Le Parti mauritanien de la jeunesse démocratique vient de participer au grand dialogue national entre les partis de la majorité et ceux de l'opposition, organisé sous la direction du Président Mohamed Ould Abdel Aziz.
Après deux semaines d'entretiens à Nouakchott, les responsables des partis politiques ont signé le mercredi 19 octobre un accord convergeant sur les idées d'unité nationale, de cohésion sociale et de soutien apporté à la diversité culturelle et ethnique.
Les responsables ont également exprimé dans leur document final "une forte volonté politique d'éradiquer l'héritage de l'esclavagisme" et leur engagement à "garantir des conditions de vie décentes pour les couches les plus vulnérables" de la population mauritanienne.
En marge de cette conférence à Nouakchott, le président de ce parti, Jeddou Ould Ahmad, a parlé à Magharebia de la sécurité et des risques sociaux qu'entraînerait une éventuelle négligence par les gouvernants de la population jeune marginalisée du pays.
Magharebia : Quel a été le déclencheur de cette réunion d'un type nouveau entre groupes politiques rivaux ?
Jeddou Ould Ahmad : Ce rassemblement est venu en réponse à des appels répétés au dialogue de la part de notre parti, le Parti de la jeunesse démocratique, car nous estimons que les problèmes et les enjeux que doit relever le pays ne pourront être résolus que par un dialogue sérieux et transparent.
La Mauritanie traverse une crise politique sévère, et si elle n'est pas résolue par le dialogue, elle pourrait l'être par des moyens qui ne seraient pas dans le meilleur intérêt du pays.
Cette rencontre entre les différents partis politiques autour de la table des négociations est un succès en elle-même. Un accord est intervenu sur de nombreuses questions nationales, y compris la lutte contre le terrorisme, celle contre la corruption, la nécessité d'une gestion impartiale, et la transparence dans la gouvernance. Les seuls désaccords ont concerné le rôle de l'armée et la possibilité de réduire les larges pouvoirs du Président en faveur du Premier ministre.
Notre parti estime que le dialogue n'est désormais plus seulement une nécessité, mais plutôt un devoir, au vu du Printemps arabe et de nos problèmes spécifiques ici en Mauritanie, à savoir la pauvreté, le chômage généralisé et la marginalisation de la jeunesse.
Je crains personnellement pour l'avenir de la Mauritanie si aucune solution radicale n'est trouvée à ces problèmes.
Notre parti demande la reconnaissance de notre classe politique dans le pays, car il est urgent d'instiller de nouvelles idées, de nouvelles capacités et une nouvelle perspective sur les questions nationales et internationales.
L'ancienne génération n'a pas réussi à résoudre les problèmes de la jeunesse, et elle doit le reconnaître.
Malheureusement, les problèmes de la jeunesse n'ont pas été abordés durant le dialogue national comme le demandait notre parti, signe que certains partis politiques cherchent encore à nous exclure, faisant ainsi peser un risque pour la sécurité du pays à l'avenir.
Les jeunes représentent 70 pour cent de la société mauritanienne, et la marginalisation de cette catégorie sociale pourrait avoir des résultats indésirables. C'est la raison pour laquelle nous demandons que la jeunesse soit impliquée dans les questions nationales.
Durant la campagne présidentielle de 2009, notre parti avait reçu des promesses du Président Ould Abdel Aziz de travailler à résoudre les problèmes des jeunes, mais à ce jour, ces promesses n'ont pas été tenues. Le chômage des jeunes Mauritaniens a en fait augmenté, pour atteindre 67 pour cent.
Magharebia : Certains lient la crise du chômage en Mauritanie à une augmentation du nombre de recrues d'al-Qaida originaires du pays. Ont-ils raison ?
Ould Ahmad : Oui, de nombreux jeunes Mauritaniens ont rejoint les rangs d'al-Qaida au Maghreb islamique par suite du chômage, de la marginalisation, de l'illétrisme et d'autres fléaux sociaux. Si les jeunes ne mettent pas leur énergie au service de desseins positifs, comme le développement, ils l'emploieront à des fins négatives.
Il est étrange de constater qu'il n'existe aucune stratégie pour répondre aux nombreux problèmes des jeunes. Pour y répondre de manière plus précise, notre parti a adhéré il y a un certain temps à la majorité présidentielle. Nous avons été l'un des membres fondateurs de la coalition majoritaire, mais jusqu'à maintenant, nous n'avons trouvé personne désirant nous entendre. Nous poursuivrons malgré tout notre combat démocratique pacifique pour parvenir à une stratégie qui répondra aux besoins et aux revendications des jeunes.
De nombreux jeunes dans les régions frontalières orientales sont devenus dépendants d'activités liées à al-Qaida pour assurer leurs moyens de subsistance, que ce soit directement ou indirectement. La plupart des jeunes qui vivent dans ces régions n'ont reçu aucune éducation ou ont appris de nombreuses choses qui n'ont rien à voir avec le marché du travail.
Cela en fait des proies faciles pour les organisations terroristes qui disposent des fonds nécessaires pour recruter des jeunes et les convaincre de commettre des attentats terroristes sous la bannière de la religion.
De plus, les universités ne dispensent pas toujours un enseignement en adéquation avec le marché du travail, et finissent par produire une génération de jeunes diplômés chômeurs. Et le tribalisme, le régionalisme et le favoritisme ont également amplifié le problème du chômage des jeunes. Certains de ces jeunes perdent espoir dans la réforme et finissent dans le cercle d'un extrémisme religieux, politique, social et parfois même idéologique.
Magharebia : Qu'attendent donc ces jeunes de la part de leur pays ?
Ould Ahmad : Les jeunes Mauritaniens n'ont pas des demandes impossibles. Ils ne demandent rien de plus que d'être impliqués dans la construction de la nation et le partage équitable des richesses de ce pays entre tous ses citoyens, quelles que soient leur ethnie et leur idéologie. Ce sont des demandes légitimes et nobles, et aucune stabilité ni aucun développement ne pourra être réalisé en excluant les jeunes. Notre parti a transmis cette vision aux décideurs, mais la vérité crue est que la Mauritanie est encore dirigée par une élite porteuse d'idées conventionnelles qui ne répondent plus à la vision réformatrice des jeunes d'aujourd'hui.
Magharebia : Le recensement en Mauritanie actuellement en cours a donné lieu à des manifestations dans le pays et à l'étranger, et l'une de ces manifestations a pris un tour meurtrier à la fin du mois dernier dans la ville de Maghama. De quoi s'agit-il ?
Ould Ahmad : Notre parti a été le premier à reconnaître les dangers que pose l'actuel recensement pour l'unité nationale. Nous avions demandé son annulation il y a quelque temps au sein de la majorité présidentielle, ou au moins qu'il soit repensé, afin de répondre aux aspirations du peuple mauritanien, sans exception.
La Mauritanie est face à de nombreux problèmes et enjeux de nature économique et politique. Cela doit être notre priorité, au lieu de nous centrer sur des questions qui engendrent le sectarisme. La classe politique du pays doit s'unir pour traiter l'ensemble des questions qui concernent l'unité nationale.
Le Parti de la jeunesse démocratique estime que la Mauritanie appartient à tous les Mauritaniens, qu'ils soient arabes ou noirs, et qu'il y a de la place pour chacun. Au lieu de plonger dans le passé et de raviver de vieilles blessures, nous devons travailler à construire un avenir d'amour, d'harmonie et de paix.
Nous devons comprendre les leçons des grands pays du monde qui ont su tirer parti de leur diversité ethnique pour construire de grandes nations.
Entretien par Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud pour Magharebia à Nouakchott
Source : Magharebia
Actualités













