MAGHAMA et le canton du Littama



MAGHAMA et le canton du Littama
I. - HISTORIQUE

Tel qu’il est limité, le canton du Littama ne correspond à aucune division administrative de l’ancien Fouta. Son territoire se rattachait, partie à la province du Damga, partie à celle du N’Guénar. Mais l’autorité des El Fekki ou chefs de ces régions y était purement nominale. Placé sur l’une des voies d’accès du Fouta, par où débouchaient différentes invasions venues du Nord ou de l’est, il fut longtemps une sorte de no man’sland que seuls parcouraient les rezzous qui venaient semer l’épouvante sur les rives du fleuve. Cela était surtout vrai au début du siècle dernier où, par leurs incessantes incursions, les Maures mettaient le pays en coupe réglée. A cette époque, il n’y avait entre Bakel et Kaédi comme village de rive droite, écarté du fleuve et occupé d’une façon permanente, que Samba Kandji dans le Gadiaga et Maghania appelé alors Koumballi [1].

Cette dernière localité était habitée par les Ahel Sidi Chérif, d’origine chérifienne, venus des oasis du Touat après une émigration séculaire à travers le Sahara Occidental et dont l’avant-dernière étape fut le point d’eau d’El Ghouibra dans le Regueiba. L’installation de ces Chorfa à Koumballi serait contemporaine du principat religieux de l’Almamy Abdoul Qader. Dès cette époque, ces Maures s’adonnaient à la culture. Leurs descendants jouissent encore de la propriété d’une partie des riches terrains de culture dont la possession a été dans le passé, ainsi qu’on le verra plus loin, l’une des causes des migrations massives venues peupler Maghama et en faire l’un des plus populeux centres du Fouta.
A côté des Chorfa, habitaient quelques éléments Littama, importante tribu des Harratine commandée par des guerriers descendant, dit-on, des Oulad Abdalla qui exercèrent longtemps leur domination en Mauritanie.
Dans le sillage de ces tribus gravitaient quelques familles Hangabé, derniers représentants d’un groupement peul qui, par sa fortune et par son importance numérique, joua un certain rôle dans l’histoire locale au début du XIXe siècle.
Mais il faut arriver à l’année 1866 pour voir Koumballi prendre figure de bourgade d’une certaine importance. A cette date, vint s’y établir Tierno Brahima, personnage des Modi Nalla, dont le premier soin fut de donner au village le nom arabe de Maghama [2] qui lui est resté. Originaire de Koundel, localité du N’Guénar, il avait étudié chez les Oulad Deymane au Trarza. Dans cette université nomade renommée chez les Maures, il avait acquis une solide formation spirituelle. Revenu dans son pays, il était regardé comme un puits de sciences. Sa piété et sa réputation de sainteté lui attiraient une foule sans cesse grossissante de disciples et de malheureux qui avaient besoin de sa protection religieuse.

Des chroniqueurs, sans doute suggestionnés par les précédents de Tierno Souleymane BaIe et d’El Hadj Omar, ont attribué à Tierno Brahima le dessein de créer un mouvement politique à l’exemple de ces illustres conquérants. En réalité, dans les préoccupations de Brahima, ainsi que le maître aimait à s’appeler prosaïquement, comme dans ses tendances, rien ne justifiait l’opinion de ces chroniqueurs. Contemplatif, il se vouait à l’étude. Tolérant et débonnaire, il répugnait à toute violence, dans le domaine spirituel comme dans le domaine temporel.
Par excès de scrupules, il s’interdisait la jouissance de la dîme que ses disciples acquittaient très volontiers. La légende ajoute, même, que son cheval refusait les musettes contenant du grain de cette provenance.
Secondé par un savant disciple, Alfa Yaya, originaire du Boundou, il distribuait avec un enthousiasme communicatif l’enseignement des sciences religieuses, et tendait par ses exhortations à ranimer le culte des vertus chez un peuple qu’il voyait glisser sur la pente des jouissances matérielles.
La renommée grandissante de Tierno Brahima et l’accroissement rapide de Maghama n’étaient pas sans Dorter ombrage à de hauts dignitaires du Fouta. _ Parmi ceux qui étaient venus se mettre dans l’entourage du maître ; se trouvaient Baidi Tâlo et Malik Hamâte connus pour leur fougue et la frénésie de leur goût des aventures. Des incursions formées à leur instigation traversèrent le fleuve et razzièrent tour à tour Waoundé, Diella, N’Dendori, Hamadi Hounaré et Kanel, villages du Damga. Cela suffit pour accréditer la légende que Tierno Brahima nourrissait une ambition politique et pour le représenter comme un danger pour le régime que s’était donné le Fouta.

Abdoul Bokar Ali Doundou du Bosseya, guerrier de haute classe, était alors en passe de « substituer » son autorité à celle dévolue aux Almamis régulièrement élus. Autour de lui se pressaient de fidèles conquistadors grâce auxquels il fut, trente années durant, le maître du Fouta. D’aucuns assurent que Malik Hamâte avait reçu de lui mission de se glisser dans l’entourage de Tierno Brahima et de profiter des occasions favorables pour compromettre sa cause. Toujours est-il qu’il est avéré aujourd’hui que Malik Hamâte entretenait des intelligences avec l’usurpateur dont il devint, par la suite, le représentant pour l’administration des villages du Damga où les Sébbé, son clan d’origine, formaient la majorité. Il s’acquitta de ce rôle à la satisfaction d’Abdoul Bokar, sinon avec désintéressement.
Ce chef de guerre résolut de juguler le prosélytisme de Tierno Brahima ; il importait de disloquer au plus vite les masses venues se placer sous l’obédience du saint marabout. Une première expédition rencontra à Bédinki, en 1867, les troupes de Maghama sorties malgré l’opposition de l’ermite. Elles furent battues et dispersées ; mais l’année suivante, de nombreux fidèles venaient se regrouper autour de Tierno Brahima avec une foi accrue en sa sainteté. Pénétré de la haine qu’Abdoul Bokar vouait à son apostolat, il transférait Maghama sur une dune voisine dominant le pays environnant et le faisait entourer d’un tata ou enceinte solidement construit.
Renseigné avec précision, Abdoul Bokar jugea que ses seules forces ne suffiraient pas pour réduire le tata qu’il savait abriter une population de près de 6.000 âmes et défendu par des centaines de fusils. Il fit appel à ses alliés du Boundou et du Kasso. Des guerriers en grand nombre vinrent de ces provinces lointaines grossir la barka qu’il avait constituée avec des éléments recrutés dans les divers pays du Fouta.
Lorsqu’il apprit qu’Abdoul Bokar marchait sur Maghama, Tierno Brahima fit savoir qu’il laissait libre de s’échapper, tous ceux qui n’entendaient pas résister à outrance contre le joug de l’oppresseur. Personne ne voulut l’abandonner.
L’attaque fut donnée au printemps de 1869 par des milliers d’assaillants. Les défenseurs se comportèrent vaillamment ; Guéladio Siyel et ses Harratine, tireurs remarquables, décimèrent les troupes adverses et les obligèrent à rétrograder précipitamment au fleuve. Les partisans du Kasso, complètement démoralisés par le tir meurtrier des défenseurs, voulurent regagner leur pays. On assure qu’une poursuite eût transformé la retraite en désastre.

Quels risques cet échec n’aurait-il pas fait courir à la fortune politique d’Abdoul Bokar mais Tierno Brahima ne laissa pas exploiter le succès de ses partisans. Il permit ainsi à son adversaire de se ressaisir et de galvaniser ses mercenaires en faisant miroiter à leurs yeux le riche butin que représentaient les hommes, les femmes et les enfants enfermés dans le tata, sans compter leur fortune. Se laissant ramener à Maghama, les troupes d’Abdoul Bokar investirent le tata un dimanche soir en ayant soin de se placer hors de portée du tir précis des défenseurs. Un siège de trois jours n’amena pas de décision. _ Dans l’enceinte, il n’y avait qu’un puits. Son débit devint bientôt insuffisant pour alimenter les assiégés. La soif se fit cruellement sentir. Mais une foi ardente soutint les occupants jusqu’à ce qu’une femme appelée Devel Sôti, tourmentée par la soif, se fut échappée de l’enceinte et eut gagné les rangs ennemis. Contre la promesse de livrer un grand secret, elle se fit donner à boire. Sa soif apaisée, elle fit connaître la fatigue physique des assiégés ainsi que l’épuisement de la réserve de poudre.
L’assaut ordonné le quatrième jour, un mercredi, vint facilement à bout de la citadelle. Le carnage fut terrible. De rares familles seulement purent s’échapper et aller chercher asile vers l’est dans le Guidimaka. La plupart des survivants réduits à la captivité furent amenés au Kasso et dans le Boundou. Demba Guéladio, noble arabe Littama, qui devait, comme chef de partisans, se monter un auxiliaire précieux des débuts de notre occupation du Cercle du Gorgol, fut du nombre des captifs.
Tierno Brahima, épargné par le carnage, s’était retiré inaperçu sous un arbre du cimetière à proximité du tata. Il y fut rejoint par Konko Diom qui, l’ayant reconnu, le conduisit auprès d’Abdoul Bokar, lequel, aussitôt après la victoire, avait repris le chemin du fleuve. A Fimbo, où il apprit la capture de son adversaire, il s’arrêta pour attendre son arrivée. Au moment où le saint marabout était conduit devant le vainqueur, il reconnut parmi les cadavres jonchant le sol, le corps du pieux Alfa Yaya. Il s’écria : « Brahima aurait accepté volontiers de mourir à la place de ce bon serviteur d’Allah. Mais celui qui l’a assassiné se tuera de sa propre main » [3]. Lorsque Tierno Brahima lui fut présenté, Abdoul Bokar reprocha vivement à Konko Diom de l’avoir capturé et fait marcher à pied. II eut mieux valu le laisser s’échapper, se serait-il écrié, ce qui indique que même les cœurs les plus endurcis ne peuvent se défendre de l’émotion devant la tranquille sérénité des vrais hommes de foi.
Si autoritaire que fut Abdoul Bokar, il lui fallait en certaines circonstances compter avec l’opinion de son entourage composé de guerriers mûris sous le harnois et qui étaient les artisans de sa fortune politique. Or cet entourage voulait, en général, la mort du pieux marabout. Elle lui fut donnée à Bédinki des mains d’un Kassonké. Il la reçu avec une sérénité admirable, après avoir fait ses ablutions et après s’être écrié à la fin de celles-ci : « que l’exécuteur accomplisse son œuvre, Brahima est prêt » [4].
La tradition souligne que le choléra se déclara parmi les troupes d’Abdoul Bokar au moment où, regagnant leurs foyers, elles atteignaient le village de Garly. L’épidémie devait ravager le Fouta pendant toute l’année 1869.
Durant les courtes années du principat religieux de Tierno Brahima, le développement de l’agriculture fut remarquable. De Maghama au fleuve, sur une distance d’une douzaine de kilomètres, s’étendaient des champs ininterrompus, nouvellement aménagés et d’une fertilité peu commune. La renommée de ces terres et leur exploitation avaient contribué, pour une large part, à attirer les masses laborieuses que la guerre venait de disperser.


La convoitise qu’elles excitaient devait ramener dans le pays les familles qui ressuscitèrent Maghama, et s’y maintinrent malgré le régime accablant auquel elles furent soumises par l’avidité et la cruauté des rezzous maures.
Après la destruction du tata, seuls, de rares Chorfâ demeurèrent à Maghama, quelques familles Littama les rejoignirent l’année suivante. Formant ensemble un hameau, ils reprirent l’exploitation du Walo.
En 1873, Cheikh Mamadou Mamoudou, de Tiguéré, village du N’Guénar, se rendant à la Mecque, passa à Bokki et Diammi (Guidimaka) où se trouvaient des réfugiés de Maghama, dont quelques-uns avaient acquis une certaine notoriété au temps de Tierno Brahima. Ceux-ci contèrent au pèlerin leur triste odyssée et leur chagrin de vivre en exil. Ils lui vantèrent l’abondance des ressources de la région de Maghama : cultures, chasse, pêche, ajoutant qu’ils gagneraient le pays de leur rêve à la première occasion et qu’ils se féliciteraient d’y vivre sous son patronage. Le pèlerin promit de les rejoindre à son retour des lieux saints. De belle’ prestance, l’allure décidée Cheikh Mamadou Mamoudou passait pour un illuminé. Il joignait à ces dons de remarquables qualités guerrières. Des raisons de famille l’avaient décidé à s’exiler dans le Boundou, à Sénoudébou, où son érudition, sa piété et sa connaissance parfaite des sciences mystiques lui avaient valu une renommée qui le mit en cour auprès de l’Almamy régional, Bokar Saada. C’est là qu’il avait senti la voix intérieure le pousser à accomplir le pèlerinage à la Mecque.
Dès l’hivernage de 1873, les rescapés du tata réfugiés à Bokki et Diammi rentraient à Maghama. Leurs habitations, ainsi que celles de ceux qu’il s’y trouvèrent, occupaient alors la partie est de l’agglomération, formant à peu près le quart du Maghama d’aujourd’hui. Le centre fut sans histoire jusqu’en 1878, date du retour de la Mecque de Cheikh Mamadou. Son titre ’d’El Hadj et l’expérience acquise, tact en Arabie qu’à l’aller et au retour, avaient accru le prestige de celui-ci et en faisaient désormais un personnage de l’histoire du Fouta.
Une délégation des gens de Maghama alla le chercher à Tiguéré, où il s’était arrêté. Il devint le patron de la nouvelle agglomération, au développement de laquelle il consacra, avec bonheur, les ressources d’une intelligence remarquable et d’un réalisme peu commun chez ses semblables.
De 1878 à 1882, Cheikh résida à peu près constamment à Maghama, dont la population augmentait d’année en année. Il y arrivait des diverses provinces du Fouta des éléments appartenant à toutes les classes sociales. Les uns y avaient émigré pour exploiter la terre ; d’autres, épris d’aventures, y étaient accourus attirés par le renom de Cheikh Mamadou, Beaucoup aussi étaient des exilés, ayant dû quitter leur pays à la suite de frasques retentissantes ou pour se soustraire à des ennemis politiques plus puissants. Il en était enfin qui avaient dû quitter leurs villages d’origine pour pratiques de sorcellerie. ’
Cette brève analyse des tendances de la population de Maghama permet de concevoir combien est malaisée la tâche de ceux qui ont à concilier les intérêts souvent opposés de tant d’éléments hétérogènes. Connaissant admirablement la psychologie de ses frères, et alliant la fermeté de décision à la souplesse de caractère, Cheikh Mamadou, s’appuyant sur la majorité de la population, des éléments originaires du N’Guénar, s’acquitta toujours de son rôle de premier magistrat avec habileté ; dans l’ordre spirituel comme dans le domaine temporel, son autorité était reconnue. Rarement chef fut aimé de ses sujets autant que lui.
Appelé par Moussa Molo et par Bokar Saada, qui avaient pu apprécier sa valeur, il se rendit tour à tour au Boundou et au Firdou, où il séjourna de 1882 à 1885, prenant une part active aux événements politiques qui marquèrent l’histoire de ce pays. Souvent, il n’hésitait pas à payer de sa personne. Dans le courant de 1885, une délégation de 40 guerriers de Maghama, dépêchée auprès de lui, le ramena du Firdou [5].


Le Fouta, et plus particulièrement le Damga, était alors en proie à de violentes convulsions politiques, qui venaient aggraver les incessantes entreprises de brigandage des pirates Touahir et Oulad Aid qui étaient, de tous les Beni Hassane, les tribus les plus avides de pillage et de sang.
Malgré ces difficultés, Cheikh Mamadou réussit à donner à Maghama une organisation pouvant être citée en exemple. Le village était divisé en quartiers groupant chacun les individus’ de même origine : Bosseya, N’Guénar, Lao et N’Guiril. Chaque groupe élisait un diagaraf ou gérant foncier, lequel était chargé de la perception de l’assakal ou dîme sur les récoltes. Le produit de l’assakal était attribué : un tiers au « saint » de la localité, un tiers aux percepteurs et le dernier tiers aux notables. La part revenant à ces derniers était en réalité conservée pour être distribuée aux nouveaux venus dépourvus de ressources. Bel exemple de prévoyance et de mutualité, qu’il n’est pas inutile de souligner au moment où localement l’égoïsme fait fureur et où l’individualisme est élevé à la hauteur d’un dogme.
Dans l’ordre moral, les efforts du Cheikh ne furent pas moins méritoires. La justice était rendue selon la loi musulmane. Toute offense à la pudeur était punie de châtiments corporels. Maghama acquit ainsi une belle renommée de chasteté. Il se préoccupait aussi de la santé publique. Le souci lui avait fait interdire d’allumer près du village certains feux dégageant des fumées incommodes, passant pour communiquer des maladies graves.
A l’époque des cultures, chacun était tenu de fournir un maximum d’efforts. Ceux qui n’allaient pas aux champs les jours de travail étaient astreints à des corvées d’utilité publique. Les années de 1885 à 1890 furent une période vraiment brillante dans l’histoire de Maghama. Avec quelle admiration les vieux en racontent les souvenirs dans les réunions ! Cheikh Mamadou s’était proposé, grâce aux Français avec lesquels il avait noué des relations suivies, d’étendre son autorité sur le Damga et de substituer, dans ce pays, un régime d’ordre à l’anarchie et l’oppression qu’y faisaient régner Abdoul Bokar et ses séides. Dans cette vue, il s’était lié d’amitié avec différents personnages de marque relégués à l’arrière plan par l’hégémonie du maître du Fouta.
Cependant de graves périls extérieurs pesaient sur l’agglomération de Maghama : les incursions des rezzou et l’hostilité d’Abdoul Bokar, lequel était parvenu à l’apogée de sa gloire politique. Contre les pillages des Maures, la ville était à peu près impuissante, bien qu’elle disposât d’un millier de fusils. Ni l’alliance du Cheikh avec les Littama, ni le prestige de sa science n’arrivèrent à faire cesser les incursions ; opérant en toutes saisons, les rezzou, assurés d’impunité, venaient jusqu’aux alentours des habitations pour commettre leurs déprédations. Les poursuites qui s’organisaient ne dépassaient guère la chaîne de Oua-Oua distante d’une vingtaine de kilomètres et formant limite extrême du pays connu de la population. On jugera des méfaits des rezzou par le fait que parmi les 500 foyers que Maghama groupe aujourd’hui, il n’est pas de famille qui n’ait eu un ou plusieurs des siens tués au combat ou enlevés comme captifs par les Maures. Malgré cette situation, il ne vint jamais à la population l’idée d’abandonner sa glèbe.
Le danger que représentait Abdoul Bokar était, aux yeux de Cheikh Mamadou, plus inquiétant que les agissements des pirates maures. Lors d’une rencontre à Tiaski, en 1881, le tyran du Bosseyra ne l’avait-il pas invité à réfréner son ambition politique s’il ne voulait pas être exécuté ultérieurement à N’Guidiylogne, à l’occasion d’une palabre mémorable, cette menace n’avait-elle pas été sur le point d’être réalisée ? Cheikh Mamadou sentit que sa vie était en danger. Il n’en envisageait pas moins le pire avec le sang-froid dont il était coutumier. Il savait pouvoir compter sur mille fusils de Maghama, dont il effectua un jour le recensement, fusils portés par des hommes habiles à s’en servir. Et puis, ne jugeait-on pas qu’il fût de taille à tenir tête lui seul à tout un « pied) ! (ou aile) de l’armée de son adversaire ?
Il s’organisait en vue de la lutte inévitable et imminente, lorsque l’arrivée de la colonne Dodds en 1890 précipita les événements.



Rejeté sur la rive droite du fleuve, Abdoul Bokar, réfugié chez les Chrattit, résolut d’en finir avec le maître de Maghama qui, au cours d’un récent voyage à Saint-Louis, s’était assuré les appuis nécessaires pour prendre le commandement du Damga.
Vers la fin de l’automne de 1890, Abdoul Bokar forma une expédition comprenant de nombreux éléments maures. Il réussit à atteindre le fleuve aux environs de Dao sans être éventé.
Malgré l’avis opposé de ses fidèles partisans, Cheikh Mamadou avait quitté Maghama, sans escorte, accompagné seulement de quelques serviteurs, pour se. rendre à Horndoldé. Grâce à la complicité des habitants de ce village, un groupe de guerriers choisis par Abdoul Bokar réussit à pénétrer dans le carré occupé par Cheikh Mamadou et à l’abattre, non sans qu’il eut opposé, malgré la surprise, une vigoureuse résistance.
Connu le lendemain à Magharna, l’événement y jetait la consternation. Dans le désarroi général, nul ne songea à organiser la lutte. Le chef disparu, les habitants de Maghama n’étaient plus qu’un troupeau. La population s’enfuyait précipitamment pour se réfugier dans les villages de la rive gauche. Il y en eut même qui poussèrent la fuite jusqu’à Bakel. Lorsqu’Abdoul Bokar, ralliant son point de départ chez les Chrattit, passa à Maghama, il n’y trouva que de rares habitants qu’il épargna. Mais l’agglomération fut livrée à un pillage méthodique. Seuls, les greniers de mil furent ménagés. Le vainqueur envisageait sans doute leur utilisation pour l’approvisionnement ultérieur de ses troupes, comme de ses faméliques hôtes occasionnels.
Lorsque se fut apaisée l’émotion soulevée par l’assassinat de leur idole, les habitants de Maghama se mirent à rentrer par petits groupes. Entre temps, Ibra Almamy, chef de Lao, avait, reçu des Français la mission de se rendre avec ses guerriers dans la région troublée pour y ramener la quiétude. Craignant un retour offensif de l’adversaire, et ne voulant pas lui laisser le profit des réserves de mil, il avait avant de repartir fait mettre le feu aux greniers. Aussi, les habitants qui regagnèrent leurs pénates se trouvèrent-ils dans le plus grand dénûment.
Le Colonel Archinard venait d’occuper Nioro. Les contingents du Fouta qui avaient répondu à l’appel du Commandeur des. Croyants, Amadou Saikou, avaient été disloqués. En proie à de grosses difficultés de ravitaillement et exposés à l’hostilité des autochtones, ces contingents ne purent se maintenir dans le pays. Par caravanes massives, un grand nombre d’entre eux avait repris le chemin du Fouta, voyageant souvent sans guide à travers un pays presque inconnu. Un de ces exodes, comprenant des centaines de familles, traînant : de lourds impedimenta, fut signalé dans les environs de Maghama. La population se jeta sur ces malheureux au lieu qui s’appela depuis « bowal fergo », ou plaine des émigrés, et le maigre butin qu’elle recueillit lui permit de subsister tant bien que mal jusqu’à l’automne suivant, qui vit mûrir une belle récolte.
L’assassinat d’Abdoul Bokar par les chrattit survenant peu de temps après ces événements apportait un grand soulagement à la population de Maghama, qui n’eut plus à craindre que les incursions des Maures. Celles-ci ne devaient cesser qu’à la création du poste de M’Bout, en 1905, et qu’après le rejet vers l’Assaba et le Hodh des derniers pillards de l’Aftoute.
En 1891, donation fut faite par le Colonel Dodds, à M. Abdoul Salam Kane, des terrains de Maghama, en reconnaissance des services rendus par Cheikh Mamadou qui venait d’être assassiné par les gens d’Abdoul Bokar.
A deux reprises différentes, le désaccord entre donataire et exploitants de ces terrains, au sujet des redevances à percevoir, devait décider une partie importante de la population de Maghama à émigrer à Louguéré (1903) et à Adjar el Abiodh (1906). Ces émigrations furent de courte durée, un compromis finissant chaque fois par intervenir entre les intéressés.
Les terrains de Maghama sont actuellement régis par la convention du 1er mai 1929.

II. - RELIEF DU SOL

Au point de vue orographique, le canton du Littama présente une série de gibbosités de 20 à 30 mètres de hauteur, qui s’élèvent parallèlement au fleuve entre Garli et Horndoldé, en en restant écartée de 6 à 10 kilomètres. A partir de Horndoldé, ces gibbosités changent d’orientation, et se dirigent vers le Nord pour rejoindre la chaîne de Oua-Oua, aux environs de Kow. Cette dernière chaîne, orientée Nord-Sud, qui sépare deux régions bien distinctes physiquement, à son extrémité méridionale dans le canton, aux abords de Hawré-Bowdé.
Signalons aussi les gibbosités des environs de Lougguéré, près desquelles passe la limite entre les Cercles du Gorgol et du Guidimaka. Mentionnons encore le piton de Daw, curieux par les cavernes qu’il renferme. Dominant tout le pays, il était utilisé comme poste d’observation par les rezzou.
L’oued Garfa est le principal cours d’eau de la région. Il descend du massif de l’Assaba et se jette dans le fleuve près de Horndoldé. Par ses crues, il contribue à fertiliser les terrains de Maghama. Un système de barrage, édifié annuellement au début de la saison des pluies, permet de réaliser des pêches fructueuses, enviées par bien des pays.
L’oued de Lougguéré, qui vient du Guidimaka et passe à Toulel et BogheI Fadoua, se jette dans le fleuve et à 6 kilomètres en amont du confluent de l’oued Garfa et du Sénégal ; il fertilise lui aussi les grandes plaines qu’il traverse.
Il existe de nombreuses mares peuplées de cent espèces de poissons.
En dehors des considérations qui précèdent, on rencontre dans le canton du Littama les trois sortes de terrains qui caractérisent le Fouta :
1° Walo, ou zone des inondations ;
2° Dyéri, ou terres hautes que n’atteignent pas les crues ;
3° Fondé, au pluriel pôdé, zone recouverte par les inondations dans les années de grandes crues seulement.
Au point de vue économique, le Walo est de beaucoup la zone la plus importante. On sait que sa possession a excité bien des convoitises au cours des siècles et provoqué de sanglants conflits dans le Fouta, dont les habitants en ont tiré, de tout temps, le plus clair de leurs ressources.
Comme on l’a vu plus haut, l’exploitation du Walo a été à l’origine, la principale cause de la fondation de Maghama. Terre du gros mil par excellence, non seulement le Walo local nourrit la population mais encore il contribue largement à faire vivre l’arrière pays. Dans les adouaba ou hameaux habités par des haratine de la région de M’Bout, la nouvelle que les terrains de Maghama sont inondés est toujours accueillie par des you-you de joie. [6]
Au temps de Cheikh Mamadou, un épi de mil fournissait 300 grammes de grain environ [7]. Le rendement a aujourd’hui baissé des deux tiers, déficit imputable sans doute à l’usure de la terre. Il y a là une situation qui, en s’accentuant, pourrait devenir fort inquiétante. _ La culture de l’arachide, à laquelle de rares familles seulement consacraient un faible effort, tend à se développer depuis quelques années, grâce à la possibilité d’écouler les récoltes sur place.
D’après les observations des experts, le rendement pondéral des graines récoltées en 1936-1937 est supérieur, au mètre cube, à celui des cultures du Cayor et de différentes régions sénégalaises réputées pour la production de l’arachide.
Les Pôdé forment généralement une bande de terre étroite attenant au Walo. Souvent ils sont resserrés entre le fleuve et la zone des inondations. Cultivés en hivernage, ils peuvent aussi être exploités après avoir été recouverts par les crues. Ils produisent le mil, le mais, le coton.


Une mention spéciale doit être réservée aux terres dites « Nyarudyé », au singulier Nyarual, situées à l’intérieur, loin du Walo et bien différentes du Dyéri proprement dit ; silico-argileuses, elles conservent longtemps l’humidité, surtout lorsque celle-ci résulte du passage d’une eau courante que dispense un important réseau de petits torrents. Elles constituent la terre par excellence des variétés de mil intermédiaires entre le gros et le petit mil. Leur exploitation a amené l’éclosion de plusieurs hameaux prospères dans le pays et exerce une forte attraction sur divers habitants des villages de la rive gauche du fleuve.
Quand les Nyarudyé affectent la forme de cuvettes, elles peuvent constituer des rizières de qualité.

III. - LES HABITANTS

Le canton du Littama comprend 32 villages ou hameaux, groupant une population totale dé 11.432 habitants. Au point de vue ethnique, on compte 8.995 Toucouleurs, 1.036 Peuls divers, 810 Harratine et 591 Sarakollé. Les uns et les autres sont essentiellement des cultivateurs. Le centre le plus important compte 2.210 âmes. Les habitants sont sédentaires, à l’exception des Peuls qui, pendant l’hivernage, se portent des régions dont ils sont originaires et où ils passent la saison sèche, aux hameaux de l’intérieur où leurs animaux trouvent plus d’espace, et sont moins exposés aux moustiques et insectes divers qui pullulent dans le voisinage du fleuve pendant la saison des pluies. Ce mouvement de systole et de diastole porte quelquefois sur une amplitude de 60 à 80 kilomètres. Quand il revêt cette importance ;’ il porte les ressortissants du canton sur le territoire de ’l’ancienne résidence de M’Bout. Le cheptel comprend 6.160 bovidés, 16.477 brebis et chèvres, 443 ânes, 369 chevaux appartenait en majorité aux Peuls.

IV. - COMMANDEMENT

A la création du territoire civil de la Mauritanie, le canton du Littama, qui relevait de Matam depuis 1890, fut rattaché au cercle du Gorgol pour dépendre de M’Bout. L’administration des villages fut laissée au chef du Damga, M. Abdoul Salam Kane qui contrôlait le pays avant la séparation de la Mauritanie et du Sénégal. Démissionnaire en 1908, le chef du Damga était remplacé par M. Malal Boubou Ciré, issu d’une famille appartenant à la meilleure société du N’Guénar. Le canton venait alors d’être rattaché à la résidence de Kaédi. Ses limites s’étendaient à l’est et au sud jusqu’aux villages de Niomel et de Wompou inclus. A l’ouest, elles étaient marquées par le marigot de Civé, ce village exclu. En 1921, lors de la constitution du Guidimaka en cercle autonome, les limites sud et est furent ramenées à une quinzaine de kilomètres en arrière, sur une ligne théorique passant à mi-chemin entre Koumbou et Wompou et allant aboutir à l’oued Garfa, à 6 kilomètres en aval d’Adjar Labiodh, après avoir côtoyé le village d’Arr à 15 kilomètres à l’ouest. Ces limites sont conservées jusqu’à ce jour.
A l’ouest, le canton subissait aussi, en 1912, une mutilation d’une douzaine de kilomètres qui en reportait la limite à Garly.
En 1918, l’interprète Mamadou Alfa Dia, du cadre du Sénégal, remplaça Malal Boubou Ciré, frappé d’aliénation mentale. Il fut remplacé en 1923 par l’interprète du cadre de la Mauritanie Djibril Ly, qui cessait ses fonctions en 1927. En mai 1929, l’interprète Amadou Diadié Samba Diom fut appelé au commandement du canton, qu’il gardait pendant 2 ans. En 1933, Diadié Almamy, fils du dernier Almamy Dényanké, fut nommé chef du canton, et était remplacé en janvier 1936 par l’interprète Mahmadou Ahmadou Ba.
Depuis longtemps, s’est accréditée dans l’imagination populaire la croyance que les dieux lares locaux veulent que le commandement des chefs de la région ne se prolonge pas au delà d’une certaine durée.

Au bout de ce temps, survient un événement, généralement fâcheux, qui oblige le titulaire à céder sa place. Au fait, depuis la fondation de Maghama en 1866, seul Cheikh Mamadou a dirigé les affaires du pays pendant une période atteignant dix ans. Encore son commandement fut-il exercé en deux périodes séparées par une interruption de près de cinq années.

V. - LES ALMAMY DÉNYANKÉ

Lorsque l’Almamy Abdoul Qader eut achevé de substituer dans le Fouta le régime théocratique à la dynastie des Dényanké, œuvre commencée par Tierno Suleymane BaIe au début de la seconde moitié du XVIIIe siècle, le sens politique dont il était doué lui fit ménager une situation privilégiée à la dynastie subjuguée. Ainsi fut créé, en marge du Gouvernement du Fouta, l’almamat Dényanké, vestige pâle des splendeurs de la monarchie déchue, dont cependant s’accommodèrent les anciens maîtres du pays. Par ce privilège, l’Almamy Abdoul Qader s’assurait le dévouement de ses anciens adversaires, formant une société portée à l’idolâtrie et fort attachée à ses tendances séculaires [8]. Il se déchargeait sur leur chef, dont le titre devint Almamy [9], de l’administration d’une province excentrique qui lui eut créé bien des soucis s’il avait eu à en exercer directement le commandement en même temps que celui du reste du Fouta.
Le nouveau royaume Dényanké englobait les villages de Lobaly, Barkéou, Padalal, Djintang, Ganguel, Gouriki, Bapalel et Horndoldé. Cette énumération montre l’erreur, fréquemment commise, de considérer que l’autorité des anciens Almamy Dényanké s’étendait sur l’ensemble du territoire du Littama.
Le titre d’Almamy revenait au plus âgé des membres de la famille régnante. _ Il devait hommage à l’almamy du Fouta, mais administrait son territoire selon la tradition ancestrale. Il percevait des redevances foncières et infligeait, à son profit, des amendes dans certaines circonstances : meurtre, vol, viol, rixe, naissance d’enfants naturels, etc...
Toutefois, pour les villages de Djintang, Ganguel et Gouriki, l’Almamy déléguait ses pouvoirs administratifs au Diom des Yalalbé, seigneur local élu au privilège d’âge qui lui devait tribut.
Les Dényanké entretenaient les meilleures relations avec les Maures. Les uns et les autres se prêtaient leurs offices pour écouler le butin qu’ils réalisaient sur leurs rives respectives.
Liste des Almamy Dényanké, depuis la fondation du régime jusqu’à l’occupation française :
Almamy Bokar de Wali ;
Almamy Diadié Ciré Boubou Moussa ; Almamy Diadié Bonguel de Wali ;
Almamy Soulé Bokar Ciré Boubou Moussa ; Almamy Bokar Konko de Lobaly ;
Almamy Bokar Saboye ;
Almamy Bokar Ciré ;
Almamy Soulé Ali ;
Almamy Ciré Bokar Ciré Soulé N’Diaye (1885) ;
Almamy Diéguéré (1885-1910), mort à 102 ans.


VI. - CONCLUSION

Le canton du Littama est une région agricole par excellence. On a vu, dans l’exposé qui précède, que les différentes sortes de sol qui caractérisent le Fouta et en font un pays privilégié s’y rencontrent, formant des zones étendues et d’une fertilité peu commune.
Les différents produits que l’on récolte dans les diverses parties du Fouta y réussissent remarquablement : mil, maïs, riz, coton, indigo, légumineuses diverses, cucurbitacées diverses, etc,.. Les céréales ont été, de tout temps, et resteront la principale culture du pays.

Si l’on en croit les statistiques indigènes, pendant l’hivernage, 18 jours de travail soutenu assurent, à n’importe quelle famille moyenne (de 5 personnes, le père et le fils aîné seuls cultivant, une récolte suffisante pour subsister jusqu’au Walo, c’est-à-dire pendant 5 mois (novembre à mars), pourvu toutefois que les conditions atmosphériques s’y prêtent. Si le Dyéri offre des possibilités illimitées, comme nous l’avons dit plus haut, en fait les conditions atmosphériques limitent l’effort des paysans en cette saison, Le sarclage, qui se fait à la houe, comme au temps des aïeux, ne peut être amorcé moins de 8 à 10 jours après la pluie qui a permis les emblavements. Les paysans engagent alors une véritable lutte contre les herbes qui recouvrent le sol et qui se développent rapidement sous l’action combinée des pluies et de la chaleur.
Après 25 jours de travail, le sarclage doit être interrompu, car les pieds de mil, débarrassés après ce délai des mauvaises herbes, ne donnent qu’un rendement insignifiant ; aussi bien l’intensification des cultures du Dyéri sur une grande échelle suppose-t-elle un outillage mieux adapté à la lutte contre les mauvaises herbes. Il serait souhaitable que la technique agricole moderne trouvât la formule qui permettrait d’accroître la production locale. On ne saurait assez souligner l’attachement de la population aux travaux de la terre. Des essais d’introduction du manioc et de la pomme de terre sont en cours et permettent d’espérer l’acclimatement de ces plantes.
Ainsi que nous l’avons dit plus haut, le développement de la culture de l’arachide ne cesse de s’accroître depuis 1936. Il est permis d’espérer que dans un avenir rapproché, les paysans pourront acquitter les impôts et se procurer les effets dont ils ont besoin, uniquement avec le prix de la récolte d’arachides, sans avoir à aliéner une partie des réserves vivrières. Ce jour-là, le pays ne sera plus exposé aux famines navrantes, comme celles dont la population a tant souffert au cours de ces dernières années.
La chasse contribue à rendre l’alimentation substantielle. La pêche, organisée et protégée ; permettrait à la population de se procurer les ressources appréciables qu’elle tirait des mares et du fleuve, avant l’introduction de certains engins de pêche qui dépeuplent les rivières.



[1] Les habitants de Maghama razziés étaient vendus à Samba Kandji et inversement ; cela avait fait intervenir entre les deux villages une convention aux termes de laquelle les acquéreurs de personnes libres étaient tenus de les rendre à leurs parents moyennant paiement de 15 pièces de guinée. Pour un serviteur, le taux fixé était de 10 pièces.

[2] Signifiant lieu de séjour. Ce choix a été inspiré au fondateur de Maghama par le souvenir de son homonyme, le patriarche Abraham élevant en Arabie Pétrée la Kaaba à la gloire d’Allah, et par ces passages du Qoran : « Le premier sanctuaire créé pour les hommes est certes ce lui de la Mecque qui est bénie et qui est le guide de l’univers. Il y a des signes évidents, c’est le lieu de séjour d’Abraham et quiconque y pénètre est assuré de l’aman ou sécurité. etc... . Sourate « famille d’Imran ., versets 90 et 91. Malheureusement, le séjour à Maghama n’assura pas toujours la sécurité de ses habitants.

[3] Alfa Yaya avait été tué par Demba Talo, guerrier intrépide qui était très bien en cour auprès d’ Abdoul Bokar. Pendant la dernière colonne du Fouta, en 1891, au moment où le colonel Dodds arrivait à N’Guidiylogne, Baidi Tâlo qui s’y trouvait - il en était originaire - persuadé que son dévouement envers Abdoul Bokar lui ferait réserver un douloureux calvaire, se suicida, vérifiant ainsi la prédiction de Tierno Brahima.

[4] Enterré sommairement, il fut exhumé au bout de trois jours, des hommes pieux ayant voulu lui faire les funérailles dues à sa piété. On assure que son corps était frais comme si la mort venait de faire son œuvre. Un notable de Bédinki offrit son pagne qui servit de linceul. Après les cérémonies rituelles, le corps fut enterré selon l’usage des musulmans. La tombe fut entourée d’une clôture en bois, que la famille du notable qui fournit le linceul entretient jusqu’à nos jours. Cette famille des plus aisées doit sa fortune, dit-on dans le pays, aux bénédictions du pieux marabout. Jusqu’à ces dernières années, il était fréquent, lorsque les pluies se faisaient attendre, que les habitants du voisinage se rendissent. à la tombe de Tierno Brahima et sacrifiassent un mouton pour implorer le ciel, qui se laissait toujours attendrir.

[5] A propos d’un barrage pour la pêche établi au confluent de l’oued Garfa et du Sénégal, un combat sanglant venait d’avoir lieu en 1884 entre les gens de Horndoldé qui avaient édifié le barrage et ceux de Maghama que lésait cette barrière.

[6] Tous les ans, au mois de février, on voit arriver dans le pays, en longues et pittoresques théories, sur les pistes, des centaines de familles de Harratine, avec animaux et bagages, qui viennent se mettre au service des paysans pour la moisson et le transport des récoltes. Elles ne regagnent leurs adouaba qu’à l’annonce des pluies d’hivernage.

[7] Une parabole des anciens assure que, sur la rive gauche, le dessus du Walo est de cuivre et le dessous d’or, et que sur la rive droite c’est l’inverse, c’est-à ­dire qu’au Sénégal, le rendement du Walo est toujours intéressant parce que le sous-sol est d’une fertilité inépuisable, alors qu’en Mauritanie, les récoltes par­ticulièrement abondantes les premiers temps, après les défrichements dimi­nuent de fertilité au fur et à mesure que s’écoulent les années. Si nos aïeux revenaient sur la terre, ils modifieraient leur parabole, car la diminution de fertilité s’observe aussi bien sur l’une que sur l’autre des rives du fleuve.

[8] L’islam a peu pénétré chez les Dényanké jusqu’à ce jour.

[9] Désigné par privilège d’âge.


source: refer.org

Dimanche 8 Avril 2012
Boolumbal Boolumbal
Lu 1950 fois



Recherche


Inscription à la newsletter