3 décembre 1987, Jreida : souvenirs d’un jeune soldat



Jeune soldat, fraîchement sorti de la formation commune de base à la caserne de Jreida, je me souviens de ce 3 décembre 1987 comme si c’était hier. Ce jour-là tombait le verdict du jugement militaire concernant des officiers Hal Pulaar accusés de comploter un coup d’État. L’atmosphère dans la base, commandée alors par le capitaine Sidi Mohamed Ould Vaida, était lourde, tendue, parcourue de mouvements et de murmures.

Des groupes de prisonniers circulaient sous surveillance, certains appelés pour être acquittés, d’autres pour être condamnés. Le souvenir le plus net reste l’arrivée du colonel Anne Amadou Baaba Ly dans la cour, vêtu d’un grand boubou thioub noir. À son passage, un officier maure ordonna « garde à vous » : toute la compagnie se mit au garde-à-vous pour lui rendre les honneurs. Le colonel avança, le visage empreint de tristesse, tandis que l’on sentait une agitation et des allers-retours dans la foule : les condamnés cherchaient à transmettre des messages à ceux qui étaient relâchés, et des proches suppliaient, imploraient, encourageaient.

Ce fut la dernière fois que je vis, vêtus en tenue civile, les trois officiers Hal Pulaar condamnés à mort : Ba Seydi Amadou, Sy Saydou Daouda et Sarr Amadou. Je revois particulièrement Ba Seydi Amadou, vêtu d’un dialaba, un Coran à la main, alternant encouragements et demandes de pardon au milieu de la foule. Ces images , les uniformes, les boubous, le silence pesant des honneurs militaires, les visages tendus , me sont restées gravées. Quand j’ai quitté Jreida ce jour-là, je portais avec moi ces scènes que je ne pourrai jamais oublier.

Abou SARR

Mercredi 3 Décembre 2025
Boolumbal Boolumbal
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