Pauvreté et exode en Mauritanie : Un phénomène qui se développe à grande vitesse



Pauvreté et exode en Mauritanie : Un phénomène qui se développe à grande vitesse
Le Rénovateur entame une série d’articles (reportages, enquêtes, analyses , interview ) sur la pauvreté , ses causes , ses impacts sociaux - économiques , politiques en faisant intervenir autant que possible les spécialistes , les autorités nationales , les partenaires au développement , la société civile en vue d’avoir une vue plus globale de ce phénomène, de l’appréhender dans toutes ses dimensions et de trouver des solutions appropriées pour atténuer les souffrances de plus de la moitié de la population du pays qui ploie sous une extrême pauvreté endémique voire chronique et génératrice d’explosions sociales . Nous ouvrons ainsi nos colonnes à tous ceux qui voudraient apporter des éclairages sur cette question.

La Mauritanie a un taux de pauvreté très élevé. Elle figure parmi les plus pauvres du monde et se place en 24ème position devant 177 pays. Cette réalité très prégnante surtout dans les coins reculés du pays est aussi fortement présente dans la capitale. Nouakchott est au fil des années devenue une ville peuplée de mendiants, de sans abris, de désœuvrés. La pauvreté est principalement concentrée en milieu rural avec 61% des ruraux qui gagnent moins d’un dollar par jour contre 2,5% en ville. Le chômage frappe plus de 32,5%, du pays, où près du tiers de la population est sans emploi déclarés.
La capitale accueille des centaines de personnes par jour venus pour la plupart se fixer pour de bon en dépit de la misère et de la précarité dont ils font face. Ceux qui arrivent à trouver un job deviennent des gardiens de chantiers, des blanchisseurs, des vendeurs d’eau. Les femmes des domestiques dans les maisons, des vendeuses de cous –cous etc. Si toutes les couches sociales du pays sont frappées par cette paupérisation croissante, les harratines demeurent les grandes victimes de cette endémie. Des villages et « Awaba » entiers frappés par la misère fuient massivement la brousse pour se ruer vers la capitale peuplant ainsi les quartiers populaires déjà très concentrés. La plupart de ces « envahisseurs » chassés par le dénuement total, sont attirés par les mirages d’une ville qui étale ses tentacules dans tous les sens, accentuant ainsi les besoins en eau, en électricité, en logements, en santé et en éducation. La ville grandit et les infrastructures restent en deçà des besoins. Nouakchott à l’instar des grandes villes du continent est sous la pression d’une forte ruée des sans emploi, sans qualification qui viennent chaque jour grossir le rang des chômeurs. La Mauritanie intérieure se vide de ses habitants et les villes entières sont désertées par leurs occupants authentiques. Une moughataa comme M’bout s’est rétrécie comme une peau de chagrin à cause de la fuite de ses populations. Le Gorgol, le Brakna, le Trarza, l’Inchiri, le Tirris – Zémmour, le Guidimakha, le Tagant sont les régions les plus frappées par cet exode vers la capitale.
A cette masse de ruraux devenues par les caprices de la nature des sédentaires, s’ajoute celle des candidats à l’immigration clandestine, des transitaires à la recherche d’un boulot temporaire leur permettant de se payer le biller de l’aventure.

La pauvreté au cœur de la ville


A Nouakchott la pauvreté est présente dans tous les endroits de la ville. Que vous sortiez d’un quartier populaire de Nouakchott ou d’un quartier haut standing vous croiserez sur votre chemin des grappes de mendiants : des femmes, des enfants, des vieux. Dans les rues assis à même le sol étalant un morceau de tissu servant de cagnotte de pièces de monnaie ; sur les trottoirs, au milieu de la circulation. La pauvreté creuse ses sillons dans les marchés peuplés d’une main –d’œuvre qui s’adonne à des tâches exténuantes. Ils sont des dockers vivant du travail, de leurs muscles, des charretiers faisant des rotations journalières, des ouvriers prêts à tous les boulots pourvu qu’ils gagnent le minimum pour alimenter la marmite. Toute cette marée humaine qui se déverse dès les premières heures de la journée dans les rues, provient en grande parie des quartiers périphériques de la ville. Au cœur de Nouakchott dans les somptueuses résidences des riches, des niches de la pauvreté sont tapies sous des habitations de fortunes servant de logement aux familles gardiennes des chantiers exposées aux intempéries.

Mutations sociales et crises


La société mauritanienne traditionnelle était marquée par une forte solidarité qui se manifestait par la satisfaction des besoins de chacun a subi de profondes mutations. La société s'est profondément transformée sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs : sécheresse, changement de mode de vie, et des rapports socio-économiques. Il s'en est suivi une dissolution des identités collectives traditionnelles (famille, village, etc.) avec la montée du l'individualisme. Les faillites de solidarités traditionnelles qui constituaient un filet de sécurité, mettant à l'abri du besoin individus et familles, ont eu donc pour effet la paupérisation de la plus grande partie de la population. Cette situation a accentué l’individualisme et a installé une crise des valeurs sociales. L’instabilité conjugale a disloqué beaucoup de ménages si bien que le démembrement de la structure familiale pose des problèmes d’éducation. Des milliers de foyers pauvres sont à la charge des femmes devenues de véritables chefs de familles occupées plus à nourrir une progéniture nombreuse qu’à assurer son éducation. Les enfants qui ont la chance d’aller à l’école finissent par abandonner les classes pour exercer le métier de charretier, d’apprenti mécanicien d’encaisseur etc.

La pauvreté féminine plus forte

La gent féminine est particulièrement affectée par la pauvreté. L'analyse ciblée sur les ménages pauvres indique que les foyers dirigés par une femme constituent un groupe vulnérable. Ceci reste particulièrement vrai pour les ménages monoparentaux dans lesquels l'incidence de la pauvreté est environ trois fois plus importante (33,1%) que dans ceux dont le chef est un homme (12,2%). La pauvreté féminine s'explique en grande partie par le fait que les femmes accèdent difficilement au travail, au revenu, à l'instruction, etc. En effet, seules 25 % des femmes travaillent, contre 52,5% des hommes. En plus, elles occupent généralement des emplois précaires et exercent une activité peu productive. Le revenu des femmes non salariées, est généralement inférieur de 50% de celui des hommes.
Le niveau d'instruction des femmes a évolué au fil des années mais reste plus faible que celui des hommes si on tient en compte des abandons scolaires dus au mariage ou à la pauvreté. Les chiffres avancés pour évoquer le progrès dans la scolarisation des filles ne correspondent pas à la réalité. De nombreux programmes se développement mais n’ont encore qu’une faible incidence sur la pauvreté. ( A suivre )

Cheikh Tidiane Dia

Source: Renovateur

Jeudi 3 Juin 2010
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