Bilan du Gouvernement : Le Premier ministre peine à convaincre .

Le Premier ministre Moulaye ould Mohamed Lagdhaf a présenté le bilan de son Gouvernement pour l’année 2010. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas dérogé à la règle de l’autosatisfaction, malgré la conjoncture difficile que traverse le pays



Bilan du Gouvernement : Le Premier ministre peine à convaincre .
Le Premier ministre Moulaye ould Mohamed Lagdhaf a présenté le bilan de son Gouvernement pour l’année 2010. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas dérogé à la règle de l’autosatisfaction, malgré la conjoncture difficile que traverse le pays.


Ce n’est pas, à proprement parler, une déclaration de politique générale, mais le bilan d’une année de l’action gouvernementale. Il a évoqué le travail de son équipe, sans dire clairement ce qui sera fait, de nouveau, pour l’année en cours. Ce qui, en analyse, indiquerait que le programme de l’année dernière est loin d’avoir été réalisé, et qu’il continuera de guider l’action du gouvernement.

Ce qui est difficile à admettre, c’est la priorité accordée à l défense et à la sécurité, alors que le pays n’est pas sen guerre. Elle ne fait face qu’à de petites bandes extrémistes de l’AQMI, et de quelques groupes de trafiquants de drogue liés à la nébuleuse islamiste. Ce qui, en terme de développement, risque de faire pâtir les secteurs d’avenir comme l’éducation, la santé, l’emploi, les infrastructures… Il faut se garder de cette orientation dangereuse à court terme. Les récentes émeutes en Algérie, malgré des revenus colossaux du pétrole, sont édifiantes, à cet égard. Le tout sécuritaire a amené le gouvernement à négliger les secteurs sociaux, et il en fait, aujourd’hui, les frais. Au prix fort.

Absence d’indépendance de la justice

Le discours du Premier ministre s’est articulé autour de six axes qui constituent la trame de son action : la refondation de l’Etat ; les politiques économiques, monétaires et financières ; le renforcement des infrastructures de bases ; la promotion des ressources humaines et le développement durable, et les politiques sociales orientées. En ce qui concerne la refondation de l’Etat, « il dira que le Gouvernement a axé ses efforts sur la réforme de la justice, la modernisation de l’administration, le raffermissement de la décentralisation, et d’une manière générale, sur l’ancrage de l’Etat de droit et de la démocratie dans un climat de sécurité, de stabilité et de respect des libertés collectives et individuelles ».

Qu’en est-il de la justice pour laquelle des réformes ont été annoncées ? En tout cas, ce secteur n’a pas changé, ni rompu d’avec les mauvaises pratiques qui la caractérisent. Ce n’est pas dans la formation que réside le problème de ce secteur, mais dans la pratique. L’absence d’indépendance et d’équité.

Pour ce qui est de la décentralisation, on peut soutenir, sans conteste, que c’est là que les performances du Gouvernement sont mauvaises. Vingt ans d’existence de municipalités n’ont pas donné celles-ci la moindre parcelle de compétences réelles. L’administration reste toujours maîtresse de la gestion des collectivités. L’exemple de la Communauté urbaine de Nouakchott est édifiant. Malgré des compétences, dont celle-ci disposerait sur le papier, l’application de ses programmes, et même l’utilisation de ses propres ressources sont tributaires du bon vouloir ou de l’humeur du Gouvernement. L’Etat gagnerait à se désengager de la gestion de certains pans au profit des municipalités, comme les politiques de développement local, pour mieux se concentrer sur l’essentiel, le développement national. Des textes, à eux seuls, ne suffiront pas, il faut, surtout et avant tout, une réelle volonté d’appliquer la décentralisation dans son esprit et à la lettre.

L’administration, comme l’a reconnu le président de la République, lui-même, dans son interview à « La Tribune », continue de traîner ses pires maux. La médiocrité la gangrène. Les nominations ou promotions sont toujours marquées du sceau du népotisme, du tribalisme et du clientélisme. La notion de la sanction et de la récompense galvaudée de tout temps relève de la chimère.

Avancées notables dans le domaine de la liberté d’expression

Concernant les marchés publics, le Premier ministre a annoncé que « la Commission centrale des marchés a supervisé l’octroi de 150 marchés au profit de 109 entreprises ». Il est de notoriété publique que l’octroie de ces marchés n’obéit pas aux critères de transparence, et ne se base sur aucune technicité bien avérée. Ce qui fait que de nombreux chantiers sont de mauvaises qualités, parce que mal exécutés, ou traînent en longueur, au mépris des délais. Le Gouvernement gagnerait à se départir de la politique de l’autruche pour défendre les intérêts de l’Etat et la pérennisation des ouvrages.

Dans le domaine de la liberté d’expression, on peut soutenir des avancées notables. En ce sens que, depuis quelques temps, les gens sont rarement poursuivis pour leur opinion. La presse connaît, elle aussi, une liberté, nonobstant ses difficultés, dont on peut affirmer qu’elle a sa part de responsabilité. Les mesures annoncées par le Gouvernement pour soutenir le secteur vont dans le bon sens. La prochaine libéralisation de l’audiovisuel est un pas important. Mais, il reste que les structures de régulation doivent être à niveau pour accompagner les mutations prévues du secteur de la communication.

Budget 2010 excédentaire ou déficitaire ?

Quant à la politique économique, le Premier a estimé le taux de croissance du PIB, hors pétrole, à 5.6 % en 2010 contre 1.1% en 2009, soit une progression de 4.5 %. Le hic est que ce taux ne s’est pas répercuté sur la situation de l’emploi, ni amélioré les revenus des travailleurs, ou atténuer les conditions de vie difficiles des ménages. On aimerait savoir où est passée cette croissance mirifique. Si le déficit des finances publiques a été ramené de 3.8% en 2009 à 3% en 2010, grâce aux efforts de recouvrement d’impôts et à la maîtrise des dépenses publiques, on n’ignore le taux d’exécution du budget de 2010, d’un montant de 374.620.410.000 UM. Est-il déficitaire ou excédentaire ? Celui de 2011, chiffré à 382.541.400.000 UM, plus de 2.11% que le précédent, n’a pas été explicité dans sa réalistion. Quel pourcentage de ce budget sera consacré à la lutte contre la pauvreté, dans le cadre du plan d’action du Cadre Stratégique 2011-2015 ? Les mots n’expliquent rien, il faut des chiffres. La pauvreté est très loin d’avoir reculée.

Toujours, dans le domaine économique, les engagements des bailleurs à la table ronde de Bruxelles, plus de trois milliards de dollars, affirme-t-on, n’ont été réalisés, effectivement, en ce moment, que pour un montant de 500 millions dollars, ce qui est très peu par rapport aux engagements souscrits. Le Gouvernement serait-il dans l’incapacité de réaliser les projets annoncés en les rendant bancables ? On serait tenté de répondre par l’affirmative, au vu du tapage qui avait accompagné la fin de la table ronde de Bruxelles.

La stratégie de lutte contre la corruption ne battrait-elle pas de l’aile ? L’indice de classement « Transparency International » fait ressortir un recul net de la Mauritanie de 13 points en 2010. Comment un Gouvernement, qui fait de la lutte contre la gabegie et la corruption ses priorités, s’est-il retrouvé dans un classement qui le ramène ainsi en arrière ?

Ressources financières générées par l’exploitation du pétrole inconnues

Evoquant le secteur de la pêche, le Premier ministre a indiqué que les recettes fiscales réalisées en 2010 ont atteint 41 milliards d’UM, malgré la réduction – 13% - de la contrepartie financière de l’accord de pêche avec l’UE. Comment en est-on arrivé à cette réduction ? Flottes réduites ? Mauvaise négociation ? Empressement ?

Parlant de l’agriculture, le Premier ministre a laissé entendre que 4.5 milliards d’UM ont été mobilisés sur la période 2010-2015. Le hic est que, jusqu’à présent, les résultats de la campagne 2010 sont loin d’être connus. Et que les cultures sous pluie ont connu des catastrophes, avec l’invasion des oiseaux granivores, sans que l’Etat daignât intervenir. Alors que l’ex emblématique Plaine de M’Pourié attend sa réhabilitation, toujours reporté. Il a été encore passé sous les silences les projets d’aménagement des terres de la Vallée, en expropriation des propriétaires traditionnels, au profit des industriels de l’agro-business. Pourquoi ? Le secteur de l’élevage n’a pas eu l’attention qu’il mérite. C’est bien de construire des abattoirs, mais il faut surtout trouver des débouchés pour la viande produite, et aussi penser à la transformation locale de produits animaliers, comme le cuir

Dans le domaine du Commerce, de l’artisanat et du tourisme, le Premier ministre n’a pas répondu aux attentes. Surtout sur la hausse vertigineuse des prix de presque toutes les denrées, alimentaires et autres consommables domestiques, à commencer par le carburant. Il est temps que le Gouvernement ouvre les yeux. Les boutiques SONIMEX n’intéressent personne, car les ménages vivent de dettes. Dans le domaine du tourisme, si le marché mauritanien se réduit aux voyages touristiques en provenance de Paris et de Marseille, on ne peut que le déplorer, au vu des énormes potentialités que renferme le pays.

Dans le domaine minier et du pétrole, il y a lieu de se demander si les attributions quasi ininterrompues de permis de recherche ont eu l’impact escompté pour le pays. Le doute est permis, en l’absence d’indices clairs. D’autant que la Commission sur la transparence sur les transactions minières n’a, à ce jour, produit aucun rapport permettant de vérifier la véracité des allégations du Gouvernement. Par exemple, l’opinion publique ne connaît pas, aujourd’hui, le montant des ressources financières générées par l’exploitation du pétrole qui sont versées dans un compte spécial.

Dans le secteur des infrastructures, on peut admettre qu’il y a une ferme volonté de les promouvoir, mais à trop vouloir privilégier la quantité au détriment de la qualité, l’entreprise pourrait s’avérer ruineuse, à moyen terme. Il serait bon, une fois pour toute, de faire appel à des entreprises professionnelles, dont les offres techniques ne souffriraient d’aucun doute.



TMA pour GPS


Lundi 10 Janvier 2011
Boolumbal Boolumbal
Lu 282 fois



Recherche


Inscription à la newsletter