaissance de la Guinée, laquelle, depuis 50 ans, fait du surplace.

source : lobservateur.bf

Mardi 6 Octobre 2009
Boolumbal Boolumbal
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