Remise du Prix des Droits de l’Homme de la République Française 2010.
Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Nous venons d’un pays qui vient de fêter le cinquantenaire de son indépendance. C’est la République Islamique de Mauritanie où domine encore et depuis des siècles, l’esclavage par ascendance. La pratique relève d’une survivance de codes de préséance enracinés dans la mémoire dont s’imprègne la relation entre les hommes dans la société mauritanienne ; pour sa justification, elle se réfère à une interprétation détournée de la religion, ici l’islam ; dans cette représentation inégalitaire du monde, le Paradis pour l'esclave se trouve sous pieds de son propriétaire.
Malgré les obstacles sociaux et religieux une prise conscience s’est opérée à partir des années, 70 grâce à l’implication de l’élite alphabétisée parmi les H’ratins, c'est-à-dire les descendants d’esclaves affranchis, au sein d’un mouvement dénommé El Hor, crée clandestinement le 5 mars 1978.
L’action des fondateurs de ce mouvement d’avant -garde a abouti à la reconnaissance officielle de l’esclavage en Mauritanie, par la loi d’abolition 81-234 du 9 novembre 1981. C’est dans la continuité du combat qu’est née SOS Esclaves Mauritanie en février 1995.
L’association, plusieurs fois interdite et ses dirigeants réprimés, s’est donné, pour objectifs de souligner et faire connaître les situations d’esclavage, afin de lutter contre leur survivance et contribuer, ainsi, à casser le carcan de la domination.
L’avènement d’une société moderne, apte à dépasser toutes les pratiques de discrimination, par la collecte et la publication d’informations objectives et précises sur toutes les violations des droits élémentaires, a été l’horizon de notre organisation. Les manifestations pacifiques et les recours en justice, quoique sans effet sur les auteurs, en ont été les principaux ressorts. Hélas, comme le démontre la répression, ce lundi 13 décembre, d’un groupe de militants abolitionnistes sous la conduite de Birame Ould Abeid, la dénonciation d’un cas d’esclavage ébranle les fondements même de l’Etat, en ce sens qu’elle l’oblige à user de la force disproportionnée pour empêcher la publication de la vérité.
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs, Chers amis
Nous en sommes encore à ce stade de notre lutte où nous devons empêcher, avec des moyens dérisoires, dans l’adversité totale et sans le secours d’un droit pourtant explicite, que des êtres humains soient contraints, par la violence physique ou morale, à renoncer à toute dignité afin de survivre sous l’autorité de leurs semblables. Qu’il nous soit permis, ici de saluer le soutien et l’assistance d’Anti-Slavery International, d’Amnesty international, de la FIDH, de la CIMADE et le CCEM, d’Agir Ensemble, durant les moments d’épreuve, lorsque nous étions l’objet d’invectives et de délation de la part de nos concitoyens.
Le combat de SOS-Esclaves s’est concrétisé par la promulgation, enfin, d’une loi criminalisant l’esclavage en 2007, presque cinquante années après l’indépendance de la Mauritanie, alors que les textes de norme, interdisaient, théoriquement, un tel crime, sans pour autant l’expliciter, le nommer, avec la volonté politique de l’éradiquer.
Certes l’adoption de la Loi 2007-048 est une reconnaissance tacite de la réalité, par le sommet de l’Etat. Cependant, l’aveu, certes éloquent en comparaison antérieure par le silence, reproduit, une hypocrisie institutionnelle, un effet de miroir à l’intention des partenaires extérieurs. Les autorités devant incarner le droit rechignent à l’appliquer, au prétexte, inavouable, d’une solidarité de corps entre descendants de maîtres, ligués, en ultime ressort, par l’esprit d’une résistance commune à l’insoutenable menace de l’égalité.
C’est ainsi que dans les zones reculées, les commissariats ou postes de gendarmerie, auprès des autorités religieuses ou administratives, l’esclave en fuite ou plaignant ne trouve pas de refuge mais, plutôt, le regard de la suspicion, facteur d’une caution à la parole des maîtres. Il est regrettable que certaines autorités administratives et judiciaires cherchent sinon à blanchir les auteurs, du moins les couvrir du bouclier de l’impunité dont le scepticisme, la complaisance et parfois la fraude et le faux témoignage renforcent l’armure.
A cause de l’intimidation des victimes par les représentants de l’autorité légitime, l’esclave, finalement, renonce, recule, se dédit et reprend sa place dans l’ordre traditionnel de la vie ; par peur d’un retour de bâton, il déserte l’antichambre du juge, de crainte de se faire accuser de vol ou de diffamation.
Par ailleurs, devant la corruption qui alimente le manque de volonté de la part des autorités administratives et judiciaires, le texte de 2007 ne prévoit pas de mesure d’accompagnement pour mettre fin à la dépendance économique de l’esclave au maître.
Face à ces limites, SOS - Esclaves tente de porter assistance aux victimes, par la création de projet d’insertion et d’activités génératrices de revenus.
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs, Chers amis
Aujourd’hui, la France, berceau des Droits de l’Homme, nous honore par une distinction. Le symbole intervient comme une reconnaissance du combat de SOS Esclaves Mauritanie dont l’action incarne une représentation universaliste, laïque et tolérante de la vie, exactement sur la voie de la tradition humaniste qui féconde votre pays, pour l’accomplissement de la liberté dans le monde.
Nous vous remercions de votre précieuse solidarité ; le combat se poursuit
source:Bâ raki via:cridem.org
Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Nous venons d’un pays qui vient de fêter le cinquantenaire de son indépendance. C’est la République Islamique de Mauritanie où domine encore et depuis des siècles, l’esclavage par ascendance. La pratique relève d’une survivance de codes de préséance enracinés dans la mémoire dont s’imprègne la relation entre les hommes dans la société mauritanienne ; pour sa justification, elle se réfère à une interprétation détournée de la religion, ici l’islam ; dans cette représentation inégalitaire du monde, le Paradis pour l'esclave se trouve sous pieds de son propriétaire.
Malgré les obstacles sociaux et religieux une prise conscience s’est opérée à partir des années, 70 grâce à l’implication de l’élite alphabétisée parmi les H’ratins, c'est-à-dire les descendants d’esclaves affranchis, au sein d’un mouvement dénommé El Hor, crée clandestinement le 5 mars 1978.
L’action des fondateurs de ce mouvement d’avant -garde a abouti à la reconnaissance officielle de l’esclavage en Mauritanie, par la loi d’abolition 81-234 du 9 novembre 1981. C’est dans la continuité du combat qu’est née SOS Esclaves Mauritanie en février 1995.
L’association, plusieurs fois interdite et ses dirigeants réprimés, s’est donné, pour objectifs de souligner et faire connaître les situations d’esclavage, afin de lutter contre leur survivance et contribuer, ainsi, à casser le carcan de la domination.
L’avènement d’une société moderne, apte à dépasser toutes les pratiques de discrimination, par la collecte et la publication d’informations objectives et précises sur toutes les violations des droits élémentaires, a été l’horizon de notre organisation. Les manifestations pacifiques et les recours en justice, quoique sans effet sur les auteurs, en ont été les principaux ressorts. Hélas, comme le démontre la répression, ce lundi 13 décembre, d’un groupe de militants abolitionnistes sous la conduite de Birame Ould Abeid, la dénonciation d’un cas d’esclavage ébranle les fondements même de l’Etat, en ce sens qu’elle l’oblige à user de la force disproportionnée pour empêcher la publication de la vérité.
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs, Chers amis
Nous en sommes encore à ce stade de notre lutte où nous devons empêcher, avec des moyens dérisoires, dans l’adversité totale et sans le secours d’un droit pourtant explicite, que des êtres humains soient contraints, par la violence physique ou morale, à renoncer à toute dignité afin de survivre sous l’autorité de leurs semblables. Qu’il nous soit permis, ici de saluer le soutien et l’assistance d’Anti-Slavery International, d’Amnesty international, de la FIDH, de la CIMADE et le CCEM, d’Agir Ensemble, durant les moments d’épreuve, lorsque nous étions l’objet d’invectives et de délation de la part de nos concitoyens.
Le combat de SOS-Esclaves s’est concrétisé par la promulgation, enfin, d’une loi criminalisant l’esclavage en 2007, presque cinquante années après l’indépendance de la Mauritanie, alors que les textes de norme, interdisaient, théoriquement, un tel crime, sans pour autant l’expliciter, le nommer, avec la volonté politique de l’éradiquer.
Certes l’adoption de la Loi 2007-048 est une reconnaissance tacite de la réalité, par le sommet de l’Etat. Cependant, l’aveu, certes éloquent en comparaison antérieure par le silence, reproduit, une hypocrisie institutionnelle, un effet de miroir à l’intention des partenaires extérieurs. Les autorités devant incarner le droit rechignent à l’appliquer, au prétexte, inavouable, d’une solidarité de corps entre descendants de maîtres, ligués, en ultime ressort, par l’esprit d’une résistance commune à l’insoutenable menace de l’égalité.
C’est ainsi que dans les zones reculées, les commissariats ou postes de gendarmerie, auprès des autorités religieuses ou administratives, l’esclave en fuite ou plaignant ne trouve pas de refuge mais, plutôt, le regard de la suspicion, facteur d’une caution à la parole des maîtres. Il est regrettable que certaines autorités administratives et judiciaires cherchent sinon à blanchir les auteurs, du moins les couvrir du bouclier de l’impunité dont le scepticisme, la complaisance et parfois la fraude et le faux témoignage renforcent l’armure.
A cause de l’intimidation des victimes par les représentants de l’autorité légitime, l’esclave, finalement, renonce, recule, se dédit et reprend sa place dans l’ordre traditionnel de la vie ; par peur d’un retour de bâton, il déserte l’antichambre du juge, de crainte de se faire accuser de vol ou de diffamation.
Par ailleurs, devant la corruption qui alimente le manque de volonté de la part des autorités administratives et judiciaires, le texte de 2007 ne prévoit pas de mesure d’accompagnement pour mettre fin à la dépendance économique de l’esclave au maître.
Face à ces limites, SOS - Esclaves tente de porter assistance aux victimes, par la création de projet d’insertion et d’activités génératrices de revenus.
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs, Chers amis
Aujourd’hui, la France, berceau des Droits de l’Homme, nous honore par une distinction. Le symbole intervient comme une reconnaissance du combat de SOS Esclaves Mauritanie dont l’action incarne une représentation universaliste, laïque et tolérante de la vie, exactement sur la voie de la tradition humaniste qui féconde votre pays, pour l’accomplissement de la liberté dans le monde.
Nous vous remercions de votre précieuse solidarité ; le combat se poursuit
source:Bâ raki via:cridem.org
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