INTERVIEW DE DIALLO ABDOULAYE



INTERVIEW DE DIALLO ABDOULAYE
OCVIDH: Bonjour M. DIALLO. Depuis votre contribution analytique de la situation politico-économique de la Mauritanie qui a eu une grande audience sur notre site, nos lecteurs internautes seraient tentés de vous connaître. Merci de bien vouloir vous présenter.


DIALLO Abdoulaye:
C’est un immense plaisir pour moi d’être reçu par OCVIDH. Je suis Mauritanien, Economiste-analyste de projets sans aucune appartenance politique ni mouvement.

OCVIDH: Actualité oblige. Réalité certes lointaine mais toujours brûlante comme si elle s'était passée aujourd'hui: Le massacre de milliers de nos concitoyens noirs militaires comme civils mais la pire des scénarios fut la pendaison de vingt huit militaires négro mauritaniens pour commémorer notre indépendance nationale. Cette tragédie peut elle être oubliée?

D.A:
Juste une précision. Une indépendance est une occasion rêvée pour tout individu à plus forte raison pour une Nation. Elle traduit la volonté d'un peuple à disposer de lui-même, c'est-à-dire d'être maître de son destin.

En réponse à votre question, je dirai que la façon ou la méthode inhumaine par laquelle des militaires noirs mauritaniens ont été sacrifiés, pendus par leurs compagnons et frères d'armes pour magnifier cet évènement est regrettable à plus d'un titre et condamnable avec la dernière énergie. Elle interpelle tout mauritanien digne de ce nom. Mais, ce qui est révoltant dans tout cela est le négationnisme de certains « penseurs » mal intentionnés qui refusent de reconnaître ces douloureux évènements et n'acceptent pas qu'on en parle! Croyez-vous que leur façon de commémorer cette journée d’indépendance nous honore? Non. Cela ne saurait être oublié par la mémoire collective de Négros Mauritaniens. Je pense qu’il faut même commémorer cet évènement en tant que douleur et joie à la fois et ériger une stèle portant les noms et prénoms non pas seulement des militaires pendus du 28/11/1990 mais de toutes les victimes de l'épuration ethnique sous le règne de Ould Taya. Il faudra rendre cette liste publique sur un lieu public voire au palais du peuple

OCVIDH: Pourtant le Général Abdel Aziz, pour légitimer son coup d'état, a fait beaucoup de promesses aux mauritaniens, particulièrement aux noirs, entre autres le règlement du génocide causé par le tristement célèbre Muawiya Ould Taya. En tant qu'observateur, quel bilan tirez-vous de ses promesses?


D.A:
Tout semble indiquer que des mesures importantes ont été entreprises et dont les résultats tangibles et positifs sont obtenus. Malgré cette évolution positive et encourageante, il convient de souligner que notre pays doit entreprendre une série de reformes de grande envergure dans tous les domaines.


Pour le bilan, à ma connaissance, je ne dispose pas de la feuille de route du Président actuel, de son action depuis qu’il est au pouvoir, ni celle du gouvernent pour juger et établir un bilan, en un mot la « Baseline » sur laquelle on pourrait se référer pour juger et en tirer un bilan.


Je dirai même au président qu’il fasse montre de plus de volonté politique et de fermeté sur les mesures à prendre et surtout des actes concrets de son action en faveur du règlement du génocide perpétré à l’encontre des Négro Mauritaniens par le régime de OULD TAYA. L’homme est au centre et à la base de toute œuvre humaine.

OCVIDH: « Le président des pauvres » s'il ne trouve pas de solutions aux difficultés quotidiennes de nos concitoyens, ne risque t-il pas de voir « ses pauvres » descendre dans la rue?

D.A:
Comme vous le savez, à chaque fois qu'un candidat se prépare à se présenter aux élections, il se verse dans des promesses interminables pour séduire un public plus large afin d'obtenir un grand nombre de voix et le Président actuel Abdel Aziz ne fait pas exception à cette règle.

Il s'est autoproclamé « le président des pauvres » et Dieu seul sait que beaucoup parmi ceux qui ont voté pour lui sont ces mêmes pauvres qui ont cru en lui et ont nourri des espoirs de voir leur quotidien changer une fois qu'il sera élu.

Même si le président Aziz se targue d'avoir accompli des réalisations, après son arrivée au pouvoir, ses « pauvres » n'ont pas vu les promesses de campagne arriver.

A votre question de savoir si ses"pauvres risquent de descendre dans la rue" cela n'est pas dans la culture du mauritanien de descendre facilement dans la rue pour manifester sa colère. L'on dit souvent que le fruit tombe quand il est mûr mais mûr ou pas, il peut tomber aussi devant la tempête.

Le président Abdel Aziz a tout intérêt à regarder dans son rétroviseur et à considérer la peine du peuple qui souffre.


OCVIDH: La prière est certes l'un des piliers de notre religion, l'Islam. Croyez-vous que la prière de Kaédi dite"prière aux morts" suffit à elle seule à nous faire oublier les atrocités subies par la communauté noire de Mauritanie.

D.A:
Certes la prière est le deuxième pilier de l’islam, mais, « la prière aux morts » est une prière pour formuler une demande de pitié et de pardon à Allah pour la paix des âmes des morts et en aucun cas celle-ci ne pourrait suffire pour faire oublier les atrocités subies par la communauté des Négros Mauritaniens dans leur propre pays. Et d’ailleurs même ces morts que nous pleurons aujourd'hui plus encore demain seront jugés de leurs actes malgré nos prières, « AleyssAllahou biahkamil hâkimine » que Dieu me pardonne « Dieu n’est il pas le plus sage des juges » donc cela signifie qu’il y aura leur jugement divin et nous ne pourrons que prier pour la paix de leurs âmes. Ce qui est important aujourd'hui, ce n'est pas de tourner autour de la prière de Kaédi pour distraire les gens mais de trouver une solution au règlement définitif de ce problème de génocide.


Le génocide ne serait jamais oublié par la mémoire collective de Négros –Mauritaniens. Ce qu’il faut exprimer, c'est une volonté politique pour régler définitivement ce problème, afin de faire le deuil pour nos morts et tourner la page sombre de cette histoire de notre pays et engager la volonté de vivre et faire quelque chose ensemble pour le bien du pays.

Les faits sont faits, mais l’histoire doit retenir des faits réels pour éviter que les mêmes erreurs ne se reproduisent par les générations futures. Il faut leur restituer la vérité pour leur permettre de prendre plus de conscience.

OCVIDH: Mais, certains s'en délectent en disant que le pardon a été prononcé à Kaédi et que la réconciliation est proclamée!

D.A:
Je pense que dans l’avenir pour imaginer une Mauritanie développée dans la paix, tout Mauritanien digne et libre de conscience doit reconnaître le génocide perpétré à l’encontre des Négros Mauritaniens par le régime d’OULD TAYA et en chercher les solutions.


Il faut le dire, une chose est sûre, si on veut arriver à une cohabitation harmonieuse entre les communautés, il faudrait éviter le recours à la solution à l'amiable ou de compromis et d’éviter de se cacher derrière des discours comme « sortie de crise » ou d’autres termes comme « passif humanitaire ». Il faut dire génocide.

Les coupables doivent être connus punis ou pardonnés. Le pardon existe, mais avant de pardonner, il faut trouver les coupables et qu’ils reconnaissent les faits commis et situer les responsabilités et en ce moment le pardon pourra être demandé.

Je fais un appel aux autorités actuelles et aux responsables de ce pays d’être plus lucides sur cette question pour trouver un règlement définitif à ce problème qui mine notre pays comme une gangrène.

OCVIDH: Alors, en ce moment on pourra parler d'Unité Nationale?

D.A:
Mais combien de morts, de déportés et des violations des droits de l’homme commis par le régime d’OULD TATYA à l’encontre de Négros Mauritaniens! Et l’esclavagisme que subissent les harratins depuis la nuit des temps!

Les personnes tuées ou disparues ou victimes du régime raciste d’OULD TAYA n’avaient demandé qu'une chose: La justice sociale dans une Mauritanie égalitaire dans sa diversité cimentée par l’islam pour sauvegarder l’unité nationale. Et ce fut pour eux un crime et la suite est connue de tous. Ces braves hommes et femmes doivent être honorés. Pourquoi ne pas exécuter ou faire disparaître ceux qui parlent de l’arabité du pays oubliant ou faisant semblant d'oublier que la Mauritanie est composée de noirs et de blancs? Qu'en est-il des nostalgiques de l'ère TAYA qui traitent certains de leurs compatriotes d'étrangers, de flamiste dès l’abord que des idées contraires aux siennes fusent?


Pour les personnes exécutées dont les fosses communes sont connues, les corps doivent être restitués aux parents, à leurs ayant droits. Les victimes vivantes doivent être indemnisées et le pardon doit leur être demandé.

En ce qui concerne le retour des déportés, ils doivent être rétablis dans leurs droits et indemnisés intégralement tout en leur restituant leurs terres, biens, papiers, etc. sans aucune condition. Ceux qui croient que l'argent amènera ces populations autochtones à renoncer à leurs terres et à leurs revendications se trompent.

C'est la suite donnée à ces questions que l'Unité Nationale sera reconstruite

OCVIDH: Quelles mesures pour l'instauration d'un Etat de Droit pour le renforcement de la démocratie en Mauritanie?

D.A:
La discrimination raciale dont sont victimes les Négros Mauritaniens est le nœud du problème du pays. Si les autorités actuelles ne peuvent pas reconnaître le génocide perpétré à l’encontre des Négros Mauritaniens par le régime d’OULD TAYA et régler définitivement ce problème et prendre également des mesures concrètes contre la discrimination que subissent les Négros Mauritaniens, le problème demeurera sans solution. La solution de la violence n'est pas une option car elle causera des dégâts de tous les côtés. Cependant, afin d'anticiper les choses, il est nécessaire que les pouvoirs publics prennent le devant. Aucun système basé sur la discrimination ne peut être éternel. L'exemple de l'Afrique du sud est là pour donner une leçon. Et pourtant c'est une puissance mais, les blancs visionnaires ont fini par comprendre que cette situation ne pouvait pas continuer et Frederik Declerk a pris les devants des choses malgré la contestation de la plus grande majorité des blancs.

Il faut la paix pour le développement d’un pays en d’autres termes la stabilité. Une stabilité sociale et de plein emploi, constitue avant tout une opportunité fort attrayante pour les investisseurs. On parle souvent de l’indice de stabilité d’un pays pour attirer les investissements. Ce qui freine aujourd’hui malheureusement notre développement.

Pour l'instauration d'un Etat de Droit pour le renforcement de la démocratie en Mauritanie, il faut mettre en place un système politique sûr, démocratique, juste et tolérant, susceptible de promouvoir une culture de la transparence et l’obligation de rendre des comptes.

Donc la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption doivent passer impérativement par la réconciliation des responsables du pays, ses fonctionnaires, ses élus et sa population civile avec la bonne gestion du bien public. Sans oublier bien sûr les valeurs cardinales que sont le travail, l’honnête, et l’intégrité pour avancer dans la construction du pays.

OCVIDH: Mis à part les discours populistes et partisans tant du côté des élus de la majorité que de l'opposition, quels seraient véritablement le combat ou les combats à mener pour sortir la Mauritanie de cette léthargie quand on sait que le pays regorge de ressources à la limite du scandale géologique?

D.A:
De toute évidence, pour relever de façon judicieuse les nombreux défis dont notre pays est confronté, il faudra renforcer les capacités humaines et institutionnelles. Cela doit se traduire par l’éducation la formation, le civisme et la volonté de servir avec dévouement.

Comme vous l'avez dit, la Mauritanie regorge de potentialités géologiques qui font que ce pays ne doit pas être là où il se trouve actuellement. Depuis les indépendances, la Mauritanie ne cesse d'exploiter le minerai de fer à ciel ouvert et personne ne sait où va cet argent et à ma connaissance pas dans le développement du pays puisque rien n'est fait sur le plan infrastructure, éducatif, agricole, hospitalier et sanitaire!

Le combat est simple: que tous les mauritaniens soient au dessous des lois et que la prise de conscience collective soit engagée et que chacun se dise qu'il est acteur du développement du pays en fournissant des efforts. Les grandes nations sont ainsi construites

OCVIDH: Croyez-vous que le destin de la Mauritanie ne serait exclusivement qu'entre les mains des militaires jusqu'à la fin des temps?


D.A
: Il ne faut pas être fataliste à tel point! Il est vrai que depuis le 10 juillet 1978, le destin de la Mauritanie est entre les mains des militaires; donc plus de régimes militaires que civils.

Il n'appartiendra qu'au peuple mauritanien, avec l'appui des institutions internationales démocratiques, de prendre son destin en main en disant non aux militaires au pouvoir en menant des actions de désobéissances civiques allant des jours, des mois voire des années.

La tendance pourra être changée. Seule la non violence résout aujourd'hui les problèmes.

Des pays comme le Mali, le Ghana, le Benin ont connu des régimes militaires durs mais grâce à la volonté du peuple, ils se sont démocratisés et sont cités en exemples en Afrique.

OCVIDH: A chaque fois que les militaires prennent le pouvoir, ils parlent de l'intégrité, de la sécurité du pays menacées pour justifier leur accession au pouvoir par la force. Croyez-vous à cette sempiternelle chanson?

D.A:
Comme je viens de le dire, la Mauritanie a connu plus de régimes militaires que civils. Et si la sécurité et l'intégrité du territoire sont menacées, allez chercher l'origine.

Si pendant trente deux ans de régimes militaires la sécurité et l'intégrité de la Mauritanie ne sont pas assurées, je me demande quand elles le seront.

Cette chanson est une vieille partition. Le disque est totalement rayé que les militaires changent de partition!


OCVIDH: Ou n'est-il pas légitime d'affirmer tout simplement qu'il est difficile de s'habituer aux délices de la République et de s'en passer et l'appliquer au cas des militaires mauritaniens?

D.A:
Qui n'aime pas les délices? Pas moi qui vous parle en tout cas! Mais, il faut qu'il y ait une limite à toute chose car la prudence appelle à plus de mesure. Tel militaire arrive au pouvoir et tient un discours de « rectification » oubliant même qu'il était au bord du même navire que celui qu'il vient de faire tomber et par la suite, il oublie qu'un autre de la même équipe pourra lui faire tomber. On assiste à un éternel changement de têtes et pas de changements dans la gestion des affaires du pays. Les jalousies et les motivations d'ordre tribal, clanique s'aiguisent et la suite on la connaît.

Les délices de la République doivent être ceux de la démocratie, de la liberté, de la gestion et du contrôle des biens de cette République pour le bien être collectif.

A votre question, je réponds oui que les militaires n'ont aucun projet pour la Mauritanie et que seuls leurs intérêts personnels importent sur l'intérêt collectif. La preuve est que la Mauritanie est toujours dans la catégorie des pays moins développés pour ne pas dire des plus pauvres!

OCVIDH: quel engagement doit prendre le peuple mauritanien pour pousser les militaires à regagner définitivement les casernes et dire stop aux coups d'état?


D.A:
Non pas regagner les casernes pour croiser les bras mais remplir leurs fonctions régaliennes à savoir, être au service des tous les Mauritaniens. Notre armée ne s’est pas professionnalisée et n’est pas opérationnelle dans la gestion de la vie des citoyens. Elle est structurée autour des tribus juste pour garder le pouvoir et pour longtemps.

Je pense qu’il faut professionnaliser l’armée pour qu'elle participe à l'essor de la vie des citoyens. Elle peut être experte par exemple dans la construction des ponts et chaussée et l’entretien des routes. Avoir plus de vocation à protéger les citoyens et non à les asservir.

OCVIDH: actualité oblige, la Mauritanie s'est engagée dans un combat contre AQMI même si les officiels(Le président lui-même et certains ministres) veulent jouer la politique de la communication en disant que ce n'est pas contre Al Qaida. Croyez-vous que nous avons les moyens de lutter contre de telles organisations alors que des puissances militaires ont du mal à s'en sortir?


D.A
: La lutte contre le terrorisme passe par l’information, la prévention et surtout invite à plus de vigilance de la part de tous tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur de celui-ci. C’est une guerre où la prise de conscience collective est une nécessité.

La Mauritanie a d'autres priorités: lutter contre la pauvreté qui est une des sources des frustrations des peuples fragiles et c'est là où le terrorisme recrute ses combattants. Pour qu'il y ait plus de moyens de lutte contre ce fléau ce n'est pas par les armes mais par la prise en compte des misères sociales et leur trouver une solution


OCVIDH: N'y a-t-il pas d'autres priorités pour la Mauritanie que de s'engager dans des aventures hasardeuses voire inutiles et surtout si elles se passent en dehors de nos frontières?

D.A:
Bien sûr que des priorités ne finissent pas mais il est opportun de les connaître et de les appliquer à la réalité de notre pays et pour le besoin de nos concitoyens. Des écoles, pour l'éducation de nos enfants, des hôpitaux pour nous soigner, des infrastructures routières pour désenclaver notre pays, la création d'industries à la pointe de la technologie, donner la chance à tous les fils du pays à occuper un emploi décent et la Mauritanie en a les moyens, donner plus de liberté au peuple et le laisser dire ce qui ne va pas, libérer la presse pour qu'elle soit indépendante etc. Pour une population d'à peine quatre millions d'habitants, je suis outré que la Mauritanie ne puisse pas s'occuper de ses fils dignement

OCVIDH: le régime de Sidi Ould Cheikh Abdallah a pourtant été renversé pour l'un des motifs suivants: « INSECURITE » De mémoire d'hommes, on n'a jamais entendu parler d'attentats en Mauritanie. Mais, comme par hasard depuis l'arrivée du général, (celui là même qui parle d'insécurité) des kamikazes se sont fait exploser à Nouakchott, ont tué des touristes français, ont tué un humanitaire américain, ont attaqué une caserne militaire au nord du pays dont le bilan a été lourd, la liste macabre est longue…Dans quel camp se trouve réellement l'insécurité?



D.A:
On a beau prétendre avoir tous les moyens pour se proclamer invincible, on trouvera toujours quelqu'un plus fort que soi. La question que vous soulevez ici est essentielle en cela que la lutte contre le terrorisme est devenue un fond de commerce pour beaucoup de dirigeants qui veulent s'attirer les faveurs de l'occident dans sa lutte contre ce fléau devenu mondial. Il est vrai que parmi les arguments avancés par Aziz pour justifier la destitution de Sidi Ould Cheikh Abdallah, la lutte contre le terrorisme en était un. Malheureusement, les évènements que vous avez cités et qui sont sans précédents en Mauritanie, ont démontré que la lutte contre le terrorisme est loin d'être gagné!


OCVIDH: Pour revenir à une autre réalité de la Mauritanie! Pourquoi quand un noir revendique ou présente des doléances en tant que citoyen, il est taxé de « raciste, de flamiste, d'étranger » etc.?

D.A:
L'explication est simple: Il n'existe pas d'Etat Nation en Mauritanie, c'est-à-dire un Etat dans lequel chaque citoyen doit apporter sa contribution au développement du pays pour le bien être collectif.

Les esprits étroits resteront toujours ce qu'ils sont car leur vision d'une Nation ou d'un Etat est portée sous un autre angle. Et pourtant, des voix discordantes se font entendre sur tel ou tel sujet en Mauritanie et tant qu'elles émanent des autres communautés, il n'y pas de tollé à soulever mais dès qu'un noir revendique ou propose quelque chose, eh bien il est « flamiste, raciste » et j'en passe. Il appartient aux mauritaniens seuls que nous sommes de relever le défi de la mondialisation et de mettre nos appartenances ethniques, raciales ou tribales de côté pour nous consacrer à l'effort collectif.


OCVIDH: Cet état de fait ne démontre-t-il pas tout simplement que les démons des années Maawiyya sont toujours là?

D.A:
Personnellement, que les démons des années d’Ould TAYA, soient là ou pas, ce n'est pas ma préoccupation première. C'est au peuple mauritanien de faire barrière à ces individus qui ont tant fait souffrir le pays par leurs idéaux obscurs. Il faut une prise de conscience collective des erreurs commises dans le passé, les corriger et une volonté inébranlable de servir le pays avec dévouement et intégrité.


OCVIDH: Êtes-vous d'accord avec cette affirmation selon laquelle « la Mauritanie sera en noir et blanc ou en blanc et noir ou ne sera jamais »?

D.A:
La Mauritanie est un pays indivisible, où toutes les communautés doivent vivre dans la paix et dans l'harmonie et ce doit être le combat de tout mauritanien qu’il soit noir ou blanc. Il s’agit ainsi de dépasser le cadre des représentations ou croyance en la nécessité d’une prise en charge spécifique du problème racial en Mauritanie. Certes comprendre la diversité est une compétence qui s’acquiert. Elle réclame un effort de construction intellectuelle. Son acquisition passe par une modification du regard porté à l'autre, des attitudes et du comportement.

Oui, la Mauritanie est en noir et blanc ou en blanc et noir comme on veut et elle le demeurera qu'on le veuille ou pas et c'est ma conviction profonde!


OCVIDH: en tant qu'économiste gestionnaire,et Analyste-évaluateur de projets, quels seraient les conseils utiles que vous donnerez aux responsables politiques mauritaniens, majorité et oppositions pour bâtir un Etat fort sur le plan économique, social et politique?

D.A:
Dans une économie de marché, de plus en plus changeante, le développement est une initiative locale, une volonté de s’impliquer de façon conséquente dans le processus de développement. Quelle est la clé de la croissance, de l'emploi, du pouvoir d'achat, de la consommation, du progrès social et technique, bref du dynamisme économique de notre pays?

Aujourd’hui, il est clair que le bilan est médiocre, la dégradation et /ou l’effondrement d’infrastructures telles que les écoles, les centres de santé, les routes, les centres administratifs, etc.

La dette insoutenable, perpétuée par des déficits budgétaires chroniques dus à des dépenses douteuses au profil de quelque gens stupides et crapuleux.

La faiblesse du niveau des revenus par habitant aggravées par des taux de croissances démographiques galopantes.

Le chômage généralisé, pour ne pas dire la misère que connait le pays tant en milieu rural et qu'urbain.

Le manque de la valorisation des ressources humaines aux infrastructures de base, à la technologie ainsi qu'à l'environnement institutionnel, financier et juridique quasi inexistants.

En ce qui concerne, le secteur public, l’ambition est de parvenir à asseoir une administration compétente, efficace, efficiente et soutenue par la bonne gouvernance et capable de répondre aux besoins des citoyens.

En effet, le nouveau contexte de la croissance et du développement économique caractérisé par la prépondérance ; rend impérative une amélioration significative de la performance des capacités techniques et organisationnelles de l’administration publique de notre pays.

S’agissant du secteur privé, il est nécessaire de faire émerger un secteur privé dynamique, compétitif, capable de répondre aux besoins du marché local et de conquérir des marchés régionaux et /ou internationaux.

Pour ce faire, il faudra que le secteur privé puisse s’adapter constamment aux innovations technologiques afin de contribuer à l'essor d’une société industrielle. Il faudra mettre un accent particulier sur le renforcement des capacités de gestion, la conquête des marchés des PME-PMI et aussi les opérateurs du secteur informel, afin de donner à ceux-ci les moyens de rendre leur activité viable.


En ce qui concerne la société civile, il faut parvenir à l'impliquer, de la meilleure façon qui soit, dans le processus de développement pour en faire une partenaire efficace. A cet effet, il s’agira de procéder à la rationalisation du cadre d’intervention des ONG et associations civiles, à la promotion du dialogue (Gouvernement Société Civile) et la professionnalisation des opérations concernées. Il s’agit là de renforcer les capacités de la société civile en matière d’éducation/formation, d’organisation, de communication de gestion financière et de défenses de ses intérêts.

La formation professionnelle est l’un des piliers essentiels de politiques de développement économique et social de notre pays. A cet effet, d’importants efforts qui demeurent insuffisants ont été faits en faveur de la formation. Par ailleurs, le décret de loi portant sur l’enseignement supérieur qui accorde un rôle de plus de plus important au secteur privé dans l’expansion du secteur, a été adopté.


Mon espoir et ma conviction portent à croire que l’ISET (Institut Supérieur d'Enseignement Technologique) saura, en tenant compte de la spécialité de notre pays, nous aidera à gagner la baille en développant des formations de qualités en faveur des femmes et des hommes dans le secteur agricole. Ainsi pourrions-nous mettre à la fois les ressources humaines pour faire de notre pays, un pays émergeant. Je formule ici des vœux de plein succès aux activités de l’ISET.


Le partenariat est également indispensable, la société civile doit être aidée à mieux s’organiser, cette question revêt une importance capitale pour notre pays.


Pour ce faire, les autorités publiques doivent mettre un ensemble de mesures spécifiques afin de réduire la pauvreté directement, par exemple par la mise en œuvre d'un plan de filets de sécurité sociale bien ciblés, l’amélioration de l’accès aux services de santé, l’éducation de base et l’exécution de programmes publics d’emploi.


OCVIDH: nous vous remercions M. DIALLO d'avoir consacré une partie de votre temps précieux à répondre à nos questions.



D.A:
Permettez-moi de vous réitérer mes sincères remerciements pour m’avoir reçu à OCVIDH. Je vous encourage à inviter plus de mauritaniens et d'autres nationalités ayant une connaissance de la Mauritanie et des mauritaniens pour qu'ils s'expriment et discutent de ses problèmes afin qu'ensemble nous trouvions des solutions pour le développement de notre pays

Pour conclure le développement de notre pays doit désormais être pensé en termes d’efficacité et de nécessité de réussite.



Nous devons raisonner en termes de gestion et de création d’outils adaptés. Il est fondamental de coordonner les interventions des différentes collectivités territoriales l’ensemble des opérateurs afin d’éviter des contradictions ou des oppositions. Le principe de la contractualisation sur les objectifs clairs et précis pour apporter des réponses appropriées.



Les régions et les départements doivent s'impliquer de plus en plus dans des structures de développement (communes, agences de développement etc.) une contractualisation autour d’objectifs visant à créer des activités et des emplois porteurs. Ce type de procédure ne peut qu’être satisfaisant pour toutes les parties concernées ; elle respecte leur autonomie, elle permet de conjuguer les efforts, elle permet surtout d’éviter le danger du financement de structures à « coquilles vides » qui est malheureusement une autre facette de gestion dans notre pays afin de privilégier les réalisations concrètes.



Entretien réalisé par



DIAGANACheikh

Secrétaire Général adjoint

www.ocvidh.org
Source: www.ocvidh.org

Dimanche 2 Janvier 2011
Boolumbal Boolumbal
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