La Mauritanie n’est pas un pays d’apartheid ... Bâ Amadou



Depuis quelques semaines, comme une symphonie de mauvais goût, certains Mauritaniens — de l’intérieur comme de la diaspora, et issus de toutes les communautés — s’évertuent à qualifier notre pays de pays d’apartheid.

Ce terme, bien que choquant, n’est pas nouveau : il fait partie du vocabulaire de quelques mouvements politiques depuis plusieurs années. Mais il faut avoir le courage et l’honnêteté de le dire : la Mauritanie n’est pas un pays d’apartheid.

Employer un tel qualificatif relève d’une profonde injustice et d’une malhonnêteté intellectuelle. Certes, notre pays n’est pas parfait. Il existe des inégalités, du favoritisme, des injustices administratives et sociales. Mais réduire ces réalités complexes à une logique raciale ou communautaire, c’est non seulement inexact, mais aussi dangereux. C’est verser de l’huile sur le feu au lieu de chercher à l’éteindre.

Je sais que certains me traiteront de tous les noms : nègre de service, vendu, complaisant, voire complexé. Pourtant, je parle avec le recul de celui qui a connu l’injustice.

Je suis le fils d’un gendarme qui a consacré toute sa vie au service de la Nation, commandant de brigade dans presque toutes les régions du pays. J’ai fait toutes mes études en Mauritanie, jusqu’à l’Université de Nouakchott. Je suis bilingue, je parle également anglais, et j’ai des amis dans toutes les sphères de la société.

J’ai soutenu, à un moment donné, le président Mohamed Ould Abdel Aziz, tout en demeurant sensible aux revendications légitimes de l’opposition. Pourtant, je n’ai jamais été nommé, sollicité ni même consulté. J’ai toujours cherché à servir mon pays à travers des organisations internationales, en promouvant la démocratie, les droits humains et la participation citoyenne.

J’ai participé à plusieurs concours nationaux pour intégrer la fonction publique, sans succès — parfois pour des raisons profondément injustes. En 2007, par exemple, après avoir réussi les épreuves écrites et orales du concours des conseillers des affaires étrangères, j’ai été recalé au dernier moment. La justification qu’on m’a donnée était presque ironique : « Il travaille déjà pour une ONG internationale, qu’il y fasse carrière… »

Dix ans plus tôt, en 1997, après avoir obtenu fièrement mon DEUG en sciences économiques, j’avais tenté le concours des officiers de la Gendarmerie nationale, alors exclusivement réservé aux fils de gendarmes. Mon père, lui-même officier, avait réussi à déposer mon dossier grâce à ses relations à l’état-major. Malgré cela, j’ai été écarté du concours sous prétexte qu’il avait été arrêté lors des vagues d’arrestations de 1990-1991.

J’ai grandi et évolué dans un environnement où les injustices, le clientélisme et le favoritisme sont monnaie courante. Mais jamais je n’ai accepté de confondre ces dérives humaines avec l’idée d’un système d’apartheid. Ce serait une insulte à la vérité, et surtout, un poison pour la cohésion nationale.

Oui, la Mauritanie doit se réformer. Oui, nous devons combattre les injustices et garantir l’égalité des chances. Mais nous ne devons pas instrumentaliser ces luttes pour opposer les communautés entre elles. Les Peuls, Wolofs, Soninkés et Arabes ont toujours partagé ce territoire, ses joies et ses peines, ses épreuves et ses espoirs.

Jouer aujourd’hui avec la corde ethnique, c’est jouer avec le feu. Dans le contexte instable que traverse notre région, cette irresponsabilité peut être fatale.

Plus que jamais, la Mauritanie a besoin de ce qui unit, pas de ce qui divise.

Elle a besoin d’une jeunesse lucide, d’intellectuels courageux, de leaders honnêtes et de citoyens responsables.

Nous devons cesser de nous tromper de combat et concentrer nos énergies sur la construction d’un État juste, équitable et solidaire.

La Mauritanie n’est pas un pays d’apartheid. Elle est un pays d’espérance, encore inachevé, mais debout. Et c’est à nous tous de la construire, ensemble.

Source: https://www.rimnow.net

Lundi 6 Octobre 2025
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