Lorsque le PM reconnaît avoir falsifié des chiffres (+courrier de l'UE à Sidi O. Tah)



Lorsque le PM reconnaît avoir falsifié des chiffres (+courrier de l'UE à Sidi O. Tah)
Lors d'une conférence de presse organisée à jeudi dernier à Nouakchott, le premier ministre Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf répond timidement à la mise en garde par l'Union européenne (UE) ; son ambassadeur à Nouakchott, Hans-Georg Gerstenlauer, se plaignait de l'incompétence du ministre des affaires économiques Sidi Ould Tah et de son principal collaborateur Hacena Ould Boukhreïss (lire le courrier ci-dessous).

Le 10ème Fonds européen de développement (FED) prévu pour la Mauritanie atteint 150 millions d'euros. Contrairement à la Banque mondiale qui prête à la Mauritanie, ici l'aide de l'UE est sous forme de don, sans autre forme de contrepartie sauf la mise en œuvre des projets. Or, il reste 28 millions d'euros du 9ème FED et tant qu'ils ne seront pas épurés, le 10ème demeure bloqué.

Le ministre des affaires économiques Sidi Ould Tah et son directeur du financement Hacena Ould Boukhreïss tentent, à coup d'avenants, de trouver des projets plus ou moins cohérents afin d'en finir avec le reliquat et de hâter le déblocage du 10ème FED.

A cause de l’échec de ses deux principaux interlocuteurs et voyant que la Mauritanie risque de perdre le bénéfice des 150 millions d'euros, l'ambassadeur de l'UE a donc adressé un courrier plutôt sévère à Ould Tah ; il y indique que la gravité de la situation l'incite à aviser le premier ministre.

Mais ce dernier, au lieu de corriger le tir, a manifestement préféré couvrir son ministre et est monté au front. Dans sa conférence de presse, il avancera des constats extrêmement dangereux sans qu'il se rende compte de leur portée sur la coopération avec l’Europe et l’économie de la Mauritanie.

A titre d’exemple, selon lui, 90% des élèves mauritaniens sortent de l'enseignement sans aucun niveau. Or, dans les statistiques officielles du gouvernement, le taux de réussite dans le primaire et secondaire dépasse 95% !

De son intervention, l'on peut tirer les conclusions suivantes :

- Le chef du gouvernement dit implicitement aux bailleurs de fonds : "tous les chiffres que nous vous fournissons sont falsifiés" ;

- Il reconnaît qu'il faut, sans tarder, remettre tout le système éducatif en cause et s’atteler, dès à présent, à sa refondation ;

- Partant, plusieurs générations de mauritaniens sont perdues et risquent d'évoluer vers le chômage sinon la délinquance, du fait de la déliquescence avérée et reconnue du système éducatif national.

Interrogé par un journaliste sur la lettre de l'ambassadeur de l'UE, Ould Mohamed Lagdhaf banalise le courrier et précise que les mesures appropriées ont déjà été prises pour dépasser le "blocage".

De fait, la lettre a été envoyée le 25 février 2010 et reçue par le gouvernement le 3 mars. La conférence de presse a eu lieu le 4 mars. La lettre porte des constats et jugements d'une extrême gravité. Même s'il s'agit du gouvernement le plus efficace au monde, il lui est impossible, en 24 heure, d'étudier le cas et de concevoir les solutions aux problèmes soulevés par l'ambassadeur de l'UE.

Trois leçons ressortent du courrier :

1. L'Union européenne souhaite souligner l'incompétence du gouvernement, en particulier l'inconsistance des responsables directs de la gestion nationale de la coopération au titre du FED ;

2. L'UE, principal bailleur de fonds de la Mauritanie, n'accorde plus la moindre confiance à l'Ordonnateur national du FED - le ministre des affaires économiques Sidi Ould Tah - et souhaite en aviser le Gouvernement ;

3. L'incurie du personnel en charge de la coopération avec l'UE est en passe de faire perdre, à la Mauritanie, plusieurs dizaines de milliards d'ouguiyas, offerts gratuitement par l'UE.

L'été prochain une conférence des donateurs de la Mauritanie se réunira à Bruxelles. Si, d'ici là, aucune mesure concrète n'est prise par le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz, alors le pays ne pourrait plus compter, irrémédiablement, sur la manne des concours financiers dont dépend la conduite des politiques publiques et la mise en place des plus grands projets de développement.


Source:
Taqadoumy

Lundi 8 Mars 2010
Boolumbal Boolumbal
Lu 305 fois



Recherche


Inscription à la newsletter