Prés de huit mois après l’élection présidentielle de juillet 2009, consacrant la victoire du président Mohamed Ould Abdel Aziz, la Mauritanie n’arrive toujours pas à sortir de la crise. Certes, l’équation constitutionnelle est résolue, avec l’élection, même contestée, de l’ancien putschiste, au suffrage universel. Mais la tourmente, qui plonge ses racines profondes dans le rejet, par l’essentiel de la classe politique, du coup de force ayant renversé le régime du président Sidi Mohamed Ould Abdallahi, le 6 août 2008, reste entière.
Sans perspective politique, vu l’absence de dialogue, moteur indispensable pour un hypothétique consensus sur les grands problèmes nationaux, les autres dimensions de la crise, économiques, sociales et sécuritaires – en dépit de l’éclaircie constituée par la première victoire de l’armée contre une colonne de narco-trafiquants, dans le grand Nord-Est – se maintiennent dans une tendance inquiétante. La patrie du million de poètes et des hommes bleus poursuit sa course vertigineuse et démente vers l’inconnu.
La persistance de la crise politique s’exprime, de manière éloquente, à la lecture des rapports, de plus en plus tendus, entre les acteurs classiques que sont l’opposition et le pouvoir (excusez pour l’inversion inhabituelle des concepts, due à la date de naissance des entités dont il va être, maintenant, question). Des acteurs politiques surtout issus du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), auxquels se sont joints quelques autres partis politiques, pour former un nouveau cadre organisationnel, la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). En face, la toute nouvelle Coalition de la Majorité Présidentielle (CMP) dont la locomotive, l’Union Pour la République (UPR), semble traîner, avec des querelles interminables de leadership, une sorte de tare rédhibitoire, esquissant un avenir en pointillé.
Entre les deux, une polémique toujours stérile, sans aucune perspective de dialogue fécond.
Pays bloqué
La mouvance majoritaire attend une reconnaissance formelle de la «régularité» de la victoire de juillet 2009. Un préalable que l’opposition considère comme «une manœuvre dilatoire» de la part d’un pouvoir dont le souci majeur n’est, en aucune manière, la solution des problèmes du pays. Pour celle-là, il ne s’agit que d’accaparement des prérogatives de la puissance publique pour récompenser la clientèle politique par une distribution, complaisante, des postes et autres prébendes. Illustration avec cette sortie du président de l’Union des Forces de Progrès, Mohamed Ould Maouloud, qui s’exprimait au cours d’un rassemblement populaire organisé le week-end dernier: «les politiques du gouvernement fragilisent les populations.» Résultat: «le pays traverse une période périlleuse du fait des tâtonnements et de l’improvisation qui caractérise les politiques et pratiques du pouvoir actuel.»
Celui-ci est, très concrètement, accusé de «vider l’administration de ses cadres compétents et expérimentés, systématiquement remplacés par des néophytes» et de promouvoir «l’assujettissement, devenu un instrument» de l’exécutif. En somme, cet opposant historique reproche, au régime issu de l’élection présidentielle du 18 juillet 2009, une promotion, à grande échelle, de la médiocrité, avec, pour résultat, un service public en passe de devenir un véritable repaire d’ignorants et autre entrepôt de tonneaux vides, placés, ici et là, pour leur seule capacité de résonance et grâce à des appuis.
Il faut ajouter, à cette donne politique bloquée, une morosité économique et sociale persistante: montée vertigineuse des prix des denrées de base, préavis de grève générale pour les 15, 16 et 17 mars, déposé par les principales centrales du pays, retour poussif des bailleurs de fonds (avec une table ronde prévue, à Bruxelles, pour fin mai, mais dont les résultats dépendront de la signature, préalable, d’un programme avec le FMI, cette institution exigeant la réactualisation du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté).
A ce fond politique, économique et social difficile, vient se greffer une donnée sécuritaire délétère, illustrée par les activités terroristes de la nébuleuse Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI).
Parmi les dégâts collatéraux de cette agitation terroriste, la récente brouille diplomatique avec le Mali et les difficultés de positionnement entre les deux puissants voisins que sont l’Algérie et le Maroc, qui se disputent le leadership sous-régional, depuis une cinquantaine d’années. Mais aussi la détermination, presque unilatérale, de 35 points de passage pour accéder à notre territoire national, alors qu’une concertation, avec nos voisins, aurait donné, très certainement, beaucoup plus d’efficacité à l’action sécuritaire. Est-ce pour «corriger» une telle « anomalie » que le ministre sénégalais des forces armées, Abdoulaye Baldé, était à Nouakchott la semaine dernière?
Aziz sur le terrain
Face à une situation aussi difficile et au feu croisé d’une opposition animée par la séduction de la critique «facile», le camp présidentiel tente de reprendre l’initiative. Mohamed Ould Abdel Aziz est ainsi «allé au charbon», en descendant sur le terrain, l’après-midi du samedi 13 mars. Occasion de renouer avec les bains de foule et de rappeler, aux Mauritaniens, que le candidat des pauvres reste le président des déshérités, en lançant les travaux de réhabilitation des quartiers précaires d’Arafat.
Le chef a rendu tous les «coups» assenés, par l’opposition, au cours des derniers mois. Dialogue inclusif, oui, martèle-t-il, mais avec seulement ceux qui reconnaissent, formellement, son triomphe de juillet 2009. Mohamed Ould Abdel Aziz en profite, également, pour donner un cours de sciences politiques, sur le rôle de l’opposition, avant de relever un «lien» entre ses adversaires et les pratiques de gabegie et de terrorisme. En fait, le ton de cette après-midi de rassemblement populaire avait été donné, la veille, par l’UPR, annonçant l’événement par un communiqué de presse, relevant, notamment, les réalisations «grandioses» du président Mohamed Ould Abdel Aziz au profit des populations et, surtout, en faveur des plus démunies d’entre elles.
Nous voici avec deux rhétoriques aux antipodes l’une de l’autre: Pendant que la majorité présente un Mohamed Abdel Aziz «bâtisseur», l’opposition, avec, notamment, Mohamed Ould Maouloud, président de l’UFP, attire l’attention sur certaines manifestations d’un «populisme dangereux» qui commence à saper les fondements de l’unité du pays, en instrumentalisant, par exemple, la langue arabe…
Amadou Seck
Source: Calame
Sans perspective politique, vu l’absence de dialogue, moteur indispensable pour un hypothétique consensus sur les grands problèmes nationaux, les autres dimensions de la crise, économiques, sociales et sécuritaires – en dépit de l’éclaircie constituée par la première victoire de l’armée contre une colonne de narco-trafiquants, dans le grand Nord-Est – se maintiennent dans une tendance inquiétante. La patrie du million de poètes et des hommes bleus poursuit sa course vertigineuse et démente vers l’inconnu.
La persistance de la crise politique s’exprime, de manière éloquente, à la lecture des rapports, de plus en plus tendus, entre les acteurs classiques que sont l’opposition et le pouvoir (excusez pour l’inversion inhabituelle des concepts, due à la date de naissance des entités dont il va être, maintenant, question). Des acteurs politiques surtout issus du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), auxquels se sont joints quelques autres partis politiques, pour former un nouveau cadre organisationnel, la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). En face, la toute nouvelle Coalition de la Majorité Présidentielle (CMP) dont la locomotive, l’Union Pour la République (UPR), semble traîner, avec des querelles interminables de leadership, une sorte de tare rédhibitoire, esquissant un avenir en pointillé.
Entre les deux, une polémique toujours stérile, sans aucune perspective de dialogue fécond.
Pays bloqué
La mouvance majoritaire attend une reconnaissance formelle de la «régularité» de la victoire de juillet 2009. Un préalable que l’opposition considère comme «une manœuvre dilatoire» de la part d’un pouvoir dont le souci majeur n’est, en aucune manière, la solution des problèmes du pays. Pour celle-là, il ne s’agit que d’accaparement des prérogatives de la puissance publique pour récompenser la clientèle politique par une distribution, complaisante, des postes et autres prébendes. Illustration avec cette sortie du président de l’Union des Forces de Progrès, Mohamed Ould Maouloud, qui s’exprimait au cours d’un rassemblement populaire organisé le week-end dernier: «les politiques du gouvernement fragilisent les populations.» Résultat: «le pays traverse une période périlleuse du fait des tâtonnements et de l’improvisation qui caractérise les politiques et pratiques du pouvoir actuel.»
Celui-ci est, très concrètement, accusé de «vider l’administration de ses cadres compétents et expérimentés, systématiquement remplacés par des néophytes» et de promouvoir «l’assujettissement, devenu un instrument» de l’exécutif. En somme, cet opposant historique reproche, au régime issu de l’élection présidentielle du 18 juillet 2009, une promotion, à grande échelle, de la médiocrité, avec, pour résultat, un service public en passe de devenir un véritable repaire d’ignorants et autre entrepôt de tonneaux vides, placés, ici et là, pour leur seule capacité de résonance et grâce à des appuis.
Il faut ajouter, à cette donne politique bloquée, une morosité économique et sociale persistante: montée vertigineuse des prix des denrées de base, préavis de grève générale pour les 15, 16 et 17 mars, déposé par les principales centrales du pays, retour poussif des bailleurs de fonds (avec une table ronde prévue, à Bruxelles, pour fin mai, mais dont les résultats dépendront de la signature, préalable, d’un programme avec le FMI, cette institution exigeant la réactualisation du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté).
A ce fond politique, économique et social difficile, vient se greffer une donnée sécuritaire délétère, illustrée par les activités terroristes de la nébuleuse Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI).
Parmi les dégâts collatéraux de cette agitation terroriste, la récente brouille diplomatique avec le Mali et les difficultés de positionnement entre les deux puissants voisins que sont l’Algérie et le Maroc, qui se disputent le leadership sous-régional, depuis une cinquantaine d’années. Mais aussi la détermination, presque unilatérale, de 35 points de passage pour accéder à notre territoire national, alors qu’une concertation, avec nos voisins, aurait donné, très certainement, beaucoup plus d’efficacité à l’action sécuritaire. Est-ce pour «corriger» une telle « anomalie » que le ministre sénégalais des forces armées, Abdoulaye Baldé, était à Nouakchott la semaine dernière?
Aziz sur le terrain
Face à une situation aussi difficile et au feu croisé d’une opposition animée par la séduction de la critique «facile», le camp présidentiel tente de reprendre l’initiative. Mohamed Ould Abdel Aziz est ainsi «allé au charbon», en descendant sur le terrain, l’après-midi du samedi 13 mars. Occasion de renouer avec les bains de foule et de rappeler, aux Mauritaniens, que le candidat des pauvres reste le président des déshérités, en lançant les travaux de réhabilitation des quartiers précaires d’Arafat.
Le chef a rendu tous les «coups» assenés, par l’opposition, au cours des derniers mois. Dialogue inclusif, oui, martèle-t-il, mais avec seulement ceux qui reconnaissent, formellement, son triomphe de juillet 2009. Mohamed Ould Abdel Aziz en profite, également, pour donner un cours de sciences politiques, sur le rôle de l’opposition, avant de relever un «lien» entre ses adversaires et les pratiques de gabegie et de terrorisme. En fait, le ton de cette après-midi de rassemblement populaire avait été donné, la veille, par l’UPR, annonçant l’événement par un communiqué de presse, relevant, notamment, les réalisations «grandioses» du président Mohamed Ould Abdel Aziz au profit des populations et, surtout, en faveur des plus démunies d’entre elles.
Nous voici avec deux rhétoriques aux antipodes l’une de l’autre: Pendant que la majorité présente un Mohamed Abdel Aziz «bâtisseur», l’opposition, avec, notamment, Mohamed Ould Maouloud, président de l’UFP, attire l’attention sur certaines manifestations d’un «populisme dangereux» qui commence à saper les fondements de l’unité du pays, en instrumentalisant, par exemple, la langue arabe…
Amadou Seck
Source: Calame
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