Mauritanie : la réconciliation nationale à l’épreuve des faits



Mauritanie : la réconciliation nationale à l’épreuve des faits
Une agence nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés en janvier 2008 et une journée nationale de réconciliation le 25 mars 2009. Deux actions concordantes pour promouvoir et dynamiser l’unité nationale. Mais sont-elles efficaces pour la cohésion sociale, à la veille du premier anniversaire de Ould Aziz au pouvoir ? Après 3 ans du lancement du mouvement de la réconciliation nationale, les mauritaniens de la diaspora s’interrogent sur la pertinence du règlement passif humanitaire qui bute toujours sur l’accès à la terre et la réinsertion socioprofessionnelle des fonctionnaires.

Officiellement la réconciliation nationale remonte à 2007 après l’élection du président Sidi Ould Cheikh Abdellahi qui en a fait son cheval de bataille en organisant des journées de concertation et de mobilisation pour le retour des déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali avec l’aide du Haut Commissariat des Réfugiés des Nations Unies (HCR NU). Résultats, en janvier 2008 près de 20 000 réfugiés sont rentrés et répartis dans leurs zones géographiques d’origine : Brakna, Gorgol, Trarza. Et le 25 mars 2009, le chef de la junte Mohamed Ould Abdel Aziz auteur du coup d’Etat le 6 août 2008 en visite à Kaédi demandait pardon à la communauté négro-africaine pour tous les crimes dont elle a été victime sous le régime de Ould Taya . Président élu en juillet 2009, il décréta le 25 mars journée nationale de réconciliation nationale. Un an déjà , ce sont des discours qui ont plus marqué le premier anniversaire que des actes. Le nouveau locataire de la Maison brune n’a pas fait mieux que son prédécesseur à part des promesses. Certes la première phase de retour des réfugiés du Sénégal est terminée. Reste les déportés du Mali. Les 20 000 à nouveau qui sont rentrés continuent de vivre dans des conditions précaires sous des tentes ou abris de fortune faute de moyens et de feuille de route très claire du gouvernement. Face à l’épineuse question de l’accès à la terre, le premier ministre Ould Laghdaf oppose un laxisme qui résulte d’une mauvaise appréciation de l’ampleur des dégats .Les nouvelles autorités n’ont pas eu le temps de corriger les erreurs du passé notamment cette loi foncière votée en 1983 et révisée en 2000 qui stipulait que « la terre appartient à la Nation ». Ce que les nouveaux arrivants ignoraient totalement parce que le régime de Ould Taya avait profité de leurs expulsions pour verrouiller toute revendication de ces terres de culture qui « sont considérées comme faisant partie du domaine des personnes privées et protégées en tant que telles les terres mises en valeur par ces dernières ». Au final sans une nouvelle loi, le problème terrien reste entier. Les anciens propriétaires savent que c’est quasi peine perdue dans la mesure où les blocages sont politiques au sein même de ceux qui sont chargés de faire évoluer la situation et qui font partie d’un lobby d’affaire dont les intérêts priment sur le collectif. Et pourtant la Mauritanie dispose à l’heure actuelle de 140 000 ha de terres cultivables dont seulement le tiers est aménagé. Le reste est parfaitement à la portée des réfugiés qui voient dans cette affaire un manque de considération. Et comble de malheur, ils n’ont pas compris que dans cette phase de reconstruction que le premier ministre Ould Laghdaf et son ministre de la culture aient déclaré publiquement la primauté de l’arabe sur tout. Une polémique qui relance le débat sur l’identité mauritanienne. Et personne ne comprend également que jusqu’ici l’initiateur de la symbolique de la prière aux morts continue de garder le silence par rapport à ce débat et par rapport au règlement du passif humanitaire. L’autre partie visible de l’iceberg mais qui ne fait pas encore l’objet d’un débat national c’est la volonté politique du président Ould Aziz de rétablir toutes les victimes du régime Ould Taya dans leurs droits. Pour l’instant seules quelques veuves des militaires négro-africains seraient indemnisés. L’initiative de recenser tous les fonctionnaires victimes des évènements de 89 à l’intérieur comme à l’extérieur du pays est malheureusement restée sans suite. Seuls quelques enseignants sur place ont bénéficié de cette réintégration dans la fonction publique. Au delà de la réparation matérielle, la réconciliation nationale ne peut être réglée sans vérité ni justice. Pour être plus crédible aux yeux de l’opinion nationale Ould Aziz devra penser à abroger purement et simplement la loi d’amnistie de 93 qui constitue un véritable obstacle à toute procédure judiciaire pénale pour tous les coupables dont l’ancien président Ould Taya exilé au Qatar ainsi que tous ces acolytes en activité ou pas en Mauritanie et ailleurs. La vérité sur les évènements de 89,hormis la dimension juridique la communauté négro-africaine est attachée aussi à la mémoire collective. Des milliers de mauritaniens ont été déportés au Sénégal et au Mali spoliés de leurs terres , de leurs maisons, de leur travail et d’autres des militaires ont été exécutés lâchement . C’est un devoir de mémoire pour les générations à venir pour que ces violations des droits de l’homme ne se répètent plus. La réconciliation de tous les mauritaniens est un enjeu national .Pour sortir de la pauvreté et de l’ignorance, la Mauritanie a besoin de tous ces fils haratin, maure, haalpulaar, sooninké et ouolof. La bonne gouvernance du pays en dépend.

bakala


Source: Griffe au quotidien

Lundi 28 Juin 2010
Boolumbal Boolumbal
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