Halte à la discrimination!



Halte à la discrimination!
Depuis quelques temps un sujet très sensible relatif à une question nationale est au centre de beaucoup de débats à Nouakchott notamment dans les bureaux, salons etc.

En effet, respectivement le premier ministre Moulaye Ol Laghdaf et le ministre de la culture Mme Cissé Mint Cheikh Ould Boydé ont tenu des propos tout à fait incorrects et maladroits à l’endroit de tous les Mauritaniens, en particulier aux communautés pulaar, soninké et wolof.

Le premier ministre lors de la clôture des journées de promotion de la langue arabe a affirmé sa volonté de « faire de l’arabe la langue d’échanges administratifs, de l’éducation et de la recherche scientifique ».



La ministre de la culture, suivant cette même cadence ajoutait quelques jours plus tard que « le grand défit de la langue arabe est la propagation des langues et dialectes locaux »

Cette attitude du premier ministre et de son ministre de la culture traduit l’expression d’une volonté résolue de remettre en cause l’unité nationale jusque là fragile et la possible réconciliation de la Mauritanie avec toutes ses composantes. Car affirmer que la Mauritanie est un pays arabe est une violation pure et simple de la constitution qui, dans son préambule stipule que la Mauritanie est une république islamique arabe et africaine.

Arabe est une notion culturelle, africain est un concept géographique certes renvoyant ici aux communautés noires qui composent la Mauritanie ainsi qu’à leurs langues. Plus loin l’article six (6) de la même constitution précise que les langues nationales sont : l’arabe, le pulaar, le soninké, et le wolof; la langue officielle est l’arabe.

L’écart du premier ministre et de son ministre de la culture n’est pas à démontrer. Alors, dans leurs fonctions respectives le président de la république est gardien de la constitution et le conseil constitutionnel doit veiller au respect de l’application de cette dernière lors de l’élaboration des lois (à l’extrapolation cette fonction exige du conseil à s’assurer de la conformité lorsqu’on doit transmettre ou exploiter le contenu de cette constitution).

Alors pourquoi le président de la république et/ou le conseil constitutionnel n’intervient pas ? Veulent-ils faillir à leur mission ? En tout cas le silence observé ici et là devant ces propos fallacieux du premier ministre et du ministre de la culture trahit une forme de complicité de ces institutions de l’Etat : le président de la république et le conseil constitutionnel.

Concernant les propos du ministre de la culture, elle préconise que les langues nationales constituent un frein au développement de la langue arabe. C’est une aberration, une ignorance pour ne pas dire une carence intellectuelle Sinon ni techniquement encore moins pédagogiquement l’enseignement d’une langue à côté d’une autre n’a jamais été en soi un frein.

La richesse culturelle de la Mauritanie trouve sa source dans sa diversité linguistique. Il nous sied de rappeler au premier ministre et au ministre de la culture que c’est cette diversité que l’on doit retrouver partout qui doit sous tendre et constituer le fondement de notre unité nationale, en lui donnant toute la substance pour sa survie.

Cette dérive opérée au plus haut sommet de l’Etat par des responsables du gouvernement est une affaire de tous, du moins de tout ceux qui incarnent un esprit de justice ou de tout ceux qui aspirent à ce que toutes les communautés en paix vivent les unes à côté des autres dans une Mauritanie unie égale et justice.

Nous disons qu’il s’agit d’une affaire de tous parce que tout mauritanien mu par un sentiment de paix et de justice doit dénonce cette bavure. Cependant, la gifle ne peut nullement être ressentie de la même manière par toutes les communautés qui composent ce pays.

En effet, une fois encore les communautés autres que les arabo- berbères, en l’occurrence les pulaar, soninké et wolof viennent de subir un revers dans leur dernier retranchement. Car il faut le dire la volonté du gouvernement, qui ne souffre de l’ombre d’aucun doute, est de nature à entraver l’expansion des langues nationales voir leur extinction totale.

Il s’agit là de continuité d’une politique culturelle discriminatoire et raciste amorcée il y a quelques années sous le règne de l’ancien dictateur le président Maouya Ould Sid Ahmed Taya et c’est cette même discrimination que l’on retrouve au niveau des nominations dans les hautes fonctions de l’administration publique.

Or l’histoire nous enseigne que le droit d’un homme d’une communauté ou d’un peuple ne s’octroie jamais par altruisme. Il est toujours le résultat d’une lutte ou d’un sacrifice. La Mauritanie et sa communauté noire ne constituent pas des cas isolés.

Il s’agit donc là d’une politique discriminatoire dont le premier ministre s’érige en véritable chef d’orchestre, soutenu en cela par son ministre de la culture dans un concert où le public semble, hélas, passif. Nous ne pouvons comprendre ce silence observé et entretenu tant par la classe politique que par la société civile, mais surtout par des hommes et des femmes de culture sensés défendre et promouvoir les langues nationales ainsi que les cultures qu’elles incarnent.

Levons tout de suite l’équivoque et écartons toute interprétation à vocation d’amalgame. Il ne s’agit pas pour les Négro-africains de réfuter l’acquis de la langue arabe, encore moins de défendre comme le pensent certains la langue française. Non la problématique est tout autre car il s’agit plut tôt de refuser toute oppression ou marginalisation des langues nationales que sont le pulaar le soninké et le wolof retenues dans la constitution comme langues nationales à côté de l’arabe érigée en langue officielle de surcroît.

C’est pourquoi face à cet état de fait nous lançons un appel pressant à tous les fils de Mauritanie à barrer la route aux antipatriotes. Car l’incitation à la divergence nationale est contraire à tout sentiment de civisme.

Nous demandons aux communautés négro-africaines de tout bord confondu de prendre leur courage en main et d’assumer leur responsabilité afin de ne pas être surpris par les résolutions des états généraux de l’éducation (annoncés) et d’hypothéquer l’avenir des nouvelles générations, mais également pour éviter à la Mauritanie de se retrouver dans une situation catastrophique susceptible de fragiliser d’avantage notre unité nationale déjà mise à rude épreuve dans notre histoire récente.

A l’Université de Nouakchott, toutes facultés comprises, le mouvement des étudiants négro-africains dont nous soutenons au passage de part la légitimité et la justesse de son action ; est entrain de prendre de l’ampleur. Seul le patriotisme doit régir l’idéologie de tout les fils de ce pays pour qu’ensemble chacun d’entre nous se place en perspective de contribuer modestement à la construction de la Mauritanie de nos rêves.

Une Mauritanie débarrassée de toute forme d’injustice, dépourvue de toute pratique des méthodes antidémocratiques et proclamant haut et fort le respect strict des droits de homme.

Le socio politologue Fustel De Coulanges dans sa démonstration d’un vouloir vivre collectif des ressortissants d’un même Etat à travers les liens objectifs et subjectifs devant les unir avait écrit : « les hommes sentent dans leurs cœurs qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idée d’intérêt d’affection de souvenir et d’espérance » ce sont ces considérations qui déterminent l’existence d’une nation.

Amadou Tidjane Diop




Source: AmadoubTidjane Diop

Mercredi 31 Mars 2010
Boolumbal Boolumbal
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