Cinquantenaire de l’indépendance : Madame Adama Baba Doumbia à cœur ouvert au « Le Rénovateur »



Cinquantenaire de l’indépendance : Madame Adama Baba Doumbia à cœur ouvert au « Le Rénovateur »
Le Rénovateur : Bonjour Madame! Où étiez-vous le 28 novembre 1960?

Mme Adama Baba Doumbia :
Bonjour, je remercie la famille du Rénovateur, pour m'avoir donné cette opportunité. Pour revenir à votre question initiale, le 28 novembre 1960, j'avais six ans, donc une petite fille innocente au milieu de ses parents dans le laboratoire de la cohabitation, que constitue la ville de MBout. Une année après, j'ai eu le privilège d'être envoyée à l'école.

Le Rénovateur : Etre fille et aller à l'école, à l'époque. Est-ce une chance ou un hasard familial?
Mme ABD: Comme, je vous l'ai dit, c'est un privilège d'être issue d'une famille intellectuelle, avec un père fonctionnaire des Eaux et Forêts et des oncles enseignants. Donc à priori, mon destin d'écolière était tout tracé, ce qui n'était pas le cas, malheureusement de beaucoup de filles de mon âge.

Le Rénovateur : La femme mauritanienne, n'est-elle pas absente dans l'histoire du pays?

Mme ABD :
Bien sûr que non ! En dépit de la première génération des femmes politiques (Mme Aissata Kane - Mme Daddah etc.), je peux l'affirmer sans risque de me tromper, que la mauritanienne a été de tout les temps présente dans l'histoire. Pour la simple raison d'être épouse et mère, c'est sur ses épaules, que se repose le fardeau familial de l'éducation. Maintenant, il faut peut être souligné le caractère discret et effacé de la femme mauritanienne, mais elle est toujours efficace et dynamique. Comme le dit l'adage maure :"Ce que les tresses imposent, la barbe l'applique."

Le Rénovateur : En tant qu'enseignante à la retraite et nous sommes à la veille de notre cinquantenaire, donc c'est l'heure des bilans. Quel est votre bilan d'enseignante?

Mme ABD :
Modestement, je crois avoir un bilan positif car j'ai la conscience tranquille d'avoir servir loyalement la fonction qu’on m'avait confiée. Un poste qui m'a d'ailleurs fait découvrir la quasi-totalité de notre vaste territoire. Au delà des découvertes, dans la foi du métier j'ai donné le meilleur de moi-même à mes élèves. L'école élémentaire est un passage obligé de tout enfant donc une pierre angulaire sur laquelle, doit se forger l'esprit de l'enfant-élève.

Pour la petite anecdote, je me souviens en 1976, alors jeune enseignante dans ma classe, un parent d'élève se présente avec un gros paquet comme cadeau, dont j'ignore le contenu. J'ai refusé le cadeau parce que déontologiquement, ce n'était ni le moment ni le lieu. Je l'ai rassuré que son fils est l'un de mes meilleurs élèves.
Je me demande en silence, si c'était aujourd'hui car nous faisons face à une crise multidimensionnelle de l'éducation. En toute sincérité, à notre époque l'éducation était sacrée et l'enseignant était un modèle digne de respect et d'estime.

Le Rénovateur : Votre modèle?

Mme ABD :
Franchement c'est mon père car lorsque j'ai perdu ma mère à l'âge de 13 ans, il s'est engagé à jouer pour nous, le double rôle de père et de mère. Etant l'aînée, il m'a inculqué le sens de la responsabilité et le rôle que me conférait le droit d'aînesse, vis à vis de mes petits frères et sœurs.

Le Rénovateur : Votre souvenir bon ou mauvais durant votre carrière?

Mme ABD :
Malheureusement c'est un mauvais souvenir et récent car c'est en fin de ma carrière. Un amer souvenir qui confirme l'ingratitude du métier d'enseignant. Lorsque je suis allée à la retraite, une semaine après, on voulait me faire quitter mon logement en pleine année scolaire. Mon logement est attribué à un collègue, qui me bousculait jour et nuit, pour quitter les lieux. Je ne lui en veux pas, c'est plutôt à l'administration d'être diplomatique, pour honorer ses retraités au lieu de les humiliés. Surtout quand on sait parfois le laxisme de cette même administration, qui privilégie certains au détriment des autres. Alors que, je demandais tout juste de finir l'année scolaire, pour ne pas perturber mes enfants et petits enfants élèves.
Donc je suis partie avec le sentiment d'humiliation, au moment où je devais être honorée aprés tant d'années au service de l'éducation.

Le Rénovateur : Etant membre de la commission régionale d'organisation du cinquantenaire, pouvez-vous nous faire l'esquisse de votre agenda ?

Mme ABD :
Franchement nous souffrons de l'improvisation et de l'incohérence. Etant membre de la cellule de communication, j'ai l'impression que la communication n'a pas été bonne. Un cinquantenaire ne se fête pas tout les jours, donc c'est du sérieux, il fallait associer toutes les franges de notre société, dans sa diversité avec comme tête de pont, les témoins vivants de cette histoire.

Le Rénovateur : Ces incohérences peuvent-elles, nous amener à parler d'un problème de cohabitation?

Mme ABD :
Dieu Merci, étant une fille de MBout, je ne peux pas parler de problème de cohabitation parce que cette ville en elle-même, constitue un laboratoire de cohabitation entre toutes les communautés. Même son parler au quotidien, réflète cette ambiance fraternelle et chaleureuse. Pour preuve de cette parfaite symbiose, je parle couramment le Hassaniya, le Poular, le Bambara, le Soninké et le Wolof. Sans oublier l'arabe et le français que j'ai étudié à l'école.

Le Rénovateur :Quel est le nouvel emploi du temps de la jeune retraitée?

Mme ABD :
En tant que jeune retraitée (Rires), je crois plus que jamais avoir un grand rôle à jouer. Je me sens investie d'un rôle primordial, dans le mouvement social pour aider la femme à s'épanouir. En tant que partie prenante de la société, la femme est au début et à la fin de tout processus de développement. Ce qui justifie mon implication dans plusieurs associations féminines et notamment ma modeste expérience à la CENI Régionale, m'a aidée à prendre du recul, pour jouer un rôle de facilitateur social au sein de ces associations.

Le Rénovateur : Votre dernier mot?

Mme ABD :
En vous remerciant, permettez-moi, d'adresser mes vœux de bonheur et de prospérité à tous mes compatriotes, à l'occasion de la fête de Tabaski et du cinquantenaire de notre pays. Qu'Allah fasse de la Mauritanie un ilot de paix et de fraternité.
Le Rénovateur : Nous vous remercions.
Mme ABD : C'est moi, qui vous remercie.

Propos recueillis par NGam Seydou, CP à Nouadhibou.




Source: Renovateur

Dimanche 21 Novembre 2010
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