J'étais à Nouakchott



Si "J'étais à Oualata"est un récit macabre où le sort a associé le nom d'une prestigieuse cité médiévale malgré elle,aux tristement célèbres événements après la publication du manifeste du négro-mauritanien opprimé de 1986,"J'étais à Nouakchott"par contre se veut ni plus ni moins qu'un jeu de mots,cependant loin des contes des "milles et une nuit"mais qui relate sans concession un pan de vie d'une jeune bourgade à peine surgie des sables que ses propres habitants décident inconsciemment de l'enterrer.

Et pourtant Nouakchott n'est pas ce bagne balzacien à ciel ouvert "d'où il faut s'évader".Non, la vie des nouakchottois ne se déroule pas toujours "sous un ciel bas et lourd pesant comme un couvercle sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis"et qui nous rappelle inéluctablement le spleen envahissant du poète C. Baudelaire.

Cette contrée millionnaire justement en "poètes" aux cols bleus, est..disons-le.. très attachante,indispensable même à tout mauritanien et ce,pour plusieurs raisons dont la principale ne serait-ce que d'ordre administratif. Aussi, J'étais à Nouakchott" est loin de vouloir ressusciter,une fois n'est pas coutume, la tristement célèbre histoire de "J'étais à Oualata".

Cet article se veut plutôt un "miroir que l'on promène autour de la société " selon les termes du romancier Stendhal et qui voudrait peindre des sujets ataviques tels la nature des rapports conflictuels latents entre une catégorie de politiciens et les pouvoirs militaires successifs de la place, mieux,mettre en exergue pour enfin dénoncer la déliquescence sans fard de notre administration... civile cette fois, enfin de notre administration tout court. Nouakchott,l'une des plus jeunes capitales au monde, n'est-elle pas née d'une volonté politique en 1960?..

Alors faut-il parler de Nouakchott, ce salmigondis socio-politico-culturel où les islamo-terroristes, les baathistes et les nasséristes coincés entre les bulles,les tribalo-conservateurs soufflant sans doute leur dernier soupir, les flamo-autonomistes, les hartano-opportunistes, les "lumpen-progressistes" et j'en passe,attisent de leurs lugubres rampes épidermiques les feux des velléités colorielles et/ou catégorielles au vœu secret de voir la jeune cité brûler?

Qui revendique à ce point "l'âme ou la lyre du dictateur Néron" au point de vouloir "poétiser" sur Nouakchott en flammes? Non, notre capitale ne brûlera pas parce que la piteuse pythie n'aura pas craché la mantique que pour divertir un public naif et incrédule. Notre principale ville ne tombera pas et sera défendue par tous les patriotes comme Stalingrad, ville-martyr, au milieu des années"40".

Mais au-delà du concept eschatologique qui nous hante et qui,d'ailleurs nous transcende, Nouakchott pourrait disparaître d'un autre déluge plus malin cette fois en se consumant à petits feux devant nos yeux, impassibles.

En effet le manque de déontologie professionnelle voire de patriotisme de ses administrateurs, l'incivilité notoire de ses administrés constitueraient sans doute le début de la fin de notre histoire sans qu'il ait un seul coup de feu de tiré, un seul sicaire de brandi.

1/Une administration moribonde terreau de la misère et c'est la faute à Voltaire:

Qu'on se le dise sans restriction: les pouvoirs publics depuis 1960 ne sont pas les seuls responsables de l'indigence que connait notre administration. La responsabilité est partagée par la société civile, par tous les cadres de la république, les acteurs politiques exerçant une fonction quelconque au niveau de toutes les institutions étatiques.

C'est pourquoi vouloir porter un pays comme la Mauritanie au diapason des nations développées, avec une administration sclérosée, une corruption endémique, relèverait de l'exploit.

L'administration a pour but d'aider, d'orienter et de diriger. L'administration peut être centrale(ministres), déconcentrée (préfets, gouverneurs) ou locale décentralisée (maires,conseils généraux). Elle peut être également privée (comptables,juristes etc..), ou à but non lucratifs(partis politiques, syndicats,clubs sportifs etc..).

En Mauritanie, l'Etat d'essence jacobin donc calqué sur le modèle colonial français, lui-même bâti sur les ruines de la révolution de 1789, intervient dans toutes les sphères de l'administration publique ou privée.

Ce centralisme bureaucratique où ministres, conseillers,préfets,directeurs,secrétaires, comptables et plantons etc.. exercent leurs fonctions au gré de leur humeur sans le moindre souci pour leurs administrés, a atteint les lignes du tolérable.

Se procurer un quelconque document au niveau de n'importe quel service public ou... privé, relèverait du parcours d'un commando évoluant en territoire ennemi.

Et bien je demande à tous ceux qui auront à pénétrer dans un local public de se prémunir d'une patience soutenue et d'avoir surtout le groupe sanguin approprié!

Dans tous les ministères, toutes les directions et services publics ou privés en Mauritanie le scénario est identique: irresponsabilité, soustraction à ses obligations professionnelles, indélicatesse, népotisme, favoritisme en amont; absentéisme, corruption bicéphale, détournement de fonds en aval.

Une simple correspondance par voie hiérarchique, devant suivre le circuit normal et les délais impartis, ne pourrait jamais aboutir sans une intervention extérieure. Pourquoi? C'est qu'on a tendance à mettre toutes les insuffisances sur le dos de l'exécutif qui, parait-il "centralise tout"!

Soyons sérieux, un président de la république peut-il empêcher un ministre, un directeur, un chef de service de mettre de l'ordre dans son département, en veillant sur la ponctualité, l'assiduité au travail de ses subordonnés, l'exploitation et l'acheminement à temps du courrier du citoyen lambda?

Ce qui n'est pas le cas en correspondance militaire. Un soldat à Bir Moghrein verra sa demande exploitée, sans le "dessous de table" passant par toute la voie hiérarchique jusqu'au chef d'Etat-Major (par fax désormais) en moins de 48 heures!

Problème d'organisation ou de formation ou des deux? En Mauritanie,nous avons pris la fâcheuse habitude de ne revendiquer que des droits à l'Etat sans nous soucier de la compensation au retour qu'est le devoir.

A cause de nos .."fangeuses grandeurs et de nos sublimes ignominies" notre Etat risque de s'écrouler et nous aurons alors perdu cette vache laitière aux mamelles "intarissables" dont nous dépendons tant. Sans une administration performante,couplée de l'éradication totale de la corruption passive et active,les pouvoirs publics auront tout fait, la Mauritanie n'avancera pas d'un iota.

Le récent départ à la retraite d'une bonne partie des fonctionnaires de l'Etat viendra sans doute accentuer le malaise que vit l'administration. Il faut certes une relève, les anciens doivent céder la place aux jeunes "diplômés" plus " instruits" avec "bac plus cinq ou dix" (sic).

Disons-le sans ambages un "certifié" de l'école primaire des années "60" est beaucoup plus compétent qu'un "universitaire" aujourd'hui qui n'a pas fini de tricher depuis la maternelle jusqu'au poste de responsabilité obtenu également par indélicatesse.. Qu'ils sont nuls nos enfants, surtout nés" des années "90" et qui,un jour voudront bien prendre la relève,gérer le maigre héritage moral légué par leurs prédécesseurs.

Enfin il n'est pas éxagéré de dire que l'administration mauritanienne a atteint un point de non-retour, elle meurt, velle se meurt. Le diagnostic est connu, reste à injecter les sédatifs appropriés. Une lourde tâche pour les cinq années à venir.

2/ L'éternel litige entre civils et militaires

A suivre incha 'allah...

Ely Ould Krombelé

Source : http://www.cridem.org

Mercredi 15 Octobre 2014
Boolumbal Boolumbal
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