Majorité et Opposition : En quête de repères



Majorité et Opposition : En quête de repères
Rupture brusque, avec le calme observé depuis le début de l’année, perturbé, tout juste, par quelques indices et signaux entendus comme autant de prémices d’un dialogue national inclusif qui tardait, du reste, à se mettre en place. La scène politique mauritanienne connaît, depuis quelques semaines, une subite agitation.
Tout comme la nature, la politique semble avoir, également, horreur du vide, comme si cette activité prenait un malin plaisir à se donner la force de mobiliser, par à-coups réguliers, l’énergie de ses acteurs, afin de réaliser les projets que les uns et les autres se sont fixés. En scène, une contestation croissante, dans le décor d’une échéance électorale d’à peine six mois, à savoir les élections législatives et municipales de novembre prochain, si toutefois ces dernières devaient être maintenues à la date prévue.
Le vent de contestation frappe, au plan interne, plusieurs partis, tant de la majorité que de l’opposition. Dans l’un et l’autre camp, on doit faire face à différentes formes de fronde. Ainsi, le Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD-ADIL) – parti évincé du pouvoir en 2008 mais variablement en goguette, ces derniers temps, avec son tombeur; ou l’Alliance Populaire Progressiste (APP), une formation de l’opposition historique. On note, également, un mécontentement, certes plus sourd et contenu mais grandissant, des soutiens au coup d’Etat du 6 août 2008, regroupés, généralement, au sein de l’Union Pour la République (UPR) dont plusieurs segments ne semblent pas avoir trouvé leurs marques, avec le dénominateur commun, censé émaner du programme du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Un programme qui ne se résumerait, en réalité, qu’à une simple rhétorique populiste, selon les détracteurs du boss.
En plus de ces quelques secousses, internes à certains partis politiques, on note, aussi, quelques divergences, au sein des deux grandes mouvances – Coalition des Partis de la Majorité (CPM) et Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) – une donnée qui suscite une réelle atmosphère de confusion. Exemple: HATEM de Saleh Ould Hannena a annoncé le gel de sa participation dans les activités de la majorité. Mais la COD n’est guère mieux lotie, avec, notamment, des déclarations qui ressemblent, fort, à une différenciation d’approches, au sujet du dialogue avec le pouvoir, malgré un démenti pas assez ferme pour dissiper le doute.

Un nouveau parti des jeunes

Depuis plusieurs semaines, différentes sources font état de la fondation, prochaine, d’un nouveau parti politique dont la direction serait, essentiellement, constituée de jeunes. Des hommes et des femmes pouvant se prévaloir d’une certaine «virginité», dans la direction des affaires du pays. Une thèse donnant le profil de la nouvelle formation pousse, même, le bouchon, au-delà des limites non discriminatoires, à propos de la limite d’âge des futurs membres qui ne pourraient, dit-on, être âgés de plus de 40 ans. Simple procès d’intention? Car il y a risque, tout de même, de voir le juge constitutionnel recaler la nouvelle venue et l’inviter à revoir sa copie, pour non-conformité à la loi fondamentale.
Ceux qui travaillent à l’avènement du nouveau parti auraient l’onction du chef de l’Etat, selon une série d’indiscrétions, tout droit issues de la dernière audience accordée, par le président, au bureau exécutif de la CPM et, de fait, la démarche peut être interprétée comme une réponse, une anticipation, voire un antidote, à la lame de fond révolutionnaire qui agite le monde arabe, depuis le début de l’année 2011.
En tout cas, l’évocation de la naissance d’une telle formation est, en soi, un indice inquiétant, quant au degré de confiance que voue le président de la République à la majorité actuelle. Une espèce de malaise diffus apparaît, au grand jour, dans la mesure où de nombreux segments du principal parti de la majorité estiment, sans oser le dire à haute voix, que Mohamed Ould Abdel Aziz ne les associe pas réellement, à la gestion des affaires du pays. Méfiance réciproque, donc.
Il faut ajouter, à cette donnée, le sempiternel choc des ambitions, au sein du parti-Etat, dont la dernière illustration a été fournie à l’occasion des élections sénatoriales partielles du 24 avril dernier, finalement repoussées aux calendes grecques.
Toujours au chapitre des dissensions, dites ou non, au sein de la majorité, on note la fronde au PNDD, sous la direction de vieux routiers de la scène politique nationale. Ces manœuvriers, opérant depuis plus de vingt ans, tantôt dans l’opposition, tantôt dans le sérail du pouvoir, estiment que l’accord, sur la base duquel l’ancien parti de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a intégré la majorité qui aida les militaires à chasser son champion du pouvoir, n’a pas été respecté. Les Moussa Fall, Babaha Ould Ahmed Youra et Bâ Aliou Ibra ont, donc, gelé leur participation aux activités de la formation dirigée par Yahya Ould Ahmed El Waghef. Il ne manquait plus que le gel des activités de HATEM, au sein de la majorité, pour refroidir une mayonnaise qui tarde à prendre consistance et bon goût.

Risque de délitement des rangs

Longtemps en rang serré, face à la perspective d’un dialogue national inclusif, conformément à l’accord convenu, à Dakar, le 2 juin 2009, et paraphé, à Nouakchott, 48 heures plus tard, la COD semble, désormais, menacée de délitement. Certains organes de la presse nationale ont, en effet, fait état d’une réunion houleuse, la semaine dernière, au cours de laquelle le leader de l’APP, président de l’Assemblée nationale et figure historique de la mouvance, Messaoud Ould Boulkheir, aurait claqué la porte. Des allégations réfutées par une déclaration du collectif. Mais le démenti ne semble avoir totalement dissipé l’impression de malaise, dans les rapports actuels entre les différents segments de la mouvance.
Alors que le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et l’Union des Forces de Progrès (UFP) restent inflexibles, face au pouvoir et aux conditions du dialogue inclusif, l’APP semble jouer la conciliation, pour arracher certaines concessions, notamment sur les conditions de transparence des prochaines élections législatives et municipales, dit-on.
Tout en restant dans l’opposition, l’APP serait désireuse d’entretenir un contact régulier avec le pouvoir, par souci d’éviter, au pays, de malheureux dérapages. Une posture inédite, pour l’APP, qui rappelle celle de l’UFP, pendant les dernières années de règne de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya…

Amadou Seck

Source: Calame

Mercredi 11 Mai 2011
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