Mauritanie : Du populisme aux promesses tous azimuts, la désillusion a désormais gagné toutes les couches sociales.



Mauritanie : Du populisme aux promesses tous azimuts, la désillusion a désormais gagné toutes les couches sociales.
La principale raison qui avait été avancée pour justifier le coup d’Etat du 6 août 2008 était l’insécurité.

Depuis le coup d’Etat du Général Abdel Aziz, l’insécurité ne cesse malheureusement de progresser dans le pays, elle est même devenue l’une des principales inquiétudes des mauritaniens. Il est effrayant de constater que le pays vit depuis ce 6 août 2008 une succession des enlèvements terroristes à un rythme quasi-mensuel :

Après les macabres assassinats d’une douzaine de soldats mauritaniens à Tourine en 2008, un kamikaze mauritanien s’est explosé devant l’Ambassade de France à Nouakchott en août 2009 blessant un français, trois espagnols ont été enlevés à une centaine de kilomètres de Nouadhibou sur une route principale au mois de novembre 2009,


deux italiens et leurs chauffeurs ont aussi subi le même sort dans le mois de décembre 2009 vers la frontière avec le Mali et le 13 février 2010 ce sont deux mauritaniens qui ont été enlevés et finalement relâchés mais leur véhicule tout terrain a été emporté. A l’intérieur du pays la délinquance et le banditisme augmentent à une allure exponentielle : les vols, les viols, les assassinats sont les lots quotients des populations.

Cette situation d’insécurité généralisée a valu à la Mauritanie d’être pour la première fois de son histoire classée dans une place non enviable, c’est-à-dire parmi les dix premiers pays au monde où il est déconseillé d’y séjourner c’est-à-dire dans le groupe de Somalie-Afghanistan. Il apparait donc très clairement que si l’état d’insécurité qui prévalait avant le 6 août était suffisamment grave pour renverser un président démocratiquement élu, alors depuis le 6 août 2008 il y a de quoi faire une dizaine de coups d’Etat. En réalité l’argument d’insécurité était tout bonnement fallacieux.

C’est bien connu, la justice mauritanienne a eu rarement bonne presse, mais elle tentait d’y mettre quand même la forme, mais au jour d’aujourd’hui on ne s’embarrasse de rien, même cette forme est devenue superflue, il n’y a plus de gêne, tout est possible : les procédures, les peines d’emprisonnement, les amendes, les libérations peuvent même se décider ailleurs que dans les tribunaux. Dans la « Mauritanie nouvelle » on peut aussi purger sa peine et être quand-même maintenu en prison, ça ne dépend que des humeurs du prince et c’est très inquiétant et grave.

La description faite par le Bâtonnier de l’état de la justice dans son rapport annuel en février 2010 fait froid au dos et annonce un avenir sombre pour le respect des libertés fondamentales dans le pays. Il est aujourd’hui même plutôt conseillé aux citoyens de tout faire pour éviter la justice quel que soit le problème auquel ils pourront être confrontés, on saisit mieux la gravité de la situation.

Le journaliste Hanavi Ould Daddah subit aujourd’hui la cruauté de cette justice aux ordres et le cas d’un autre journaliste Abdel Vettah Ould Abeidna accusé de diffamation, jugé et condamné puis gracié, le voilà encore à nouveau condamné à verser une amende faramineuse de 320 millions d’ouguiya alors que les trafiquants de drogue, eux viennent d’être condamnés à ne verser que 100 millions d’ouguiya, on a comme sentiment que la justice marche par la tête dans ce pays, c’est affligeant.

L’élection de Sidi Ould Cheikh Abdallah avait donné une image positive à la Mauritanie à travers le monde, elle a crédibilisé le pays aux yeux de ses partenaires et elle a suscité la confiance des bailleurs de fonds : la réunion à Paris en décembre 2007 des pays amis, des partenaires et des bailleurs de fonds a été l’illustration la plus éclatante de cette confiance acquise, avec plus de 2 à 3 milliards de dollars alloués à la Mauritanie.

De plus le pays était parmi les plus favoris pour bénéficier d’une aide américaine d’un montant de plus 500 millions de dollars, mais après le coup d’Etat d’un trait de plume la Mauritanie a été rayée de la liste des potentiels bénéficiaires. Au jour d’aujourd’hui il ne reste plus rien, tout cela s’est envolé comme un feu de paille, il ne nous reste que nos yeux pour pleurer et nous remettre à dieu.

Malgré la reconnaissance par la communauté internationale des élections contestées (par l’essentiel de la classe politique mauritanienne) du mois juillet dernier, les bailleurs de fonds continuent de déserter le pays et ce n’est certainement pas demain la veille qu’ils se bousculeront devant la porte d’un pays où l’insécurité est de plus en plus préoccupante, où la situation politique est complètement bloquée, où le pouvoir en place n’a d’autres ambitions que d’engager une escalade de pourrissement politique avec l’opposition et fait fi des appels au dialogue maintes fois répétés par l’essentiel des acteurs de la vie nationale pour sortir le pays dans cette situation dangereuse.

L’image de notre pays est aujourd’hui plus que ternie, ce qui arrange d’ailleurs pas mal de pouvoirs personnels ou despotiques de la sous-région, par jalousie pour certains ou par intérêt mercantile ou par réalisme politique pour d’autres, voyaient en une Mauritanie démocratique, de plus citée comme exemple dans la sous-région et attirant les bailleurs de fond comme une menace. C’est pourquoi nombre d’entre eux n’ont pas hésité à soutenir le coup d’Etat dès ses premières heures d’autres utiliseront des méthodes plus sournoises pour arriver aux mêmes objectifs.

Certaines puissances occidentales ont aussi profité et continuent de profiter de cette faiblesse pour en tirer profit, il s’agit en fait d’une politique à courte vue car tout ce qu’on engrange comme profit dans instabilité, on en perdra beaucoup plus dans cette même instabilité. L’exemple du Niger nous édifiera dans les semaines à venir. Le pouvoir en place nous annonçait une lutte sans merci contre la gabegie, il nous a livré sa forme la plus injuste, la plus caricaturale et la plus anecdotique qui puisse exister.

Ce n’est certainement pas l’emprisonnement des hommes d’affaires qui n’avaient d’ailleurs aucune intention de se soustraire à la justice et qui semble-t-il, ont été depuis, les invités d’honneur au diner présidentiel, qui pourrait convaincre d’une volonté quelconque à mettre fin à cette pratique. Ces gesticulations tape à l’œil n’ont d’autres objectifs qu’à chercher à humilier et à intimider les adversaires.

Si une volonté réelle existait pour mettre fin à ce fléau qui continue de miner le pays, le pouvoir en place commencerait par auditer tous les secteurs clef de l’Etat par des experts indépendants, et enquêterait sur toutes ces fortunes invraisemblables d’origines douteuses qui « fleurissent » dans le pays en particulier celles de certains fonctionnaires (civiles et militaires) de l’Etat qui ont accumulés : des immeubles, des villas et des domaines qui valent des dizaines voire des centaines de millions d’ouguiya et pour rendre cette volonté de lutte contre la gabegie crédible les membres du gouvernement et le président doivent d’abord clarifier leur propre situation aux yeux de l’opinion nationale.

Tout laisse à croire aujourd’hui que ce slogan a déjà vécu ses derniers jours de « gloire » comme en son temps la « lutte » du colonel Ould Taya contre la gabegie dans le secteur de la pêche. Le Général Ould Abdel Aziz nous annonçait que tous les problèmes des mauritaniens seront résolus dès qu’il sera élu président et ses soutiens l’ont alors nommé « président des pauvres ».

Depuis son « élection » la baisse artificielle des prix de certains produits qui avait été imposée a brusquement pris fin, désormais tous les produits alimentaires tels que le mil, le riz et le sucre, l’huile…, qui sont la base de la nourriture des pauvres ne cessent d’augmenter à un rythme effrayant.

Ces derniers jours dans certains quartiers de Nouakchott le « baril d’eau » qui valait 200 UM coûte 1000 UM et le gouvernement semble impuissant pour enrayer ces hausses vertigineuses des prix, à tel point qu’aujourd’hui plus personne n’est épargnée dans le pays.

Il est évident ce ne sont pas par des annonces improvisées (les fonctionnaires viennent de vivre l’amère expérience sur leurs indemnités de logement et de transport) ni par des déclarations à l’emporte pièce ni par des slogans creux que les problèmes des mauritaniens trouveront une solution.

Pour que la Mauritanie sorte dans cette impasse catastrophique, elle a besoin d’un pouvoir capable d’apaiser les tensions politiques et sociales, d’un pouvoir qui a une vision claire des intérêts nationaux, elle a surtout besoin d’être gouvernée autrement qui soit aux antipodes d’une gouvernance à tendance autocratique ou despotique.

Maréga Baba (UFP) / France

Source: Maréga Baba / France Via Cridem.org

Mardi 23 Février 2010
Boolumbal Boolumbal
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