Le Capitaine Dadis est-il sur les traces du Général Aziz ? (+VIDEO



Amorcé au lendemain du décès du général Lansana Conté ayant dirigé la Guinée pendant vingt quatre ans, le processus de transition enclenché par un groupe de jeunes officiers qui avait pris le pouvoir autour du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), avec à sa tête le capitaine Moussa Dadis Camara, avait suscité beaucoup d’optimisme chez les Guinéens de l’intérieur et de l’extérieur, grâce aux engagements rarissimes qu’avait pris le chef de la junte.

Moraliser les ressources de l’État et assurer une transition apaisée devant aboutir à l’organisation d’élections libres et transparentes où le président du CNDD, ni un membre du gouvernement ni celui du CNDD, ne fera acte de candidature, faisaient partie des objectifs de la junte.

Mais, après huit mois de pouvoir, l’opinion nationale et internationale, assiste à une véritable volte-face du président du CNDD, qui a d’abord publié un communiqué qui remet en cause ses engagements, en soutenant que tout membre du gouvernement, du CNDD peut se présenter candidat à la prochaine présidentielle, avant d’affirmer au cours d’une conférence de presse que s'il souhaitait se présenter, ’’personne ne pourrait l’en empêcher’’.

Auparavant, bien avant ces déclarations, l’ambassade des États-Unis à Conakry, dans un communiqué officiel, a fustigé les nouvelles autorités pour le report des élections à janvier 2010.

En réponse à ce communiqué, un communiqué attribué au bureau de la communication du ministère des Affaires Étrangères, a aussi vivement répliqué à cette déclaration des États-Unis qu’il considère comme « une immixtion dans les affaires intérieures d’une nation souveraine ».

Dans cette guerre de communiqués, la France a aussi appelé le capitaine Dadis Camara à respecter sa promesse de ne pas être candidat à la présidentielle, qui doit se tenir en Guinée en janvier prochain.

« Dadis Camara s'est engagé à plusieurs reprises à ce que, ni les membres de la junte, ni le Premier ministre ne se présentent aux élections. Nous réitérons notre souhait que ces engagements soient respectés, afin que ces scrutins puissent se déroulent en toute équité », a rappelé le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Eric Chevallier.

« La tenue d'élections libres et transparentes en Guinée en 2009, constitue pour la France, comme pour ses partenaires de la communauté internationale, une priorité », a-t-il souligné.
Malgré toutes les menaces et les pressions de la communauté internationale, le capitaine Dadis et ses compagnons d’armes, continuent d’assurer dans les différents meetings organisés à Conakry et à l’intérieur du pays, qu’il pourrait être candidat si le peuple le décide.

La mobilisation de quelques femmes derrière le président du CNDD, lors de la célébration de la fête du 27 août en est une parfaite illustration. Car, dans une salle archicomble du Palais du Peuple, les femmes ont demandé au capitaine Dadis et aux membres du CNDD de « prolonger la durée de la transition », afin disent-elles, de pouvoir « achever les immenses chantiers engagés ».

Cette volte-face du capitaine fait directement penser à l’actuel président mauritanien, le général Mohamed Ould Abdel Aziz qui est venu au pouvoir le 6 août 2008 à la faveur d’un coup d’État qui a renversé Sidi Ould Cheick Abdelahi, le premier président démocratiquement élu de la Mauritanie. Après le coup d’État, à l’image du CNDD, le Général Abdel Aziz avait aussi mis place le Haut conseil d’État (HCE) pour assurer la transition démocratique en Mauritanie.

Selon plusieurs sources, le général Abdel Aziz, âgé de 53 ans, militaire de formation et de carrière, a joué de nombreux rôles sous l'ombre de nombreux chefs d'État mauritaniens jusqu’au coup d’État du 6 août 2008.

Malgré les menaces et les sanctions de la communauté internationale avec la mise en place du Groupe international de contact sur la Mauritanie (GIC-Mauritanie), le général Abdel Aziz va prendre goût au pouvoir avec l’intention de se présenter candidat aux prochaines présidentielles.

Dans cette optique, sa cible préférée pendant cette campagne sera le bas peuple pour engranger les voix des plus démunis lesquels forment la majorité de l'électorat.

Pour conquérir le pouvoir, Abdel Aziz, l’ancien commandant du Bataillon de la sécurité présidentielle (Basep), prend une série de mesures visant à l'amélioration de leurs conditions de vie, notamment la baisse des prix des produits de première nécessité, lancement de travaux d'électrification et de raccordement aux réseaux de distribution d'eau potable.

Pour se distinguer de son prédécesseur (Ould Cheick Abdalahi), discret et peu porté sur les bains de foule, le général Aziz joue de sa proximité avec le peuple. Il fait organiser des meetings de soutien en sa faveur quand ceux de ses détracteurs sont interdits, se rend en personne dans les quartiers populaires, visite les maisons, parle avec les habitants et s'indigne que « près d'un demi-siècle après l'indépendance, les doléances soient encore l'eau, l'électricité, la santé et l'enseignement ». On reprochait à Sidi sa lenteur, Aziz, lui agit vite. En novembre 2008, lors d'une visite à l'hôpital de Nouakchott, il promet l'achat d'un scanner, faisant fi de la remarque d'un collaborateur lui expliquant la nécessité d'une étude de faisabilité. Selon plusieurs sources à l’image du capitaine Dadis, l'homme consulte rarement son entourage.

En somme, les qualités du sixième président militaire en Mauritanie, résidaient surtout dans son pragmatisme et dans sa proximité avec le bas peuple qu’il a réussi à faire adhérer à sa cause.

Contrairement au capitaine Dadis Camara, au lendemain de son coup d’État, le général Abdel Aziz, moustache épaisse et regard sévère, a été très prudent dans ses différentes déclarations, en évitant de s’engager à tenir des promesses qui pourraient le compromettre devant son peuple et la communauté internationale.
Grâce à ses tournées dans les quartiers populaires et ses décisions de faire baisser les prix, le général Aziz est devenu, pour les plus pauvres, le « Hugo Chávez de la Mauritanie », se rendant ainsi crédible aux yeux des mauritaniens qui l’ont élu au mois de juillet dernier, président de la République avec 52,58 pour cent des voix.

Quant au capitaine Moussa Dadis Camara, qui souhaiterait se présenter à la prochaine présidentielle, il est aujourd’hui victime de ses multiples et nombreux engagements qu’il a pris devant le peuple de Guinée et la communauté internationale.

Car, dès la prise du pouvoir le 23 décembre 2008, le capitaine a déclaré haut et fort qu’il a pris le pouvoir avec ses compagnons d’armes, pour éviter que le pays sombre dans une guerre civile. Il renchérira qu’ils vont organiser dans un bref délai des élections libres et transparentes, pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel. « Je ne suis pas un assoiffé du pouvoir », aimait-il dire. Ainsi, il promettra qu’à commencer par lui, aucun membre du CNDD et du gouvernement, ne se présentera comme candidat à ces élections auxquelles la communauté internationale accordait beaucoup de crédit.

Plus loin, le président du CNDD s’est mis à prendre des décisions impopulaires par l’humiliation des anciens cadres et de simples citoyens, la démolition des maisons de pauvres citoyens (Sonfonia, marché de Bellevue, Cité Sans-fil…) ayant été construits sur des domaines dits de l’État. C’est pourquoi, lors d’une rencontre au palais du peuple, il avait répété qu’il n’était pas un assoiffé du pouvoir. « Je ne suis pas un assoiffé du pouvoir. Si je voulais m’éterniser au pouvoir, je n’aurais jamais pris de décisions impopulaires », soutenait-il.

En dépit de tous ces engagements qu’il a volontairement pris, le peuple de Guinée et la communauté internationale, assistent à une volte-face du capitaine Dadis qui menace de se présenter à la prochaine présidentielle. « Si je souhaite me présenter, qui va m’en empêcher ? », menace-t-il.

Oubliant ainsi que dans toutes les rencontres, il scandait haut et fort qu’il n’a pas l’intention de se présenter aux élections présidentielles.

Certes, cette volte-face de l’homme du 23 décembre 2008 est différemment interprétée à Conakry et en province. Selon un proche du CNDD, « le président ne voulait pas se présenter candidat à l’élection présidentielle. Mais, avec la conversion en politiciens de nombreux anciens ministres qui ont pillé l’économie de notre pays et qui veulent être candidat pour diriger le pays qu’ils ont pillé, les membres du CNDD ont décidé que le capitaine Dadis se maintienne au pouvoir, pour éviter que le pouvoir ne retombe dans les mains de ces vieux dinosaures ».

« Les militaires ont pris goût au pouvoir grâce à l’argent qu’ils dépensent comme ils veulent. C’est pourquoi, ils ne veulent pas laisser le pouvoir aux civils pour un retour à l’ordre constitutionnel. Je soutenais ces militaires. Mais, c’est leur manque de compétence et le non respect de leurs engagements qui fait que je ne les soutiens plus », avoue un banquier requérant l’anonymat.

La seule différence entre le capitaine Moussa Dadis Camara et le général Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie est que celui-ci n’avait jamais pris d’engagements pouvant compromettre son éventuelle candidature à la présidentielle. Il avait ensuite réussi à baisser le prix des denrées de première nécessité, suivi de l’amélioration des conditions de vie de ses compatriotes, surtout les plus démunis ; contrairement au capitaine Dadis qui peine à voir le bout du tunnel dans une atmosphère où sa côte de popularité a du mal à se rehausser.

Au regard de tout ce qui précède, le capitaine Moussa Dadis Camara, président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), est-il sur les traces du général Mohamed Ould Abdel Aziz, président du Haut conseil d’État (HCE) qui a dirigé la transition politique jusqu’à son élection à la présidence de la Mauritanie qui a connu cinq présidents militaires ?

L’ouverture des travaux de la sixième session du Groupe international de contact sur la Guinée (GIC-G) va-t-il l’obliger à renoncer à son éventuelle candidature à la présidentielle du 31 janvier 2010 ?

Attendons de voir.

Vendredi 4 Septembre 2009
Boolumbal Boolumbal
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