20 ans de calvaire pour les réfugiés mauritaniens : Des thérapies finies en queue de poisson



20 ans de calvaire pour les réfugiés mauritaniens : Des thérapies finies en queue de poisson
Avril 1989 est un mois maudit pour la Mauritanie toute entière, en raison des exactions atroces et des injustices inoubliables qui y ont été commises, à l’endroit de l’une de ses composantes et dont les douleurs continuent d’être cruellement vécues depuis cette date par les proches des victimes négromauritaniennes, toujours en attente de solutions adéquates capables de «cicatriser » définitivement les plaies béantes de cet épineux dossier; chaque fois objet de promesses ambitieuses de règlement de la part des régimes qui se sont succédés, …

avant que ces mêmes pouvoirs ne les relèguent aux oubliettes ou ne décident leur clôture avant terme. Dans un communiqué publié à l’occasion de ce triste anniversaire, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme titrent leur déclaration très explicite de leurs sentiments de désolation face au règlement de ce dossier par : « avril 1989, avril 2011 : vingt deux ans déjà ! Vingt deux ans de souffrance et d’amertume », indiquant que « depuis avril 1989, une partie de la population mauritanienne vit le calvaire des conséquences désastreuses de ce qu’il est convenu d’appeler la crise sénégalo-mauritanienne » marquée par des violations très graves de droits humains (exécutions extra - judiciaires, déportations, licenciements abusifs, extorsions de biens, viols, etc.). Ces Ong soulignent que « tous ces crimes et délits ont été commis contre la personne des populations négro-africaines, dans un mouvement soutenu de délit de facies, sous-tendu par une politique de chauvinisme officiel » précisant également que « pendant plusieurs années, ces crimes ont été couverts par le régime sanguinaire du dictateur,
le Colonel Maouya Ould Sid’Ahmed Taya ». Et d’ajouter qu’en dépit « des dénonciations par les victimes elles-mêmes, la communauté internationale et différents démocrates à travers le monde, le colonel dictateur a développé la politique de l’omerta en direction de la composante arabo-berbères de la population mauritanienne, justifiant ainsi les pratiques discriminatoires et d’exclusion, maintes fois dénoncées par des pans entiers de la population négro – africaine ».
Ces associations défenseurs des droits de l’homme estiment que « cette politique a été malheureusement inculquée aux jeunes générations, qui étaient déjà officiellement séparées par un système scolaire à deux vitesses (arabophone pour les arabo-berbères et soit disant francophone pour les Négro-Africains), signalant que « ce système a grandement contribué à isoler les composantes négro-africaines de la population hassanophone ». Et de poursuivre que pendant « plus de deux décennies, les enfants arabo- berbères et négro-africains ne se croisaient même plus dans des cours de récréation…Et, tout le système éducatif était bâti sur le terreau du chauvinisme d’Etat : « la Mauritanie est un pays arabe ». Même si des démocrates sincères arabo- berbères n’approuvaient pas ce raisonnement, leurs voix discordantes étaient étouffées par la clameur raciste ». Evoquant l’état des lieux de cette situation de nos jours, ce collectif d’Ong affirme sans équivoque e que « les Négro – Africains sont translucides pour les Maures », pour souligner la non prise en considération de cette composante dans les schémas mentaux de la plupart des compatriotes arabo- berbères » soulignant que c’est là une des raisons « qui explique que les lourdes conséquences des douloureux évènements sont presque exclusivement portées par les seules populations négro – africaines et, particulièrement, les principales victimes parmi elles ». Et d’ajouter qu’en effet, « si jusqu’en 1992, des pans entiers de l’opinion arabo- berbères était abusée par la propagande du chauvinisme officiel, force est de constater qu’avec l’éclosion de la presse privée et du multipartisme, des révélations importantes ont été portées à l’opinion publique nationale et internationale » sans toutefois, bravé l’hostilité du régime dictatorial de Taya et dénoncé le génocide commis au même tire que les organisations de droits humains et des associations de victimes qui se sont totalement investies dans cette lutte. « Aujourd’hui encore, les victimes de ces douloureux évènements attendent toujours des solutions adéquates, susceptibles de renforcer réellement la cohésion entre les différentes composantes de la population mauritanienne » disent ces associations, soulignant que « si le discours du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, du 29 juin 2007 était un acte courageux, d’une part et la prière de l’absent du Président Mohamed Ould Abdel Aziz du 25 mars 2009, un acte symbolique d’autre part, force est de constater qu’aucune demande de pardon, de la part d’un des responsables des nombreux crimes et exactions n’a été enregistré depuis 1989 ».

Les rapatriés privés de lopins de culture

Evoquant le cas des réfugiés rapatriés du Sénégal, ledit collectif estime que « si le retour organisé des déportés mauritaniens au Sénégal a permis un petit soulagement de la part des victimes », grâce à une action concertée des Etats mauritanien et sénégalais ainsi que du HCR », comment expliquer que depuis 2008, début des opérations de rapatriement volontaire, aucun rapatrié ni aucune communauté de rapatriés n’ont récupéré un lopin de terre de culture, rappelant que les terres du bassin du fleuve Sénégal sont connus pour être leurs terroirs d’origine et réputées être leurs terres ancestrales. Et d’ajouter : « nulle part le geste symbolique du député Ghassem Ould Bellali, qui a rendu 220 ha de terres irrigables au
Trarza, n’a été imité… Il est en effet pour le moins curieux de constater qu’aucun règlement de litige foncier, depuis 2008, n’a abouti à une restitution de terre cultivable à des rapatriés, en dépit des vociférations quotidiennes sur la nécessité de l’unité nationale (…) et des montages alambiqués d’opérations pompeusement baptisées « prévention et gestion de conflits… » .
Le communiqué des Ong poursuit en disant : « d’ailleurs, il faut préciser que les promesses de restitution de biens, avant le début des opérations, les dispositions de la Circulaire No 003, du 04 mai 2009 du Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation répétant les mêmes promesses, n’ont abouti à aucun règlement à ce jour. Pourtant, les populations rapatriées, ainsi que la plupart des populations d’accueil, ne manquent pas de manifester leur bonne volonté, pour des solutions apaisées. Il suffit simplement de constater qu’aucun acte de vengeance ou de justicier n’a été commis par les victimes depuis 1989 ».Les associations indiquent également qu’il est aussi affligeant de constater que près de la moitié des rapatriés, dans le cadre de l’Accord tripartite de novembre 2007, attend toujours de recevoir ses pièces d’état civil, soulignant que réfugiés rapatriés avant l’Accord tripartite (soit auto- rapatriés, soit rapatriés dans le cadre du Programme Spécial d’Insertion Rapide), n’ont pas fini de ronger leurs freins parce que « non seulement ils n’ont reçu aucune assistance de la part de l’Etat, mais encore », mais « courent toujours derrière la récupération tantôt d’un champ, tantôt d’une demeure, tantôt encore d’un emploi, tantôt enfin d’une pièce d’état civil ».

Appui insuffisant de l’ANAIR

A propos de l’appui apporté par l’ANAIR, pour une meilleure insertion de rapatriés dans le tissu social, le collectif dit reconnaître les actions utiles de cette agences ayant permis aux revenus de bénéficier de quelques réalisations non négligeables (forages, aménagements hydro-agricoles, acquisition de vaches laitières, boutiques communautaires, etc.), précisant que même si ces acquis sont en deçà des attentes, les programmes d’insertion durable sont inexistants. Le collectif estime :que, d’une façon générale, les conséquences néfastes des évènements de 1989 demeurent intactes, que les déportés ne sont pas tous rapatriés et ceux qui le sont, vivent dans une certaine précarité, soulignant que le cas de ceux parmi eux encore au Mali, n’a même pas encore été examiné, alors qu’on déclare « la fin des opérations de rapatriement… ». Evoquant les victimes des exécutions extra-judiciaires (rescapés, veuves et orphelins), ces Ong indiquent qu’elles « vivent une profonde amertume, après une opération de cosmétique politique de soit disant indemnisation des veuves », rappelant que « cette opération n’a concerné qu’un nombre réduit de victimes » alors qu’il est déclaré aussi que le dossier du passif humanitaire est clos. A propos de la régularisation de la situation administrative des fonctionnaires et agents de l’Etat, annoncée avec grand tapage, après une opération de recensement terminée depuis plus d’un an, les intéressés attendent toujours disent ces associations, soulignant que le recrutement parmi ces victimes de 94 personnes relevant du ministère chargé de l’Education Nationale, n’a même pas permis un début de réparation, alors qu’on déclare la situation des enseignants est réglée. Concernant les autres victimes, les plus nombreuses du reste, leur situation n’a même pas été évoquée à ce jour affirment ces Ong, indiquant qu’en e examinant l’ensemble de cette question, « on peut déclarer que le pouvoir politique fait semblant de régler une situation, de plus en plus dure pour les victimes ». Et d’ajouter que plusieurs d’entre elles vont même jusqu’à déclarer qu’il vaut mieux refuser d’aborder cette douloureuse question, plutôt que de faire semblant de s’en préoccuper. Et de conclure : c’est pourquoi et en raison des réactions au pourrissement de situations économiques, politiques et sociales dans les pays qui nous entourent, il est urgent d’écouter enfin la voix des victimes et de chercher des solutions négociées, seules garantes du renforcement de la cohésion entre les composantes de la population de la Mauritanie. Une véritable réconciliation ne peut se faire sans justice. ( Organisations signataires : AFCF, AMDH, SOONINKE AMPLCS, ARPRIM, ARDEC, CSVVDHM, GERRDES, Ligue Africaine des Droits de l’Homme (Section Mauritanie), LMDH, REVE, MVRUDH et SOS- Esclaves). (avec Fonadh)

Amadou Diaara

Source: Renovateur

Lundi 25 Avril 2011
Boolumbal Boolumbal
Lu 117 fois



Recherche


Inscription à la newsletter