Affaire CSA/DELMAS : «Le don de la discorde»? / Camara Seydi Moussa



Affaire CSA/DELMAS : «Le don de la discorde»? / Camara Seydi Moussa
Décidément, les voies du Seigneur sont impénétrables! Les Pakistanais tomberaient des nues si on leur racontait la tournure prise par le don de 1.002 tonnes de riz offert gracieusement en avril 2008 au gouvernement mauritanien.

Transportée par le navire MV«NORFOLK EXPRESS DIP 126 W» à partir du PORT QASIM du Pakistan, cette cargaison de riz sera débarquée à Nouakchott le 06/04/08 du M/V DELMAS Maroc VOY 808 S.

Une si simple affaire de don (Etat pakistanais), de transport (société française DELMAS), de consignation (SOGECO) et de récipiendaire (CSA/ Etat Mauritanien), se muera pourtant, quelques mois plus tard en un imbroglio juridique qui en fera perdre leur «latin» à tous les juristes du monde, tant le traitement apporté à l’affaire par la justice mauritanienne fut déroutant et pour le moins inattendu.

Pourtant, cette affaire qui est en passe de finir en queue de poisson, avait commencé sous des meilleures auspices : le don était arrivé à bonne destination ; SOGECO, l’agent de consignation de DELMAS, avait averti, trois jours à l’avance, le destinataire (CSA) et il ne restait à ce dernier que de présenter le connaissement original et de procéder aux formalités nécessaires pour enlever son produit.

Mais, pour on ne sait pourquoi, le CSA tarda à effectuer les formalités et, malgré les efforts de SOGECO et son accord de réduction des frais de surestaries et d’entreposage, il décida, contre toute attente, de ne pas prendre livraison du produit, rendant même responsables le transporteur et le consignataire des conséquences du retard de la livraison.
Pire, suite à la relance de SOGECO, le CSA, plutôt que de se présenter avec le connaissement original pour récupérer le produit, demanda, en référé, à la Chambre Commerciale du tribunal de Nouakchott, de désigner un expert pour faire un constat sur la qualité du produit ; l’expertise demandée, menée par un laboratoire non spécialisé (qui a ouvert les containers), conclura à une forte humidité et la présence d’insectes dans le riz, et «décréta», ni plus ni moins, que «le produit n’est pas propre à la consommation» (pourtant, l’Ambassade du Pakistan à Alger a établi le 26 Novembre 2008 un document attestant que le riz a été traité (fumigation) et que le traitement garantit la bonne qualité du produit jusqu’à l’ouverture des containers).

Très vite, le CSA déposa une requête auprès du tribunal et réclama l’extravagant montant de 1.200.000.000 UM pour réparation du préjudice (moral, matériel et honoraires d’avocat) subi ; suivi en cela par la Cour qui, sur la base de l’expertise, condamna DELMAS, en tant que transporteur, avec la garantie de la SOGECO, au paiement de 127.000.000 d’UM.

Curieusement, l’argument juridique principal du CSA est basé sur les règles de Hambourg qui rendent le transporteur responsable de la livraison des marchandises conformément à son article 3. Or, la Convention de Hambourg n’est pas applicable en pareil cas (car il y a connaissement), et de surcroît cette Convention n’a pas été ratifiée par la Mauritanie. Tout au plus aurait-on pu invoquer la Convention de Bruxelles de 1924 qui est applicable dans ce genre de différend mais, là aussi, les tribunaux mauritaniens seraient incompétents ; l’attribution de compétence revenant plutôt au tribunal de Havre (port de chargement en France, pays qui a ratifié cette Convention)…

Après que toutes les parties, et même le Parquet (le comble!) aient interjeté appel, la Cour d’Appel enfonça le clou en relevant le montant de la condamnation à 381.000.000 d’UM sans que l’on sache sur quelles bases juridiques cette augmentation du quantum a été faite!! Le Parquet, le CSA, DELMAS et SOGECO formeront, chacun, pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel.

Quoi qu’il advienne du pourvoi formé par les parties, on peut d’ores et déjà dire – qu’il s’agisse du jugement de première instance ou de l’arrêt de la Cour d’Appel – que l’impression qui se dégage est que le droit ne semble pas avoir été appliqué dans ces deux procédures : la Convention de Hambourg n’ayant pas été ratifiée par la Mauritanie (cf. le document de Février 2008 de la CNUDCI de l’ONU listant les pays ayant ratifié ladite Convention), il est pour le moins aberrant de l’invoquer pour asseoir, ici, l’arrêt rendu ; renforçant ainsi le sentiment que l’affaire aurait plutôt suivi un cours anormal et bien sinueux, au vu de l’intervention du Parquet dont le rôle devait se limiter à un simple avis. Or, ici, s’agissant d’une affaire purement civile, le Parquet n’aurait du se constituer comme une partie à part entière au procès…

La condamnation qui paraît injuste de DELMAS et SOGECO dans le procès de ce qu’il faut bien appeler, désormais, «Don du riz pakistanais : l’affaire CSA-DELMAS» risque d’engendrer des conséquences multiples : reconsidération par DELMAS (du Groupe BOLLORE) de ses relations avec la Mauritanie ; augmentation des primes par les sociétés d’assurance pour les marchandises à destination de notre pays ; et paiement par le Pakistan des montants de la condamnation aux assureurs. Ce qui (le comble !) serait mal remercier ce bon samaritain venu en aide à une Mauritanie qui en avait tant besoin.

Toujours est-il, qu’au moment où les nouvelles autorités clament la naissance d’une nouvelle Mauritanie, ce genre de procès ne manquerait pas de laisser les gens sceptiques quant à l’indépendance de la justice de notre pays et sa bonne administration.


Camara Seydi Moussa


Source: Taqadoumy

Vendredi 25 Septembre 2009
Boolumbal Boolumbal
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