La légitime inquiétude des négro-africains.



La légitime inquiétude des négro-africains.
Dès le début de cette affaire, lorsque le projet de lois sur l’enrôlement des populations (initiative en soi tout fait à louable) est arrivé à l’Assemblée Nationale, plusieurs députés ce sont élevés pour dénoncer les aspects discriminatoires que ce projet recèle:Jemil Manssour, Kardiata Malik Diallo, Khassem Ould Bellal , mais aussi des intellectuels, la presse indépendante et les partis politiques ont également alerté et dénoncé son caractère dangereux, mais rien y fait, comme tout pouvoir autocratique, toute voix discordante ou contraire celle du Prince est dangereuse…

et nulle et non avenue et ne mérite qu’étouffement. En réalité, cet enrôlement n’est pas discriminatoire seulement qu’à l’égard des négro-africains, il est tout aussi discriminatoire vis-à-vis de certaines tribus du Nord et du Sud et de beaucoup d’autres mauritaniens qui n’ont jamais été recensés ou qui ne peuvent pas se déplacer pour venir jusqu’aux centres d’enrôlement parce que souvent très éloignés de leurs lieux de résidence, ou pour des raisons de santé, d’âge ou pour des raisons de moyens ou bien encore qui ne savent pas ou ne voient pas son intérêt.

C’est quand même très grave et irresponsable qu’un gouvernement entreprenne une telle entreprise d’intérêt capital pour le pays et engage des sommes aussi faramineuses (12 milliards d’ouguiya) sans tenir compte de la situation socioculturelle du pays, par ignorance et par mépris pour la population.

Pourquoi les négro-africains se sentent-ils les plus visés ou les plus menacés par cet enrôlement ?

Rappelons qu’en 89-91 cette communauté avait été victime de façon massive de déportements, d’assassinats par les autorités de leur propre pays sous prétexte, entre autre, qu’elle est étrangère. Aujourd’hui encore le gouvernement, dans le cadre de son plan d’enrôlement est entrain d’exclure une partie importante de ces mêmes populations par des questionnements humiliants, par des obstacles de toutes sortes : problèmes orthographes sur les noms, problèmes de dates ou oubli sur l’un des documents d’un détail (masculin ou féminin), alors que toutes ces erreurs sont de la responsabilité totale et exclusive de l’administration en lambeau aujourd’hui encore plus que jamais. Il faut ajouter à tout cela d’autres contraintes: actes décès des parents, l’exigence de la présence physique des parents même il faut les transporter sur une civière, et la liste n’est pas exhaustive.

Lorsqu’on a vécu le calvaire de la déportation dans sa chaire, lorsqu’on a vécu l’assassinat d’un fils, d’un frère ou d’un parent, lorsqu’on a été dépouillé de ses biens, perdu son emploi par son propre gouvernement dans son propre pays sans aucune autre forme de procès, l’inquiétude est légitime lorsqu’on voit apparaitre à nouveau à horizon une nouvelle machine d’exclusion peut être moins brutale que la présente mais tout aussi violente et pernicieuse.

Pour les négro-africains, rien n’a été fait pour rassurer dans cette entreprise d’enrôlement. Il s’aperçoivent de leur quasi-absence aussi bien dans la composition de la commission nationale que dans les commissions régionales ou départementales, et même dans les régions où ils sont majoritaires ils n’assurent aucune responsabilité au sein de ces commissions, pour la simple raison en général dans ces régions pas plus les autres d’ailleurs ils n’assure ni les fonctions de gouverneur, ni de préfet, ni de commissaire ni de directeur de sureté. Et sur les lieux d’enrôlement, ils sont confrontés aux rejets quotidiens répétitifs de leurs dossiers avec à chaque fois de nouvelles exigences. Il est donc tout à fait normal et compréhensible et à juste titre, que la plus part des négro-africains se sentent les premiers visés voire les seuls par les aspects discriminatoires de cet enrôlement. Il est ridicule, peu respectueux et même insultant de considérer que les compétences sont l’apanage d’une seule communauté pour justifier le caractère inique de la composition de ces commissions d’enrôlement.

Au-delà de ce problème d’enrôlement qui est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, les populations négro-africaines et plus particulièrement la jeunesse accumulent de multiples frustrations dans leur propre pays. Cette jeunesse en plus du chômage qu’elle partage avec toute la jeunesse mauritanienne (les études sans issues), elle voit ses langues exclues de l’enseignement malgré la preuve de leur efficacité ou leur performance faite à travers l’Institut des langues nationales dans un passé encore pas lointain. De plus elle subit comme le reste des populations négro-africaines des tracasseries quotidiennes de l’administration à travers tout le pays. L’exemple qui illustre le mieux ces tracasseries et tous les témoignages concordent sur ce point c’est lorsqu’on prend le chemin de retour de Nouakchott vers sa localité, ou du départ de sa localité vers Nouakchott sur cette fameuse route dite route de l’espoir.

Notons cependant, selon beaucoup de témoignages, il y a eu une amélioration sur l’axe Nouakchott et Aleg ( avec la présence de la gendarmerie), mais à partir d’Aleg, on rentre dans la zone de non droit -quelque soit le corps en présence-. Dans le meilleur des cas on ne demande que les cartes d’identités mais presque exclusivement qu’aux seuls négro-africains, dans le pire, la présentation de celle-ci ne sert à rien, on vous fait descendre pour vous soumettre à des fouilles dans tous les sens parfois vous êtes même retenu des heures durant pour des motifs souvent fallacieux.

Si ces tracasseries concernaient tous les passagers sans distinction on dira qu’on est en présence d’un Etat policier, mais lorsque ces tracasseries ne visent seulement qu’une communauté, alors elle prend un caractère discriminatoire voire raciste. A la décharge du pouvoir actuel tout cela ne date pas que d’aujourd’hui. Ces tracasseries ne sont pas liées à une situation particulière dans une période donnée, mais c’est depuis des années et des années. C’est donc l’accumulation de l’ensemble de ces frustrations qui durent depuis des décennies représentent une menace sérieuse pour l’existence même du pays si le pouvoir qui en est responsable n’y met pas fin.

Ceux qui menacent l’unité nationale ce ne sont pas les manifestations pacifiques, ni même les débordements qui peuvent en découler dans ce genre de circonstance. Le rôle justement des forces de l’ordre est de protéger les biens des paisibles citoyens non pas de semer le désordre et de matraquer sauvagement des manifestants pacifiques qui ne font que faire prévaloir leurs droits constitutionnels.

Dans un passé très ressent, il y a eu d’autres manifestations à travers le pays, à Nouakchott, à Nouadhibou, à Néma, à Fassala et d’autres encore où des boutiques des mairies , des commissariats, des édifices publics ont été saccagés, brûlés, mais personne, alors personne n’a parlé d’atteinte à l’unité nationale. Pourquoi cherche-t-on aujourd’hui à mettre le feu à l’huile en tentant de faire croire où d’insinuer aux arabes qu’il s’agit de vandalisme à caractère ethnique qui les visent en tant qu’arabes?

Le peuple mauritanien dans son ensemble aspire à la paix à la concorde nationale, il est victime de pouvoirs irresponsables successifs, qui loin de résoudre de multiples difficultés auxquelles il est confronté quotidiennement sème la zizanie entre les différentes composantes nationales pour ses desseins maléfiques.

Il est urgent que tous les patriotes, tous ceux qui aiment ce pays se retrouvent et disent non à tous ceux qui chercheraient à saper l’unité nationale et à imposer à notre pays leurs plans malfaisants.

Maréga Baba/ France

Lundi 10 Octobre 2011
Boolumbal Boolumbal
Lu 380 fois



Recherche


Inscription à la newsletter