Au nom de la république : Aziz, erreur d’aiguillage.



Au nom de la république : Aziz, erreur d’aiguillage.
Depuis peu, il y a comme un relâchement de la part des pouvoirs publics. Légèreté, besoin de plaire ou « navigation au pif » ? Une erreur d’aiguillage n’est pas en soi dramatique, dès lors que le train qui en profite est envoyé sur une aire de repos.

En revanche, suite à un épuisement, à une étourderie momentanée ou à une négligence, l’orienter sur une voie empruntée dans le sens opposé par un autre train, fût-il encore à des centaines de Km de là, peut avoir des conséquences désastreuses, aussi bien pour les passagers que pour les véhicules. Une collision frontale n’est pas à redouter ou à craindre, mais inévitable.

Tout « tango » judiciaire (un bond de kangourou en avant, trois en arrière en passant par deux sur le côté) ne peut en aucun cas contribuer à rehausser l’image de la Justice dans un pays, surtout lorsque l’Etat y est impliqué, lorsque les avocats sont dégoûtés, lorsque le bâtonnier en personne en vient à perdre son latin.


Un verdict clair et net (même injuste) passerait mieux qu’un procès à répétition suivi de verdicts plus lourds les derniers que les premiers. D’emblée, malgré soi, on donne l’impression d’avoir gardé une dent, de cultiver rancune, de vouloir « régler ses comptes ». Et, aujourd’hui, de fil en aiguille, partout des voix s’élèvent pour conspuer et vilipender les pouvoirs publics.

Condamner est une chose, en expliquer les raisons au peuple mauritanien, et aussi à ceux qui nous observent de l’étranger, en est une autre. La pédagogie a méchamment fait défaut. Et au train où vont les commentaires, à moins de le libérer (ce que je préconise), l’Etat est en train de façonner, suite à ses maladresses, un « héro » et très certainement bientôt un futur leader dans les rangs de l’opposition.

Ce prisonnier, au stade actuel de reconstruction humaine et physique de la Mauritanie, au moment où nous tentons à nous façonner une autre image, ce prisonnier-là, disais-je, pourrait nous devenir une épine au pied. Et ça, entre nous, on pouvait bien s’en passer. Qui d’entre nous ne rêve-t-il pas de voir notre pays, enfin, défrayer la chronique à l’étranger ?

Mais seulement en termes de surpassement de soi, de prouesses. Un gouvernement qui croit « rééduquer » ses citoyens par le truchement de la seule sanction est un gouvernement qui manque de psychologue dans ses rangs. Parfois, en aparté, sans tambour ni trompette, entre quatre yeux, un petit conseil, voire une tranquille remontrance, suffit largement à remettre au pas.

Vouloir humilier, traumatiser ou faire peur n’a jamais, de mémoire de psychologue, rééduquer qui que ce soit. Surtout pas un intello, de surcroît journaliste. D’ailleurs, un de ces quatre, dès qu’il aura regagné l’air libre, ça ne m’étonnerait pas qu’il nous sorte un petit bouquin. Au brouhaha provoqué par la condamnation de Hanevi vient de s’ajouter, silencieuse mais tout aussi pernicieuse, la menace des centrales syndicales, quant à l’éventualité d’une grève.

Prenons garde. Hanevi par ici, syndicats par là, frustration de l’opposition de l’autre côté et, par-dessus tout ce monde désabusé, Shéitane : ce sont les petites rivières qui font les grands fleuves. Quand on lit la répartition des indemnités de transport, on ne peut s’empêcher de croire, mordicus, que ce dossier a été bâclé, tant les primes sont disproportionnées, voire carrément scandaleuses pour certaines catégories.

En fait, « pas bâclé ». Ce dossier illustre plutôt le peu de respect qu’on a pour certains fonctionnaires. Mais là n’est pas vraiment le but de mon article. Revenons plutôt à mon « erreur d’aiguillage ». Ce qui me préoccupe dans ce chapitre des « sous » c’est ce « relâchement », une fois de plus, dont j’ai parlé tantôt. « Prime » par-ci, « Prime » par-là… Est-ce vraiment le moment ? Le Général s’est-il abusé pour être fidèle à son image de « Président des pauvres », celui qui veut « arrange tout le monde » ?

Ce noble geste (à l’intention du ventre), mais exécuté maladroitement, risque de lui revenir dessus comme un boomerang, ainsi que je l’ai dit, sous forme de grève. Mais ajouter ou augmenter quoi, et venant exactement d’où ? L’heure ne serait-elle pas plutôt au régime sec et « à la ceinture » ? (même si certains en ont déjà atteint le dernier trou). Qu’avons-nous épargné, et suite à quel effort ou redressement, pour que nous nous permettons de nous réunir autour d’une table pour goûter enfin ou pour nous disputer les fruits de notre sueur ?

Quel type de rendement y a-t-il eu depuis l’avènement de Aziz au pouvoir ? A la vérité, nous ne nous sommes même pas encore retroussés les manches. Et pour cause !... En pleine restructuration, reconstruction, refonte, bref, en plein chantier, messieurs, il ne saurait y avoir de partage de quoi que ce soit. Par ailleurs, ce maigre « gâteau » profite-t-il à combien d’entre nous?

Qu’en est-il des mauritaniens qui ne sont pas inscrits à la Fonction publique, les plus nombreux ? Si ce n’est de l’égoïsme, comment peut-on parler de prime « d’eau » ou « d’électricité » dans un pays plus que sous-développé, avec un taux ridicule d’épargne et un investissement intérieur médiocre (sauf en villas, 4x4 et en cartes de crédit, donc en maîtresses) ?

Absence scandaleuse d’infrastructures viables, faible productivité industrielle, sous emploi, taux alarmant de mortalité, de natalité (certainement pour compenser), racisme, tribalisme, incompétence notoire, concussion, pénurie en tout genre, mais surtout en idées, initiatives, amour propre, patriotisme… Il y a mieux à faire. Beaucoup mieux, messieurs.

La Chine d’hier, en attendant mieux, était celle des brouettes et des pelles, de la base au sommet ; celle des bicyclettes, de la base au sommet. En somme, celle des dents, mâchoires et poings serrées, de la base au sommet. Oui, il y a beaucoup mieux à faire. Mais seulement aux yeux de tous ceux qui chérissent un idéal commun. Une société sans idéal, dit-on, ne peut que se tourner vers « les affaires ». Alors, parlons « argent ».

Frénétiquement, de jour comme de nuit, pire que les criquets, on cherche à manger, on cherche à boire, on cherche à se multiplier, et on recommence, encore et encore, et toujours. Et pendant ce temps-là, tout le monde nous passe devant, même ceux qui, en plus d’être enclavés, n’ont pas le moindre bout de charbon dans leurs sous-sols.


Source: Cheikh-TijaneBathily Via cridem .org

Lundi 15 Février 2010
Boolumbal Boolumbal
Lu 259 fois



Recherche


Inscription à la newsletter