
« Certains livres d’histoire disent qu’un révérend noir avait fait un rêve mais ce rêve erre encore » !
On nous parle ici et là, de la cohabitation, de la démocratie, du vivre ensemble. Comme si toutes ses notions ont un sens bien défini en Mauritanie selon que l’on soit négro-africain, beïdane, ou hratiin.
La Mauritanie n’existe pas encore, je suis tenté de dire. Il suffit de jeter un regard sur ce que nous reflètent, la télévision dite nationale ainsi que la radio publique, pour s’apercevoir que cette Mauritanie de couleurs est encore à son état monochromatique.
Faisons un tour chez les négro-africains, et observons leurs centres d’intérêts, vous conviendrez avec moi que ce qui prime chez lesdits compatriotes arabes ou beïdanes, n’est pas forcement leur tasse de thé.
Les hratiins, à l’heure d’aujourd’hui privés pour la plupart de la liberté la plus élémentaire ont sans doute leur Mauritanie à eux, qui n’est pas celle des autres.
Allons à un spectacle de Baaba Maal ou Youssou N’Dour, nous sommes certains de ne pas y croiser une masse beïdane. La réciproque aussi est vraie pour un artiste arabe ou beïdane.
Partout en Mauritanie, pour diverses manifestations, rien ne fédèrent les mauritaniens. Même pas l’Islam que ça soit dans son interprétation où tout simplement dans la fréquentation des lieux cultuels. On parle souvent de mosquée « lekwar » ou mosquée « safalbé », non pas dans le sens des courants de pensées, mais tout simplement en terme de nombres de croyants qui prient dans ces lieux.
Où est cette Mauritanie colorée dont on voit les reflets dans tous les quartiers et toutes les villes, selon les dires de certains ? En fréquentant Sebkha, El Mina, Medina R, Medina 3, et les différents Kebbat ; je n’ai pas l’impression de voir le même public que celui qui réside à Tevregh Zeina, E Nord. Oui, c’est vrai que dans ces quartiers chics on peut y trouver des hratiins et des négro-africains, force de constater que dans ces villas cousues y dorment plus nombreux, nos « compatriotes » beïdanes. Inversement dans les quartiers dits populaires, même si on y trouve des beïdanes, l’écrasante majorité est de type négroïde qui écoute -pour ceux qui sont originaires de walfugui- les sonorités de Baaba Maal ou Guélaye Ali Fall et non du Sedoum ou Dimi.
La Mauritanie de Badji Diop né à Walaldé, sortant de la faculté de lettres de Nouakchott, habitant de Sebkha, fils de Kalidou Diop cultivateur déporté en 1989, n’est pas celle de Ahmed Ould Mohamed, né à Atar, niveau d’étude : Terminal lettre moderne arabe, chef de projet d’électrification des régions de la vallée, fils de Sidi Ould Mohamed ancien Ministre de la Communication. Croyez-moi, la Mauritanie de Nagi Begnough, Chauffeur, fils de Mabrouka esclave de la famille Ahmedou, est différente des autres aussi.
On aurait pu intervertir les noms et les situations, mais il est rare que la machine coulisse en ce sens. Il ya encore du chemin !
Cette situation n’est pas simplement le fruit d’un hasard, elle a été réfléchie, fabriquée, instituée, par des groupes voire en connivence avec d’autres pays, pour assoir une domination d’un groupe sur d’autres. Inutile de revenir sur les mécanismes qui ont entrainé tout le processus connu de tous, et rappelé souvent par différents acteurs ou observateurs de cette machination.
Au dessus d’une Mauritanie des riches et d’une autre des pauvres, au dessus d’une Mauritanie des démocrates et d’une Mauritanie des non-démocrates, au dessus d’une Mauritanie des hommes et d’une autre des femmes. Il ya une Mauritanie des oppresseurs et une Mauritanie des opprimés. Dans le premier camp, il est à une écrasante majorité arabo-berbère et dans le second il est quasi-exclusivement négro-africain de walfugui et hratiins.
Ce constat est tout simple à effectuer, c’est le reflet d’un fait concret que vivent constamment des hommes et des femmes qu’on tente d’homogénéiser, dans le but d’esquiver toute proposition susceptible de rendre la dignité, la justice aux damnées de cette Mauritanie.
Est-ce la démocratie ou non, qui donnerait une citoyenneté digne à ces condamnés du système ?
Si l’on part du principe que la Démocratie est « le pouvoir du peuple pour le peuple et par le peuple », à savoir seul le peuple est détenteur du pouvoir aussi bien législatif qu’exécutif, on peut dire que nous sommes loin du compte. Le jour où cette situation s’avère être une réalité en Mauritanie, aurions-nous vaincu les maux ?
La Mauritanie, me semble t-il ne constitue pas une exception comparée à ceux qui avaient tenté l’aventure. En observant la scène africaine, nous sommes malheureusement ramenés à une dure réalité : un rejet de la greffe ! Partout ailleurs, les peuples voire des régions s’allient à un homme ou à un parti pour des considérations tribales, ethniques, matérielles et pécuniaires, mais aucunement pour les idéaux (faudrait-il encore qu’ils en possèdent !) Je conçois volontiers que c’est l’application de cette démocratie qui est mis en cause et non son contenu. Cependant, cet idéal peut-il résorber nos difficultés, si les détenteurs de la puissance « politico-militaro-économique » ne sont pas prêts d’en faire une application effective ? C’est pourquoi, quand j’entends que la lutte-pour ce qui est de la Mauritanie- doit se faire à l’intérieur (géographiquement) seulement, je dis que c’est une erreur d’analyse. Du fait tout simplement que le verrouillage de toutes les issues, est totale, en raison de la force de cette puissance dominatrice. Celle-ci, ne nous leurrons pas, ne concédera que quelques décompression, par ailleurs nécessaire à sa survie. Le peuple ou les peuples mauritaniens et les offices qui sont sensés les représenter n’ont aucune influence encore moins un contrôle sur les pensées, les décisions, et l’application des normes d’ordre sociaux ou politiques. Loin de moi, l’idée de penser que seule la lutte des « exilés » -comme disent certains- est émancipatrice. Elle est encore aussi difficile pour plusieurs raisons en particulier la nature des relations internationales. Dans un autre contexte avec une géopolitique différente, nos compatriotes déportés auraient pu changer une donne de la Mauritanie, mais la réalité était autre.
Alors, une combinaison des deux ????
J’ai lu l’intervention de Monsieur SY Hamdou, et tout comme le Président SARR, j’ai du mal à comprendre un passage : « l’enjeu de notre combat n’est plus la question de la cohabitation entre nos communautés mais la démocratie ». L’un n’exclut pas l’autre, je dirai. La résolution du problème de cohabitation entrainera inéluctablement l’instauration d’un Etat de droit, de même que l’application non biaisée de la démocratie résoudra certainement cette tare de cohabitation. En effet quant on cessera de manier l’arabité comme moyen d’exclusion de l’autre, quant on reconnaitra que l’autre n’est pas l’étranger avec tout ce que cela comporte, en le réhabilitant en droit et devoir, on peut dire, que nous avons atteint un degré d’Etat de droit. Mais aussi, l’instauration d’une démocratie, nous donne les moyens d’éradiquer nos différences en matière de droit et de devoir vis-à-vis de la nation, et du pays.
Au vu des deux cas de figures, il me semble plus judicieux de résoudre les pluralités Mauritanies, par tous les moyens, plutôt que de se focaliser sur les retombées de la démocratie. On ne peut bénéficier de la démocratie quand on n’est pas considéré, et que l’on ne se sente pas, citoyen d’abord. Avant « un homme-une voix », il doit y avoir autre chose !
Les anciens ont-ils appris le solfège pour faire du gospel ? Disait un artiste. Pour autant, ils ont écrit une belle mélodie !!!
Laissez-moi vous dire que pour l’instant, on parle du « rêve errant du révérend » !
KANE Bocar Daha
BORDEAUX, JUIN 2010.
On nous parle ici et là, de la cohabitation, de la démocratie, du vivre ensemble. Comme si toutes ses notions ont un sens bien défini en Mauritanie selon que l’on soit négro-africain, beïdane, ou hratiin.
La Mauritanie n’existe pas encore, je suis tenté de dire. Il suffit de jeter un regard sur ce que nous reflètent, la télévision dite nationale ainsi que la radio publique, pour s’apercevoir que cette Mauritanie de couleurs est encore à son état monochromatique.
Faisons un tour chez les négro-africains, et observons leurs centres d’intérêts, vous conviendrez avec moi que ce qui prime chez lesdits compatriotes arabes ou beïdanes, n’est pas forcement leur tasse de thé.
Les hratiins, à l’heure d’aujourd’hui privés pour la plupart de la liberté la plus élémentaire ont sans doute leur Mauritanie à eux, qui n’est pas celle des autres.
Allons à un spectacle de Baaba Maal ou Youssou N’Dour, nous sommes certains de ne pas y croiser une masse beïdane. La réciproque aussi est vraie pour un artiste arabe ou beïdane.
Partout en Mauritanie, pour diverses manifestations, rien ne fédèrent les mauritaniens. Même pas l’Islam que ça soit dans son interprétation où tout simplement dans la fréquentation des lieux cultuels. On parle souvent de mosquée « lekwar » ou mosquée « safalbé », non pas dans le sens des courants de pensées, mais tout simplement en terme de nombres de croyants qui prient dans ces lieux.
Où est cette Mauritanie colorée dont on voit les reflets dans tous les quartiers et toutes les villes, selon les dires de certains ? En fréquentant Sebkha, El Mina, Medina R, Medina 3, et les différents Kebbat ; je n’ai pas l’impression de voir le même public que celui qui réside à Tevregh Zeina, E Nord. Oui, c’est vrai que dans ces quartiers chics on peut y trouver des hratiins et des négro-africains, force de constater que dans ces villas cousues y dorment plus nombreux, nos « compatriotes » beïdanes. Inversement dans les quartiers dits populaires, même si on y trouve des beïdanes, l’écrasante majorité est de type négroïde qui écoute -pour ceux qui sont originaires de walfugui- les sonorités de Baaba Maal ou Guélaye Ali Fall et non du Sedoum ou Dimi.
La Mauritanie de Badji Diop né à Walaldé, sortant de la faculté de lettres de Nouakchott, habitant de Sebkha, fils de Kalidou Diop cultivateur déporté en 1989, n’est pas celle de Ahmed Ould Mohamed, né à Atar, niveau d’étude : Terminal lettre moderne arabe, chef de projet d’électrification des régions de la vallée, fils de Sidi Ould Mohamed ancien Ministre de la Communication. Croyez-moi, la Mauritanie de Nagi Begnough, Chauffeur, fils de Mabrouka esclave de la famille Ahmedou, est différente des autres aussi.
On aurait pu intervertir les noms et les situations, mais il est rare que la machine coulisse en ce sens. Il ya encore du chemin !
Cette situation n’est pas simplement le fruit d’un hasard, elle a été réfléchie, fabriquée, instituée, par des groupes voire en connivence avec d’autres pays, pour assoir une domination d’un groupe sur d’autres. Inutile de revenir sur les mécanismes qui ont entrainé tout le processus connu de tous, et rappelé souvent par différents acteurs ou observateurs de cette machination.
Au dessus d’une Mauritanie des riches et d’une autre des pauvres, au dessus d’une Mauritanie des démocrates et d’une Mauritanie des non-démocrates, au dessus d’une Mauritanie des hommes et d’une autre des femmes. Il ya une Mauritanie des oppresseurs et une Mauritanie des opprimés. Dans le premier camp, il est à une écrasante majorité arabo-berbère et dans le second il est quasi-exclusivement négro-africain de walfugui et hratiins.
Ce constat est tout simple à effectuer, c’est le reflet d’un fait concret que vivent constamment des hommes et des femmes qu’on tente d’homogénéiser, dans le but d’esquiver toute proposition susceptible de rendre la dignité, la justice aux damnées de cette Mauritanie.
Est-ce la démocratie ou non, qui donnerait une citoyenneté digne à ces condamnés du système ?
Si l’on part du principe que la Démocratie est « le pouvoir du peuple pour le peuple et par le peuple », à savoir seul le peuple est détenteur du pouvoir aussi bien législatif qu’exécutif, on peut dire que nous sommes loin du compte. Le jour où cette situation s’avère être une réalité en Mauritanie, aurions-nous vaincu les maux ?
La Mauritanie, me semble t-il ne constitue pas une exception comparée à ceux qui avaient tenté l’aventure. En observant la scène africaine, nous sommes malheureusement ramenés à une dure réalité : un rejet de la greffe ! Partout ailleurs, les peuples voire des régions s’allient à un homme ou à un parti pour des considérations tribales, ethniques, matérielles et pécuniaires, mais aucunement pour les idéaux (faudrait-il encore qu’ils en possèdent !) Je conçois volontiers que c’est l’application de cette démocratie qui est mis en cause et non son contenu. Cependant, cet idéal peut-il résorber nos difficultés, si les détenteurs de la puissance « politico-militaro-économique » ne sont pas prêts d’en faire une application effective ? C’est pourquoi, quand j’entends que la lutte-pour ce qui est de la Mauritanie- doit se faire à l’intérieur (géographiquement) seulement, je dis que c’est une erreur d’analyse. Du fait tout simplement que le verrouillage de toutes les issues, est totale, en raison de la force de cette puissance dominatrice. Celle-ci, ne nous leurrons pas, ne concédera que quelques décompression, par ailleurs nécessaire à sa survie. Le peuple ou les peuples mauritaniens et les offices qui sont sensés les représenter n’ont aucune influence encore moins un contrôle sur les pensées, les décisions, et l’application des normes d’ordre sociaux ou politiques. Loin de moi, l’idée de penser que seule la lutte des « exilés » -comme disent certains- est émancipatrice. Elle est encore aussi difficile pour plusieurs raisons en particulier la nature des relations internationales. Dans un autre contexte avec une géopolitique différente, nos compatriotes déportés auraient pu changer une donne de la Mauritanie, mais la réalité était autre.
Alors, une combinaison des deux ????
J’ai lu l’intervention de Monsieur SY Hamdou, et tout comme le Président SARR, j’ai du mal à comprendre un passage : « l’enjeu de notre combat n’est plus la question de la cohabitation entre nos communautés mais la démocratie ». L’un n’exclut pas l’autre, je dirai. La résolution du problème de cohabitation entrainera inéluctablement l’instauration d’un Etat de droit, de même que l’application non biaisée de la démocratie résoudra certainement cette tare de cohabitation. En effet quant on cessera de manier l’arabité comme moyen d’exclusion de l’autre, quant on reconnaitra que l’autre n’est pas l’étranger avec tout ce que cela comporte, en le réhabilitant en droit et devoir, on peut dire, que nous avons atteint un degré d’Etat de droit. Mais aussi, l’instauration d’une démocratie, nous donne les moyens d’éradiquer nos différences en matière de droit et de devoir vis-à-vis de la nation, et du pays.
Au vu des deux cas de figures, il me semble plus judicieux de résoudre les pluralités Mauritanies, par tous les moyens, plutôt que de se focaliser sur les retombées de la démocratie. On ne peut bénéficier de la démocratie quand on n’est pas considéré, et que l’on ne se sente pas, citoyen d’abord. Avant « un homme-une voix », il doit y avoir autre chose !
Les anciens ont-ils appris le solfège pour faire du gospel ? Disait un artiste. Pour autant, ils ont écrit une belle mélodie !!!
Laissez-moi vous dire que pour l’instant, on parle du « rêve errant du révérend » !
KANE Bocar Daha
BORDEAUX, JUIN 2010.