INTERVIEW DU DOCTEUR MOURTOUDO DIOP PRÉSIDENT DU DEKALEM AU QUOTIDIEN LE RÉNOVATEUR



INTERVIEW DU DOCTEUR MOURTOUDO DIOP PRÉSIDENT DU DEKALEM AU QUOTIDIEN LE RÉNOVATEUR
"Les Flamistes sont mes meilleurs collègues. Ils ne sont pas hypocrites, ni corrompus, ni influençables"

Le Rénovateur : Ancienne figure de la lutte clandestine, opposant farouche au régime Ould Taya, défenseur de la cause des opprimés, notamment au temps de la chasse à l'élément noir, Dr Mourtoudo, Quelle appréciation faites-vous aujourd'hui de la situation politique du pays ?


Dr Mourtoudo : Je remercie Dieu et vous remercie et me rends compte à travers vos questions que vous me connaissez. Je ferai autant inchaallah en approfondissant notre connaissance.

Pour me résumer, cette situation chaotique, elle est provoquée par l'entêtement des militaires incapables de sécuriser le pays et qui sont habitués aux gains faciles que leur offre la confiscation du pouvoir. Ils y sont depuis trente ans et y accumulés villas, fortunes, bagnoles et honneurs. Ils mettent leurs intérêts personnels au-dessus de la Mauritanie. Aziz est le pur produit de Taya. L'action de Hanana leur a poussé à se débarrasser de leur Maître, mais en réalité ils n'ont pas changé.

Ils ne connaissent que la terreur, la répression, la division. Ils ont aggravé tous les mots du pays. Ils mènent le même combat que Taya sous un autre contexte qui ne tolère plus le despotisme, ni leur façon d'agir. Aziz est égal à Taya ; c'est pourquoi comme à l'accoutumée, nous continuerons à le combattre, à défier son système obtus, autocratique, haineux et revanchard. Le pays est appauvri, isolé, menacé de dislocation. L'entêtement d'Aziz qui croit que la Mauritanie est une caserne a placé notre pays dans une logique de confrontation qu'il est souhaitable d'éviter.


Le Rénovateur:
Vos rapports avec votre ancien frère d'arme, le leader de l'AJD/MR ne semble pas se porter mieux. Pourquoi ?

Dr Mourtoudo : Il ya a parmi eux, des amis, des disciples qui me respectent. C'est pourquoi je continue de garder le même rapport avec ceux-là, tout en rappelant que je n'ai jamais été militant d'AJD/MR. Je suis Président d'un parti politique appelé en pulaar : Dental Kaaldigal Leyyi Muritani, c'est-à-dire le Rassemblement pour le Dialogue des Nationalités Mauritaniennes DEKAALEM/RDNM. Ce parti existe depuis dix ans dans la clandestinité.

Il a déposé ses dossiers depuis 9 mois au Ministère de l'Intérieur. Etant donné qu'il est affilié au FNDD, Aziz a refusé de le reconnaitre. La junte a reconnu 12 partis qui l'applaudissent et piétine le mien qui le défie. Ceci prouve qu'Aziz est autocrate et non démocrate.

Le Rénovateur : Qu'est-ce qui explique aujourd'hui votre adhésion au FNDD qui est un regroupement hétéroclite de politiciens de tous horizons ?

Dr Mourtoudo : C'est le bouleversement et la recomposition politique qui l'ont provoqué. C'est une coalition hétéroclite, contre nature, mais nécessaire. Le FNDD est un véritable laboratoire où des courants qui s'affrontaient se sont retrouvés malgré eux pour s'opposer au fascisme. Leur dénominateur commun est le retour de Sidi au pouvoir. C'est un principe que nous soutenons fermement. Le FNDD est la seule coalition dynamique qui s'est opposée courageusement aux militaires.

Ces militants ont transcendé des clivages surannés pour affronter une dure répression afin de sauvegarder la démocratie. Il a permis à des mauritaniens aux idées différentes de se retrouver, de se connaître, de s'apprécier, de briser les murs de la peur et de la séparation. Ils se tolèrent et affrontent ensemble les problèmes cruciaux de démocratie, d'égalité, de justice, de combat contre l'esclavage et ses séquelles.

Certains privilégient l'échec au coup d'état. D'autres pensent que c'est dès maintenant qu'il faut aborder ces problèmes qui retardent la Mauritanie depuis son indépendance, tout en soutenant aussi le retour de Sidi au pouvoir. Les tabous y sont brisés. Taya avait divisé nos races, privilégié son ethnie, sa langue sur d'autres. Aujourd'hui, on exige l'enseignement de toutes nos langues, l'abrogation de l'article 6 de la constitution... On oblige le dialogue en vue de la remise en cause des injustices.

Ce regroupement hétéroclite des politiciens de tous les horizons s'attèle à édifier une autre Mauritanie où chaque ethnie et race s'identifierait. C'est une chance qu'il faut préserver.

Le Rénovateur : Sur quoi semble porter maintenant votre combat quand on sait que vos idées étaient plus dirigées vers la libération des victimes d'exclusion et de discrimination ?

Dr Mourtoudo : Mes idées ont évolué mais pas variées. Je me bats contre toutes les formes d'injustices et plus particulièrement pour l'enseignement de toutes nos langues, y compris le Hassaniya et la solution définitive de notre question nationale c'est-à-dire de notre cohabitation pour stabiliser notre pays et créer les véritables bases de son développement qui profite à tous et non à une race ou à une minorité.

Mon combat culturel a produit des milliers d'alphabétiseurs en pulaar en Afrique en Europe et aux Etats-Unis. J'ai écrit et traduit en Pulaar beaucoup de livres dont la chimie, le Coran, la recherche scientifique nous permet-elle d'accéder à la connaissance de Dieu ? J'anime des conférences politiques et religieuses. Je crée les bases de mon parti qui apporte une contribution à l'édification de notre pays, de l'Afrique dans un monde altermondialiste.

Le Rénovateur : Partagez-vous encore le combat avec vos anciens camarades des FLAM ?

Dr Mourtoudo : Oui ! Ils sont mes meilleurs collègues. Ils ne sont pas hypocrites, ni corrompus, ni influençables. Nous collaborons étroitement en Europe et aux U.SA. Tous nos écrits figurent dans leur site. FLAM et DEKAALEM sont complémentaires.


Le Rénovateur :
Ould Taya, votre bête noire des années de plomb est sous le coup d'une plainte dans les tribunaux Belges. Quelle est votre réaction par rapport à cette plainte jugée, semble-il, recevable par la justice internationale ?

Dr Mourtoudo : Des milliers de mauritaniens vivants en Europe ont porté plainte contre Taya. La justice Belge a proclamé que cette plainte est recevable. Je la soutiens. Taya et tous les despotes n'y échapperont pas.

Le Rénovateur : Votre combat pour la revalorisation des langues nationales fut aussi votre fer de lance pendant plusieurs décennies. Cette bataille a été menée sur le plan de la recherche scientifique mais aussi publique. Etes-vous arrivé à des conclusions précises ?

Dr Mourtoudo : Cette bataille là continue, s'approfondit. Elle est ingrate et difficile. Mais, quand on croit à quelque chose, il faut aller jusqu'au bout. Le problème principal se situe au niveau des « intellectuels francisants analphabètes », c'est à dire ceux qui sont déracinés et qui ne croient pas à l'importance de nos langues. Voyez ce qui se passe à l'Assemblée Nationale et au Sénat ! Les maures s'expriment dans leurs langues. Je le soutiens ; mais les nègres s'expriment en français ! Pourquoi ne parlent-t-ils pas leurs langues ?

Pourquoi n'exigent-ils pas l'abrogation de l'article 6 de la constitution et inciter l'état à promouvoir la diversité culturelle ? Les masses sont partout à l'avant-garde du combat alors que nos intellectuels ne s'y intéressent pas comme Cheikh Anta Diop, Obenga et tant d'autres.

Je suis arrivé à une conclusion qu'il faut sensibiliser les cadres, les décideurs politiques, les marabouts, les politiciens et autres et encourager un vaste mouvement d'alphabétisation pour éradiquer totalement l'ignorance et développer une conscience civique sans laquelle toute démocratie est chimérique. Ainsi donc, la création d'une Académie des Langues Nationales serait un support incontournable à cette ?uvre salvatrice.

Il faut inciter chaque intellectuel à écrire aussi dans sa langue maternelle et créer une sorte d'encyclopédie pour nos langues qui alimentera notre future Académie des Langues Nationales.

Le Rénovateur : La Mauritanie traverse l'une des crises les plus profondes de son histoire politique. Quelles solutions s'offrent à vous en tant que politologue, acteur et observateur politique ?

Dr Mourtoudo :Je suis le premier mauritanien à écrire un article appelé : Comment sortir de la crise depuis le 13 Août 2008. Les journaux Biladi, Assiraje, Tribune l'ont publié. Cette proposition a été améliorée et publiée plusieurs fois :

1-Dialogue direct entre Sidi et Aziz

2-Dialogue entre Aziz et les Anti putschistes

3- Amnistie des membres de la junte


4-Possibilité de leur offrir des postes diplomatiques ou de sociétés d'état et une garantie de leur intérêt à la retraite.

5-Appui de la communauté internationale

6-organisation d'une fête nationale pour la réconciliation entre les différents protagonistes.

J'ai l'impression aujourd'hui que la communauté internationale s'est accaparée de cette proposition à travers d'autres concepts appelés dialogue inclusif national. En dépit de quelques faiblesses de la proposition sénégalaise, même Wade est dans la logique de Mourtoudo Diop.

Le Président Messaoud, le FONADH, le RFD et d'autres en ont fait aussi. Mais après DEKAALEM le parti que je dirige, sauf le journal La Tribune, aucune autre revue ou leader politique n'attribue la paternité de sortie de crise à Mourtoudo Diop. Or, ceux qui sont partis négocier en Libye avec Kadhafi ou ont répondu à l'appel de Kadhafi à Nouakchott n'ont nullement songé à Mourtoudo ou à DEKAALEM.

Ils négocient aussi avec Wade, le grand intellectuel que je connais mieux qu'eux pour avoir soutenu sa lutte pendant 10 ans au Sénégal et m'a souvent invité à son domicile au point E avec Mamadou N'Diathie cadre PDS de Rufisque. Son brillant Ministre d'Etat Gadio est un intellectuel avec qui j'ai étudié en France. Ni DEKAALEM, ni son Président, n'ont pas été associés aussi à cette médiation. Mais, je n'en fais aucun problème. Ce n'est pas ma personne qui compte mais la cause que je défends.

Je soutiens la médiation sénégalaise, je félicite Wade et son Ministre d'Etat. Je félicite aussi les responsables du FNDD et du RFD. Les Waghef sont libérés grâce à l'armée invisible d'Allah et du Sénégal. Cette armée invisible d'Allah facilitera aussi le retour de Sidi au pouvoir.

Dans les conditions propices au dialogue, une a été satisfaite, la libération de Waghef et de ses codétenus. L'arrêt de l'agenda unilatéral des militaires et leur départ du pouvoir est encore en discussion. En aucun cas on ne doit pas tolérer un putschiste et tenter d'éliminer un président démocratiquement élu. Un acte de rébellion contre le chef suprême des armées est partout dans le monde lourdement punissable. Cela ne doit pas du tout donner l'occasion à celui qui porte atteinte à la sécurité de l'état de confisquer le pouvoir pour masquer son forfait.

Donc Aziz doit déguerpir honorablement et non organiser des élections qui n'arrangent que lui et non la Mauritanie. C'est pourquoi nous combattons ce calendrier unilatéral qui risque de porter un grave préjudice à notre pays.

Mais, il faut éviter la logique de la confrontation, libérer les médiats surtout la radio et la télévision devenues propriétés personnelles de Aziz. Qu'on lui permette de quitter dignement le pouvoir. Il est le seul responsable de ce qui nous arrive.

Le Rénovateur : Vous avez suivi le règlement unilatéral du dossier du passif humanitaire par le Général Ould Abdel Aziz. Approuvez-vous cette démarche ?

Dr Mourtoudo : Il n' ya jamais eu règlement du dossier du passif humanitaire. C'est le plus grand bluff du général. Nous avons publié un document là-dessus que nous pouvons vous communiquer. Ce dossier a été traité dans les coulisses avec le COVIRE, le colonel Dia, quelques imams. Il s'agit de 245 des familles militaires seulement dont le montant varie entre 1 million 800 milles ou 1million 600 mille, selon que l'on soit officier ou soldat. Il est discriminatoire devant Dieu et les hommes. On a sacrifié des centaines de milliers d'autres qui galèrent en Mauritanie, en Afrique, en Europe ou ailleurs.

Demandez aux victimes qui vivent en Mauritanie de s'exprimer. Excusez-moi, j'en suis une qui traîne une surdité stoïquement depuis 23 ans. Elle est la conséquence des évènements douloureux de1986, car beaucoup de gens ne savent que moi aussi j'ai été frappé par les mêmes peines que les éléments de FLAM de 1986 et condamné par contumace avec d'autres étudiants.

Notre repli en Europe nous a permis de continuer la lutte d'une manière éclatante avec tous ceux et toutes celles qui se soucient de l'égalité et de la justice. Combien de torturés, de handicapés, de femmes violées, de champs de culture et autre propriétés spoliées ? Combien de militaires et civils assassinés et oubliés ? Combien de civils et militaires radiés de leurs fonctions depuis 1986 ? Combien de déportés et d'exilés politiques en Europe, aux U.S.A et ailleurs que le « règlement », ou le « dérèglement » du passif humanitaire d'Aziz a oublié ?

Ce n'est pas un règlement, mais un dérèglement que je condamne. La majorité des Organisations Nationales et Internationales des Droits de l'Homme, nos partis FLAM et DEKAALEM ne l'acceptent pas ; donc c'est un coup d'épée dans l'eau. La lutte continue.



Nouakchott, le 19/5/2009


Source: Flamnet



Mercredi 20 Mai 2009
Boolumbal Boolumbal
Lu 404 fois



Recherche


Inscription à la newsletter