Les voies et moyens de sortie de crise définitive et consensuelle



Les voies et moyens de sortie de crise définitive et consensuelle

Il n’est pas aisé d’organiser des élections présidentielles en bonne et due forme dans une atmosphère de crise comme aujourd’hui en Mauritanie. Et ceux qui pensent entraîner la Mauritanie dans cette aventure se leurrent gravement. En effet, les élections ne sont pas une fin en soi, ni une solution de nos problèmes en elles-mêmes. Elle ne sont pas, en outre, qu’une affaire intérieure seulement.


Le processus de transition de 2005-2007 nous en donne une preuve qu’il ne nous est pas permis d’oublier. C’est d’autant plus vrai que le coup d’Etat du 5 Août 2005 (mené par les mêmes officiers que ceux qui nous gouvernent actuellement contre notre volonté) et les élections qui l’ont suivies n’a pas empêché celui atypique et inacceptable du 06 Août 2008 intervenu pour assassiner les espoirs du peuple, mais également les attentes des observateurs internationaux on ne peut plus satisfaits des élections naguère organisée par les militaires. Si le premier a été peu contesté à l’intérieur et a divisé la communauté internationale en favorable et défavorable, le second a suscité un rejet et une condamnation tous deux absolus. Neuf mois après, l’opposition nationale au putsch s’élargit de jour en jour et la position internationale ne cesse de durcir en soutien à la détermination militante des forces anti-putsch. Dans l’autre camp, des défections de taille secouent les rangs du camp des soutiens du coup d’Etat qui a perdu, en moins de deux mois, le RFD d’Ould Daddah, suivi de la coalition de trois partis politiques dirigés par Dr Louleïde Ould Weddad, Med Yehdhih Ould Moctar El Hasan et Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba.
Finalement, toute la classe politique nationale crédible et représentant quelque chose se trouve dans le camp du rejet des élections unilatérales. A quoi servent donc ces élections auxquelles ne participent que des politiciens opportunistes et sans autre crédit que le soutien d’un putschisme désormais morbide ou coup de main lucratif au général candidat ? A quoi servent-elles si elles doivent garder entières les raisons de la crise et déboucher, sous peu, sur un autre coup d’Etat qui pourra cette fois être sanglant ?
L’expérience prouve que l’organisation des élections dans une atmosphère de conflit où les rapports politiques entre les différents protagonistes manquent de sérénité ne doit pas avoir pour seul objectif la seule désignation d’un Président. Elles doivent permettre une réconciliation nationale et l’apaisement des tensions à travers un processus de négociations sérieuses. Elles doivent forcément conduire à des solutions consensuelles et inclusives dont le vote ne sera que la consécration. Cela exclut, au préalable les velléités d’imposition manu militari d’un agenda unilatéral qui découle du mépris, pur et simple, des principales forces politiques, particulièrement, du rôle qui doit échoir au principal protagoniste de la crise, à savoir, le Président démocratiquement élu.
Bref, les éventuelles élections et puisqu’elles ne seront acceptées que si elles seront sérieuses et crédibles doivent être l’exécution d’une feuille de route capitalisant les termes d’un consensus dont le déclic permet l’enclenchement d’un mécanismes devant aboutir à la réalisation des objectifs fixés de commun accord. Ceci étant, et par souci de crédibilité, l’arbitrage doit être du ressort de la communauté internationale seule, entre autre l’Union Africaine et l’Union Européenne
Les conditions d’un débat serein et constructif

La Mauritanie vit, ces jours-ci au rythme des conciliabules menés sous la houlette de nos frères sénégalais pour résoudre la crise politique. Les élections présidentielles, qui sont désormais unanimement acceptée comme un volet de la solution, ne seront viables qui si elles seront inscrites dans une logique de consensus national, issue d’un débat serin et constructif, auquel participeront tous les protagonistes de la crise. Elles ne sauraient exclure les pays frères et amis qui seront soit les bailleurs, soit les observateurs de ce scrutin qui se décide dans un contexte national prenant des dimensions incontestablement internationales.
Pour que les négociations en cours répondent donc aux attentes et qu’elles ne fassent pas objet de contestations futures, il faudrait :

-Garantir une atmosphère de négociation sereine dont le gage est la disposition et la bonne volonté de toutes les parties ;

-Exiger du facilitateur de faire preuve de neutralité et imposer l’exécution des préalables ;

-Respecter à la lettre l’esprit de la constitution nationale, seule référence acceptable pour tous ;

-Se conformer au dernier communiqué du groupe de contact qui requiert l’implication obligatoire du Président de la République élu démocratiquement et exige également que les négociations aient lieu sous la houlette de l’Union Africaine.

Les conditions d’une élection présidentielle crédible

Les élections ne sont pas qu’une question de date comme tente de le faire croire le général limogé et d’aucuns de ses soutiens qui prennent ombrage des exigences anti-putschistes réclamant un débat constructif et inclusif sur toutes les questions en amont et en aval des échéances présidentielles.
Par ailleurs, personne ne peut au préalable circonscrire des négociations de fond entre des protagonistes aussi divergents voire conflictuels que les putschistes et le FNDD-RFD dans un délai défini. Ceci est d’autant plus vrai que ce sont les négociations, leur rythme et leur enjeu qui imposeront leur propre timing.
Toutefois, et vu la complexité de la crise politique nationale du fait de son internationalisation grave pour le pays tout entier, pour toute négociation amorcée – qui ne devra pas s’éterniser, bien entendu – il faudra :

-Donner aux bailleurs de fonds, notamment, l’Union Européenne - qui compte participer en cas de règlement consensuel de la crise, participer au financement des élections à la hauteur de 10 millions d’euros – l’occasion nécessaire de se préparer pour honorer leurs engagements;

-Accorder aux organisations sous-régionales, régionales et internationales le temps suffisant pour leur permettre de se préparer en vue d’accompagner les élections;

-Rouvrir, pour un délai suffisant, la révision exhaustive des listes électorales et l’inscription des citoyens ;

-Rouvrir les candidatures à tous les mauritaniens qui désirent postuler au poste de Président de la République ;

-Se conformer à la période prévue par la Constitution en vue de statuer sur les dossiers de tous les candidats ;

-Désigner une nouvelle Commission Electorale Nationale Indépendante impartiale et qui souscrit à tous les critères de neutralité ;

-Dissoudre le Haut Conseil d’Etat qui est une structure qui permet à la junte de contrôler l’Etat ;

-Annuler toutes les décisions de nominations aux hautes postes de responsabilités (les walis, les hakems, les directeurs des organes de presse publique, la HAPA, etc.) qui ne garantissent pas la neutralité ;

-Nommer un gouvernement d’Union Nationale dont la désignation doit souscrire aux critères arrêtés ;

-Signer, sous la coupole de l’Union Africaine, d’un protocole d’accord qui reprend les différents points faisant l’objet de consensus.

Compte tenu de ces impératifs, il est clair que le temps optimal pour l’organisation des élections crédibles ne peut être en deçà de 8 mois au cours desquels, il sera donné à tous les acteurs politiques, mais encore aux observateurs, superviseurs et les contrôleurs le temps nécessaire de s’acquitter en toute honnêteté de leurs devoirs.
Cependant on ne saurait oublier qu’il y a des problèmes antérieurs au coup d’Etat suscité par des officiers qui ont failli à leurs missions originelles (défense de l’intégrité territoriale et la sécurité) pour immiscer dans les affaires politiques de la Nation qui ressortent des compétences des politiques. Ce sujet ne saurait être évacué qu’à travers un débat. Et il constitue un volet non négligeable de la crise. Combien de temps cela prendra-t-il ? L’avenir des putschistes ? Le crime de haute trahison ? La responsabilité de l’embargo et la banqueroute qui frappe l’économie du fait de plusieurs mois de mauvaise gestion ? Que de sujets à débattre. Pas forcément pour désigner des coupables et prononcer des sanctions, mais pour situer les responsabilités et clarifier les rôles à l’avenir. Sans quoi, la Mauritanie restera exposée à tous les risques et son avenir ouvert sur toutes les incertitudes.
C’est pourquoi il est impératif que ceux qui s’évertuent à occulter la réalité et réclament des élections à l’emporte-pièce, abstraction faite de tout consensus, cessent de s’entêter et d’exposer la stabilité et la sécurité du pays fragilisé par plus de neuf mois de schisme politique à davantage de secousses.
L’exécution de l’agenda unilatéral conçu par une junte en mal de pouvoir est une méprise et une insulte pour la volonté de la majorité du peuple mauritanien dont l’attachement à la légalité constitutionnelle est irréversible. Seule une sortie de crise salutaire et acceptable par l’opinion nationale et internationale sauvera le pays. Ce n’est, d’ailleurs, qu’à ce prix que la Mauritanie recouvrira la place qui lui sied dans le concert des nations et cessera d’être perçue comme un pays pestiféré. Mais voudrait-on vraiment mettre fin à plus de neuf mois de quarantaine ? Nous le souhaitons tous et, disons la vérité, le FNDD et le RFD ont fait toutes les concessions pour ce faire.

Ethmane Ould Bidiel





Source: Tahalil


Mercredi 20 Mai 2009
Boolumbal Boolumbal
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