Etre invisible comme une femme noire en France

Les femmes noires sont le plus souvent invisibles dans l'espace public. C'est un échec de la culture française qui ne sait pas les inclure.



Dans son documentaire Trop noire pour être française, la réalisatrice Isabelle Boni-Claverie raconte et analyse le racisme de la société française. Avant la diffusion sur Arte vendredi 3 juillet, Libération le rend disponible sur son site et fait circuler le #TuSaisQueTuEsNoirEnFranceQuand sur Twitter pour récolter des témoignages. A cette occasion nous republions cet article du 22 octobre 2014, publié à la sortie du film Bande de filles.

Vous vous souvenez de la première fois que vous vous êtes dit, en lisant un livre, en voyant un film, que le personnage en face de vous vivait exactement ce que vous viviez? Que soudainement un questionnement, un problème, des interrogations qui vous avaient hanté prenaient corps dans une œuvre de fiction et vous offraient un discours pour articuler ce que vous ressentiez depuis tellement longtemps?

Etre femme et noire


Pour Anna1, ce fut Tar Baby, de Toni Morrison, prix Nobel de littérature 1993. Anna avait 20 ans, et c’était la première fois qu’elle lisait un livre dont l’héroïne était une femme noire contemporaine vivant le même genre de vie qu’elle:
«Il y avait plein de détails qui m’interpellaient: ses cheveux, ce qu’elle mettait sur sa peau. Plein de détails de mon quotidien que je n’avais jamais lus, tout à coup je les lisais chez une auteure afro-américaine et là ça a été la grosse claque. Je me suis dit: oui j’existe. Je peux me lire.»
Si Anna a attendu ses 20 ans pour se retrouver dans des représentations culturelles, c’est parce que cette jeune fille française est noire, et qu’en France, les femmes noires sont presque inexistantes dans l’espace public.
Elles ne sont pas dans les films (Aïssa Maïga et Firmine Richard sont les seules comédiennes noires reconnues en France), elles ne reçoivent pas de prix (le seul César du meilleur acteur jamais remis à un noir l’a été à Omar Sy en 2012). Elles ne sont pas sur les couvertures de magazines non plus: en 2013, selon un calcul réalisé par Slate, seulement 5% des mannequins montrées dans Vogue étaient noires ou métisses; idem dans Glamour; 8% dans BE; 1% dans Grazia; 3% dans Elle. En couverture, c’était parfois zéro. A la télévision, selon le baromètre CSA de la diversité, établi selon l’origine auto-déclarée (les statistiques ethniques sont interdites en France), on compte 16% d’individus «perçus comme non-blancs». Donc nécessairement moins de 16% de noirs. L'Assemblée nationale ne compte que trois députées noires pour la France métropolitaine, George Pau-Langevin, Seybah Dagoma (toutes deux élues à Paris –la première fait partie du gouvernement) et Hélène Geoffroy (élue de Vaulx-en-Velin).

Source:http://www.slate.fr

Mercredi 14 Décembre 2016
Boolumbal Boolumbal
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