
"La crise du courant électrique à Nouakchott ne peut-être résolue avant quatre ans au moins, et sans d'importants financements " L'ancien Administrateur directeur général de la SNIM et ancien Directeur général de la Somelec, l'ingénieur principal Mohamed Saleck Ould Heyine a déclaré que l'Etat mauritanien a démissionné de ses responsabilités vis-à-vis de sa société d'électricité.
Il a affirmé que la crise actuelle que vit Nouakchott dans le domaine de l'énergie électrique était prévisible, car la Centrale principale d'Arafat qui alimente la capitale a déjà bouclé sa durée de vie sans que ses installations n'aient été renouvelées à temps opportun. Il a indiqué que le danger futur peut provenir, Qu'à Allah ne plaise, du côté de Manantali qui alimente également le pays en énergie électrique, étant bien entendu que la Mauritanie, à l'instar des autres pays qui partagent ce barrage hydroélectrique, croule sous le poids de ses dettes. Ces arriérés dus aux pays riverains peuvent affecter le fonctionnement de Manantali qui ne sera plus capable de leur offrir l'électricité par défaut de versements qui lui sont dus ainsi qu'à l'OMVS. Face à l'incapacité de couvrir ses charges, d'assurer la maintenance de son matériel et sa production électrique sans ressources financières subséquentes, MANANTALI ainsi que l'OMVS sont sérieusement menacées dans leur survie, selon Ould Heyine. Il a indiqué que l'énergie, aussi bien dans notre espace que dans le reste du monde, ne peut être cédée à titre gratuit. Dans un entretien exclusif avec le site "AMJAD ", Mohamed Saleck Ould Heyine a souligné que lorsqu'il a quitté la Somelec en 2008, les efforts pour la rénovation de la société et la maîtrise de la production électrique exigeaient déjà un apport d'environ 20 Milliards d'UM de la part de l'Etat. L'instabilité politique qu'a connu le pays aurait selon lui beaucoup contribué au blocage de toutes les activités. Aujourd'hui, dira-t-il, "la Somelec s'engouffre, s'engouffre, s'engouffre ", à cause des hommes politiques qui se sont succédés à la tête du pays et qui n'accordent aucune importance aux critères professionnelles ni aux normes, encore moins aux études de faisabilité ou d'évaluation ou encore aux avis des experts. Selon Ould Heyine, l'actuelle crise de l'électricité en Mauritanie est une énorme catastrophe aussi bien pour l'économie nationale, que pour le développement social d'une manière générale. Pourtant avec cela, dira-t-il en substance, un membre du gouvernement peut bien se planter demain devant les écrans de la télévision pour dire que nous vivons une véritable révolution économique, ce qui est impossible sans l'électricité et la maîtrise prévisionnelle de la production. Pour Ould Heyine, la crise actuelle de l'électricité à Nouakchott ne peut être résolue définitivement, sans démagogie, avant au moins quatre ans et beaucoup de financements de la part des partenaires internationaux. Entretien.
Question : la capitale Nouakchott vit depuis quelque temps une crise aigue sur le plan de l'alimentation en énergie électrique, ce qui a beaucoup affecté la vie des populations. Vous qui connaissez mieux la société d'électricité Somelec pour en avoir été le Directeur général, quelle est votre analyse de la situation ? Est-ce qu'une telle crise avec cette ampleur était prévisible ?
Réponse : cette crise est importante et elle était prévisible. Faisons d'abord le rapport entre l'offre et la demande dans le domaine de l'énergie électrique à Nouakchott. La demande, par rapport à la crise doit se situer entre 60 et 70 Mégawatts. On peut remarquer un accroissement considérable de la demande et pour votre information, sachez que la Centrale d'Arafat ne produit que 25 Mégawatts des besoins de la ville de Nouakchott. Quand à la Centrale du Ksar, sa production électrique maximale est de 12 Mégawatts. Toute cette énergie provient à peu près de Manantali sur les bords du Fleuve Sénégal. Le total ne dépasse gère 40 ou 50 Mégawatts. Ainsi, nous avons un déficit structurel en énergie que nous ne pouvons compenser, d'où la crise qui s'est installé et peut-être durablement.
Nous pouvons combler le déficit, à condition que nous obtenions une production électrique supplémentaire dont nous ne disposons pas aujourd'hui. Nous avions eu recours à cette réflexion dans le passé, notamment entre 2006 et 2007 jusqu'en 2009. Chaque fois, nous disions que d'ici une année ou deux, nous trouverons une solution pour obtenir cette énergie supplémentaire à faible coût. Mais l'énergie n'est jamais gratuite !
Question : quelles sont les difficultés qui se posent à la Somelec selon votre analyse et partant de votre propre expérience à la tête de cette société ?
Réponse : la réponse à cette question requiert une analyse profonde de la situation de la société. Laisse-moi d'abord commencer par les points les plus importants à ce propos.
Premièrement, la Somelec dispose d'équipements obsolètes, dont certains dans la Centrale principale d'Arafat, le reste ne servant que d'accessoires. Les équipements disponibles à Arafat sont les plus essentiels comme je l'ai dit et ils fonctionnent au fuel oil, le moins coûteux hydrocarbure disponible sur le marché.
Je reviens donc pour réaffirmer que la Centrale électrique d'Arafat a déjà dépassé sa durée de vie (la durée de son amortissement).
Sa période de fonctionnement est donc finie à l'échelle de l'efficience technique et ses équipements n'ont pas été renouvelés à temps opportuns pour prolonger sa durée de vie. Il s'agit ainsi d'une Centrale finie, finie, finie.
En ce qui concerne le fuel lourd utilisé dans la Centrale d'Arafat, les unités de production forment une structure incontrôlable. On peut les entretenir et leur trouver des pièces de rechange toutes neuves, mais le résultat n'est pas garanti, car l'essentiel pour une Centrale électrique est qu'on puisse la maîtriser. Certains disent que si tu fais ceci ou cela, tu obtiendras tel résultat garanti, mais cela n'est plus possible aujourd'hui.
On peut réparer cette centrale et l'entretenir, elle va marcher pendant un mois ou deux, jusqu'à une année sans grand problème, mais il arrivera un jour où tout va s'écrouler complètement, car il n'y a pas de maîtrise dans ce genre de centrale électrique.
Ceci est le premier élément de la crise actuelle. Le deuxième élément est l'élément financier. Quand j'ai quitté personnellement la Somelec en 2008, il fallait trouver 20 Milliards d'UM pour procéder à la restructuration profonde requise de la société. Il fallait que l'Etat y injecte une bonne dose d'ouguiyas, car le Capital de la société a été entamé et n'existait plus. La société croule sous le poids des dettes qu'elle ne pourra jamais honorer, et ses recettes ne peuvent aucunement couvrir ces dettes. Il s'agit bien entendu de dettes nationales contracté auprès de divers clients locaux.
Par exemple, la Somelec doit aux banques nationales un montant d'environ 15 Milliards d'UM, sans compter les importantes dettes dues à l'OMVS et Manantali. Le problème qui se pose toujours est que les clients ordinaires de la Somelec ne payent pas les dettes qui leur sont dues par la société. Depuis le mois de mai 2008, la Somelec ne compte que sur les particuliers qu'elle peut harceler pour le remboursement de leurs créances. Mais les grandes institutions de l'Etat, ces gros consommateurs ne payent jamais ce qui leur est dû à la Somelec et cette dernière ne peut pas les couper. Je reviendrai sur ce point quand il s'agira de délimiter les responsabilités.
Quatrième élément, l'Etat ne dispose pas de plan. Il demande à la Somelec l'exécution d'opérations pour lesquelles la société ne dispose d'aucun moyen pour leur réalisation. Ces récriminations ne sont pas prises en compte dans les planifications.
L'Etat ne procède à aucune planification quand il s'agit de la Somelec. Les hommes politiques vous diront par exemple nous allons réaliser un réseau électrique à Barkéwol, une promesse électorale de poids. Seulement, la Centrale de Barkéwol ou ailleurs, scientifiquement et techniquement demandent l'achat d'équipements et après cela, il restera des déficiences permanentes, car ce genre de centrale fonctionne au gasoil, le carburant ordinaire.
Ainsi, nous pouvons reprendre la classification des problèmes :
-1er élément : absence d'équipements nécessaires
-2ème élément : dettes cumulées de la Somelec
-3ème élément : difficile recouvrement des factures auprès des clients, en particulier les plus difficiles
-4ème élément : l'improvisation chez les responsables de l'Etat mauritanien
Je signale ici qu'au niveau de l'Etat, on ne consulte pas l'avis des experts dans un domaine donné. Il n'y a que des ordres, des instructions aveugles qui ne répondent à aucune étude préalable ni aucune consultation technique, et là le résultat tôt ou tard, c'est l'échec cuisant.
Ce genre de centrale exige qu'une subvention permanente de l'Etat lui soit accordée, soit sous forme de don officiel ou d'appui durable.
En général l'Etat initie ce genre de projet sans lui donner les moyens nécessaires pour garantir sa réussite et sa durabilité au service des citoyens. Et c'est ça le drame. Il n'y a que des promesses électoralistes sans engagement financier ou technique capable d'assurer l'avenir. Et le problème continue à empirer de jour en jour jusqu'à ce qu'il devienne sans solution ou débouche sur une panne définitive comme ce qui arrive actuellement à Nouakchott, capitale du pays. Et ça, c'est autre élément.
Ainsi, comme on dit couramment "nous augmentons le bûcher sur le feu ". La raison c'est que l'Etat refuse de prendre ses responsabilités, notamment au niveau de ses hommes politiques qui ne pensent jamais aux retombées de certaines décisions, celles qui concernent des domaines techniques qui requièrent études et expertises.
Aujourd'hui, nous en sommes à nous demander comment la Somelec s'est engouffré, comme on dit. Telle est pourtant la réalité actuelle de cette société. Elle s'engouffre, s'engouffre, s'engouffre. J'ai oublié de rappeler tout au début que d'importantes institutions au niveau de l'Etat ne payent ses factures à la Somelec. La société s'est retrouvée du jour au lendemain comme s'il s'agissait d'une banque pour l'Etat qui contracte des dettes auprès d'une banque telle pour financer les factures d'une institution de l'Etat. D'autre part, il existe un autre élément que la Somelec ne maîtrise pas. C'est le carburant et les hydrocarbures d'une manière générale. Tout le monde sait que le prix de ces produits est soumis aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux et sur lequel la société n'a aucune prise.
-5ème élément : la tarification sur laquelle la Somelec n'a aucune emprise. Elle est préalablement fixée par l'Etat. Celui-ci peut décider de les rabaisser pour des raisons politiques ou les augmenter pour d'autres raisons. L'augmentation est rare et les consommateurs resteront toujours insatisfaits, car l'électricité restera cher car alimenté sur la base d'hydrocarbures, également onéreux, car dépendant de fluctuations sur le plan international.
Question : comment peut-on délimiter les responsabilités avec exactitude dans cette crise de l'électricité ?
Réponse : observons les différents paramètres, ceux maîtrisables par la Somelec et ceux qui échappent à son contrôle et dépendent d'autres instances.
La Somelec est accusée à tort, car les investissements sont monopolisés par l'Etat et c'est lui qui les fournit. Le prix de l'électricité, c'est également l'Etat qui le fixe. La Somelec a été réduite à une banque dépendant de l'Etat, ne maitrisant rien, même le gasoil qui lui échappe.
La Somelec selon la terminologie populaire, "c'est la chair du cou, personne n'en veut, mais on la garde ". La société ne contrôle rien d'essentiel et la décision souveraine ne lui revient pas. Pourtant, on répète dans tous les salons "la Somelec a fait, a fait cela ".
Le premier responsable n'est pas la Somelec, mais l'Etat mauritanien et le Gouvernement mauritanien et personne d'autre. Je le dis ici en toute franchise.
Question : quelles sont à votre avis les solutions possibles ?
Réponse : avant de répondre à cette question, je veux signaler que nous et les autres dans la sous-région nous commençons à représenter un réel danger pour Manantali. Car si nous ne trouvons pas de quoi payer l'OMVS et Manantali, ces dernières ne disposeront pas de ressources pour la gestion de la crise. Je crains, Qu'à Allah ne plaise, un jour ou l'autre que nous tombions sur des pannes techniques à Manantali, car ni la Mauritanie, ni le Sénégal et encore moins le Mali ne payent pas leur facture d'énergie. Après cela, nous demandons à ces sociétés "fournissez-nous l'électricité s'il vous plaît !"
L'électricité a besoin d'entretien, de réparation, et il faut des dépenses énormes. Cela peut être les prémisses d'une crise encore plus grave dans l'avenir, Qu'à Allah ne plaise, et on ne sait pas quand est-ce que cela va arriver. Pour revenir à votre question : que faire ?
La réponse est qu'il faut d'abord trouver de l'énergie complémentaire pour couvrir la demande. Cela ressemble à ce que l'on appelle dans notre jargon local au "Serpent de Mint Staïli ".
Cette solution, nous l'avions conçu en 2006-2007 et en 2008 nous avions dit que nous appliquerons ce programme. En réalité, son coût était énorme pour le pays, surtout qu'il y avait instabilité politique et tous les efforts s'envolèrent comme de la poussière.
On a également dit que dans les années 2007-2008 nous allons mettre fin à ce projet, car nous avons obtenu l'énergie supplémentaire et qu'on règlera le problème en 2009. Nous en finirons, ce qui nous permettra de restructurer la Somelec, car nous nous débarrasserons des charges énormes qui grèvent son fonctionnement. Subitement, surgit l'instabilité politique. Le mur est tombé sur nos têtes et tout s'est écroulé. Pourtant, on avait beaucoup à faire pour les citoyens et les générations futures dans le domaine de l'énergie électrique en Mauritanie.
Parce qu'il y avait des solutions et ce genre de solution est toujours possible. Mais quel est le prix à payer en une année ?
Cette énergie supplémentaire de 20 Mégawatts devra être louée et sera à base de gasoil. Elle sera louée auprès de la société Agrico ou une autre société. Le montant de la location, sans gasoil pendant deux ans, peut servir à acheter ces 20 Mégawatts sans gasoil.
C'était cela notre réflexion avant la survenue de l'actuelle crise de l'électricité. Les partenaires allaient nous appuyer dans ce projet pour qu'en mars 2009 on se débarrasse de la société Agrico. Nous disposions d'une ligne de crédits pour acheter les 20 Mégawatts d'énergie. Les machines sont petites et marchent au fuel lourd, et c'est important. On l'utilise à Nouakchott pendant deux ans avant de construire une nouvelle centrale plus grande que celle qui existe actuellement. Après cela, on redistribue à l'intérieur du pays.
Il faut dire que les villes de l'intérieur constituent une catastrophe financière importante pour la Somelec. Et il faut le souligner. L'intérieur du pays représente à peu près 10 % de la production de la société et ce pourcentage est très faible. Seulement, la moitié des pertes enregistrées par la Somelec en 2007, étaient dues aux machines installées à l'intérieur du pays, alors qu'il ne représente que 10 % des machines de la société. Le prix du gasoil et le prix du fuel lourd n'est pas pareil.
Les solutions étaient consensuelles avec les partenaires ; certaines clauses étaient écrites d'autres non.
Depuis 2008, notre plan dictait d'acheter de petites machines qui fonctionnent au fuel lourd 20 Mégawatts et que nous devons exploiter pendant deux ans. A partir de 2009, nous devrions commencer à construire une centrale de 40 Mégawatts. L'Etat en avait fait formulé une demande d'urgence auprès des bailleurs qui avaient répondu favorablement, notamment la Banque islamique et le FADES.
Nous allions entamer l'année 2010 avec une nouvelle Centrale de 40 Mégawatts, avec 20 Mégawatts produits par de petites machines que l'on pourra utiliser si besoin à Nouakchott.
Et au cas où on n'en aura pas besoin, les expédier à l'intérieur car la facture du gasoil à l'intérieur est moins élevée pour nous. Ainsi, nous pourrions le changer par du fuel lourd. C'est en ce moment que le pays est entré dans l'instabilité politique et tout a été suspendu.
Les bailleurs de fonds ont disparu ou ont reculé dans leurs engagements. Ainsi, entre 2005 et 2006, nous essayons et la Somelec aussi pour sortir de la crise énergétique. Chaque fois qu'on franchit un pas, on recul de deux pas en arrière, et tout cela du fait de la politique.
Aujourd'hui, nous disposons du même plan et nous devons voir comment avancer. Il faut d'urgence une nouvelle centrale électrique de 40 Mégawatts.
Source: L'authenique
Il a affirmé que la crise actuelle que vit Nouakchott dans le domaine de l'énergie électrique était prévisible, car la Centrale principale d'Arafat qui alimente la capitale a déjà bouclé sa durée de vie sans que ses installations n'aient été renouvelées à temps opportun. Il a indiqué que le danger futur peut provenir, Qu'à Allah ne plaise, du côté de Manantali qui alimente également le pays en énergie électrique, étant bien entendu que la Mauritanie, à l'instar des autres pays qui partagent ce barrage hydroélectrique, croule sous le poids de ses dettes. Ces arriérés dus aux pays riverains peuvent affecter le fonctionnement de Manantali qui ne sera plus capable de leur offrir l'électricité par défaut de versements qui lui sont dus ainsi qu'à l'OMVS. Face à l'incapacité de couvrir ses charges, d'assurer la maintenance de son matériel et sa production électrique sans ressources financières subséquentes, MANANTALI ainsi que l'OMVS sont sérieusement menacées dans leur survie, selon Ould Heyine. Il a indiqué que l'énergie, aussi bien dans notre espace que dans le reste du monde, ne peut être cédée à titre gratuit. Dans un entretien exclusif avec le site "AMJAD ", Mohamed Saleck Ould Heyine a souligné que lorsqu'il a quitté la Somelec en 2008, les efforts pour la rénovation de la société et la maîtrise de la production électrique exigeaient déjà un apport d'environ 20 Milliards d'UM de la part de l'Etat. L'instabilité politique qu'a connu le pays aurait selon lui beaucoup contribué au blocage de toutes les activités. Aujourd'hui, dira-t-il, "la Somelec s'engouffre, s'engouffre, s'engouffre ", à cause des hommes politiques qui se sont succédés à la tête du pays et qui n'accordent aucune importance aux critères professionnelles ni aux normes, encore moins aux études de faisabilité ou d'évaluation ou encore aux avis des experts. Selon Ould Heyine, l'actuelle crise de l'électricité en Mauritanie est une énorme catastrophe aussi bien pour l'économie nationale, que pour le développement social d'une manière générale. Pourtant avec cela, dira-t-il en substance, un membre du gouvernement peut bien se planter demain devant les écrans de la télévision pour dire que nous vivons une véritable révolution économique, ce qui est impossible sans l'électricité et la maîtrise prévisionnelle de la production. Pour Ould Heyine, la crise actuelle de l'électricité à Nouakchott ne peut être résolue définitivement, sans démagogie, avant au moins quatre ans et beaucoup de financements de la part des partenaires internationaux. Entretien.
Question : la capitale Nouakchott vit depuis quelque temps une crise aigue sur le plan de l'alimentation en énergie électrique, ce qui a beaucoup affecté la vie des populations. Vous qui connaissez mieux la société d'électricité Somelec pour en avoir été le Directeur général, quelle est votre analyse de la situation ? Est-ce qu'une telle crise avec cette ampleur était prévisible ?
Réponse : cette crise est importante et elle était prévisible. Faisons d'abord le rapport entre l'offre et la demande dans le domaine de l'énergie électrique à Nouakchott. La demande, par rapport à la crise doit se situer entre 60 et 70 Mégawatts. On peut remarquer un accroissement considérable de la demande et pour votre information, sachez que la Centrale d'Arafat ne produit que 25 Mégawatts des besoins de la ville de Nouakchott. Quand à la Centrale du Ksar, sa production électrique maximale est de 12 Mégawatts. Toute cette énergie provient à peu près de Manantali sur les bords du Fleuve Sénégal. Le total ne dépasse gère 40 ou 50 Mégawatts. Ainsi, nous avons un déficit structurel en énergie que nous ne pouvons compenser, d'où la crise qui s'est installé et peut-être durablement.
Nous pouvons combler le déficit, à condition que nous obtenions une production électrique supplémentaire dont nous ne disposons pas aujourd'hui. Nous avions eu recours à cette réflexion dans le passé, notamment entre 2006 et 2007 jusqu'en 2009. Chaque fois, nous disions que d'ici une année ou deux, nous trouverons une solution pour obtenir cette énergie supplémentaire à faible coût. Mais l'énergie n'est jamais gratuite !
Question : quelles sont les difficultés qui se posent à la Somelec selon votre analyse et partant de votre propre expérience à la tête de cette société ?
Réponse : la réponse à cette question requiert une analyse profonde de la situation de la société. Laisse-moi d'abord commencer par les points les plus importants à ce propos.
Premièrement, la Somelec dispose d'équipements obsolètes, dont certains dans la Centrale principale d'Arafat, le reste ne servant que d'accessoires. Les équipements disponibles à Arafat sont les plus essentiels comme je l'ai dit et ils fonctionnent au fuel oil, le moins coûteux hydrocarbure disponible sur le marché.
Je reviens donc pour réaffirmer que la Centrale électrique d'Arafat a déjà dépassé sa durée de vie (la durée de son amortissement).
Sa période de fonctionnement est donc finie à l'échelle de l'efficience technique et ses équipements n'ont pas été renouvelés à temps opportuns pour prolonger sa durée de vie. Il s'agit ainsi d'une Centrale finie, finie, finie.
En ce qui concerne le fuel lourd utilisé dans la Centrale d'Arafat, les unités de production forment une structure incontrôlable. On peut les entretenir et leur trouver des pièces de rechange toutes neuves, mais le résultat n'est pas garanti, car l'essentiel pour une Centrale électrique est qu'on puisse la maîtriser. Certains disent que si tu fais ceci ou cela, tu obtiendras tel résultat garanti, mais cela n'est plus possible aujourd'hui.
On peut réparer cette centrale et l'entretenir, elle va marcher pendant un mois ou deux, jusqu'à une année sans grand problème, mais il arrivera un jour où tout va s'écrouler complètement, car il n'y a pas de maîtrise dans ce genre de centrale électrique.
Ceci est le premier élément de la crise actuelle. Le deuxième élément est l'élément financier. Quand j'ai quitté personnellement la Somelec en 2008, il fallait trouver 20 Milliards d'UM pour procéder à la restructuration profonde requise de la société. Il fallait que l'Etat y injecte une bonne dose d'ouguiyas, car le Capital de la société a été entamé et n'existait plus. La société croule sous le poids des dettes qu'elle ne pourra jamais honorer, et ses recettes ne peuvent aucunement couvrir ces dettes. Il s'agit bien entendu de dettes nationales contracté auprès de divers clients locaux.
Par exemple, la Somelec doit aux banques nationales un montant d'environ 15 Milliards d'UM, sans compter les importantes dettes dues à l'OMVS et Manantali. Le problème qui se pose toujours est que les clients ordinaires de la Somelec ne payent pas les dettes qui leur sont dues par la société. Depuis le mois de mai 2008, la Somelec ne compte que sur les particuliers qu'elle peut harceler pour le remboursement de leurs créances. Mais les grandes institutions de l'Etat, ces gros consommateurs ne payent jamais ce qui leur est dû à la Somelec et cette dernière ne peut pas les couper. Je reviendrai sur ce point quand il s'agira de délimiter les responsabilités.
Quatrième élément, l'Etat ne dispose pas de plan. Il demande à la Somelec l'exécution d'opérations pour lesquelles la société ne dispose d'aucun moyen pour leur réalisation. Ces récriminations ne sont pas prises en compte dans les planifications.
L'Etat ne procède à aucune planification quand il s'agit de la Somelec. Les hommes politiques vous diront par exemple nous allons réaliser un réseau électrique à Barkéwol, une promesse électorale de poids. Seulement, la Centrale de Barkéwol ou ailleurs, scientifiquement et techniquement demandent l'achat d'équipements et après cela, il restera des déficiences permanentes, car ce genre de centrale fonctionne au gasoil, le carburant ordinaire.
Ainsi, nous pouvons reprendre la classification des problèmes :
-1er élément : absence d'équipements nécessaires
-2ème élément : dettes cumulées de la Somelec
-3ème élément : difficile recouvrement des factures auprès des clients, en particulier les plus difficiles
-4ème élément : l'improvisation chez les responsables de l'Etat mauritanien
Je signale ici qu'au niveau de l'Etat, on ne consulte pas l'avis des experts dans un domaine donné. Il n'y a que des ordres, des instructions aveugles qui ne répondent à aucune étude préalable ni aucune consultation technique, et là le résultat tôt ou tard, c'est l'échec cuisant.
Ce genre de centrale exige qu'une subvention permanente de l'Etat lui soit accordée, soit sous forme de don officiel ou d'appui durable.
En général l'Etat initie ce genre de projet sans lui donner les moyens nécessaires pour garantir sa réussite et sa durabilité au service des citoyens. Et c'est ça le drame. Il n'y a que des promesses électoralistes sans engagement financier ou technique capable d'assurer l'avenir. Et le problème continue à empirer de jour en jour jusqu'à ce qu'il devienne sans solution ou débouche sur une panne définitive comme ce qui arrive actuellement à Nouakchott, capitale du pays. Et ça, c'est autre élément.
Ainsi, comme on dit couramment "nous augmentons le bûcher sur le feu ". La raison c'est que l'Etat refuse de prendre ses responsabilités, notamment au niveau de ses hommes politiques qui ne pensent jamais aux retombées de certaines décisions, celles qui concernent des domaines techniques qui requièrent études et expertises.
Aujourd'hui, nous en sommes à nous demander comment la Somelec s'est engouffré, comme on dit. Telle est pourtant la réalité actuelle de cette société. Elle s'engouffre, s'engouffre, s'engouffre. J'ai oublié de rappeler tout au début que d'importantes institutions au niveau de l'Etat ne payent ses factures à la Somelec. La société s'est retrouvée du jour au lendemain comme s'il s'agissait d'une banque pour l'Etat qui contracte des dettes auprès d'une banque telle pour financer les factures d'une institution de l'Etat. D'autre part, il existe un autre élément que la Somelec ne maîtrise pas. C'est le carburant et les hydrocarbures d'une manière générale. Tout le monde sait que le prix de ces produits est soumis aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux et sur lequel la société n'a aucune prise.
-5ème élément : la tarification sur laquelle la Somelec n'a aucune emprise. Elle est préalablement fixée par l'Etat. Celui-ci peut décider de les rabaisser pour des raisons politiques ou les augmenter pour d'autres raisons. L'augmentation est rare et les consommateurs resteront toujours insatisfaits, car l'électricité restera cher car alimenté sur la base d'hydrocarbures, également onéreux, car dépendant de fluctuations sur le plan international.
Question : comment peut-on délimiter les responsabilités avec exactitude dans cette crise de l'électricité ?
Réponse : observons les différents paramètres, ceux maîtrisables par la Somelec et ceux qui échappent à son contrôle et dépendent d'autres instances.
La Somelec est accusée à tort, car les investissements sont monopolisés par l'Etat et c'est lui qui les fournit. Le prix de l'électricité, c'est également l'Etat qui le fixe. La Somelec a été réduite à une banque dépendant de l'Etat, ne maitrisant rien, même le gasoil qui lui échappe.
La Somelec selon la terminologie populaire, "c'est la chair du cou, personne n'en veut, mais on la garde ". La société ne contrôle rien d'essentiel et la décision souveraine ne lui revient pas. Pourtant, on répète dans tous les salons "la Somelec a fait, a fait cela ".
Le premier responsable n'est pas la Somelec, mais l'Etat mauritanien et le Gouvernement mauritanien et personne d'autre. Je le dis ici en toute franchise.
Question : quelles sont à votre avis les solutions possibles ?
Réponse : avant de répondre à cette question, je veux signaler que nous et les autres dans la sous-région nous commençons à représenter un réel danger pour Manantali. Car si nous ne trouvons pas de quoi payer l'OMVS et Manantali, ces dernières ne disposeront pas de ressources pour la gestion de la crise. Je crains, Qu'à Allah ne plaise, un jour ou l'autre que nous tombions sur des pannes techniques à Manantali, car ni la Mauritanie, ni le Sénégal et encore moins le Mali ne payent pas leur facture d'énergie. Après cela, nous demandons à ces sociétés "fournissez-nous l'électricité s'il vous plaît !"
L'électricité a besoin d'entretien, de réparation, et il faut des dépenses énormes. Cela peut être les prémisses d'une crise encore plus grave dans l'avenir, Qu'à Allah ne plaise, et on ne sait pas quand est-ce que cela va arriver. Pour revenir à votre question : que faire ?
La réponse est qu'il faut d'abord trouver de l'énergie complémentaire pour couvrir la demande. Cela ressemble à ce que l'on appelle dans notre jargon local au "Serpent de Mint Staïli ".
Cette solution, nous l'avions conçu en 2006-2007 et en 2008 nous avions dit que nous appliquerons ce programme. En réalité, son coût était énorme pour le pays, surtout qu'il y avait instabilité politique et tous les efforts s'envolèrent comme de la poussière.
On a également dit que dans les années 2007-2008 nous allons mettre fin à ce projet, car nous avons obtenu l'énergie supplémentaire et qu'on règlera le problème en 2009. Nous en finirons, ce qui nous permettra de restructurer la Somelec, car nous nous débarrasserons des charges énormes qui grèvent son fonctionnement. Subitement, surgit l'instabilité politique. Le mur est tombé sur nos têtes et tout s'est écroulé. Pourtant, on avait beaucoup à faire pour les citoyens et les générations futures dans le domaine de l'énergie électrique en Mauritanie.
Parce qu'il y avait des solutions et ce genre de solution est toujours possible. Mais quel est le prix à payer en une année ?
Cette énergie supplémentaire de 20 Mégawatts devra être louée et sera à base de gasoil. Elle sera louée auprès de la société Agrico ou une autre société. Le montant de la location, sans gasoil pendant deux ans, peut servir à acheter ces 20 Mégawatts sans gasoil.
C'était cela notre réflexion avant la survenue de l'actuelle crise de l'électricité. Les partenaires allaient nous appuyer dans ce projet pour qu'en mars 2009 on se débarrasse de la société Agrico. Nous disposions d'une ligne de crédits pour acheter les 20 Mégawatts d'énergie. Les machines sont petites et marchent au fuel lourd, et c'est important. On l'utilise à Nouakchott pendant deux ans avant de construire une nouvelle centrale plus grande que celle qui existe actuellement. Après cela, on redistribue à l'intérieur du pays.
Il faut dire que les villes de l'intérieur constituent une catastrophe financière importante pour la Somelec. Et il faut le souligner. L'intérieur du pays représente à peu près 10 % de la production de la société et ce pourcentage est très faible. Seulement, la moitié des pertes enregistrées par la Somelec en 2007, étaient dues aux machines installées à l'intérieur du pays, alors qu'il ne représente que 10 % des machines de la société. Le prix du gasoil et le prix du fuel lourd n'est pas pareil.
Les solutions étaient consensuelles avec les partenaires ; certaines clauses étaient écrites d'autres non.
Depuis 2008, notre plan dictait d'acheter de petites machines qui fonctionnent au fuel lourd 20 Mégawatts et que nous devons exploiter pendant deux ans. A partir de 2009, nous devrions commencer à construire une centrale de 40 Mégawatts. L'Etat en avait fait formulé une demande d'urgence auprès des bailleurs qui avaient répondu favorablement, notamment la Banque islamique et le FADES.
Nous allions entamer l'année 2010 avec une nouvelle Centrale de 40 Mégawatts, avec 20 Mégawatts produits par de petites machines que l'on pourra utiliser si besoin à Nouakchott.
Et au cas où on n'en aura pas besoin, les expédier à l'intérieur car la facture du gasoil à l'intérieur est moins élevée pour nous. Ainsi, nous pourrions le changer par du fuel lourd. C'est en ce moment que le pays est entré dans l'instabilité politique et tout a été suspendu.
Les bailleurs de fonds ont disparu ou ont reculé dans leurs engagements. Ainsi, entre 2005 et 2006, nous essayons et la Somelec aussi pour sortir de la crise énergétique. Chaque fois qu'on franchit un pas, on recul de deux pas en arrière, et tout cela du fait de la politique.
Aujourd'hui, nous disposons du même plan et nous devons voir comment avancer. Il faut d'urgence une nouvelle centrale électrique de 40 Mégawatts.
Source: L'authenique