« L’ unité se fait quand on parle le même langage , plutôt que la même langue ! »



« L’ unité se fait quand on parle le même langage , plutôt que la même langue ! »
J´ai lu l’article du Dr Mohamed Vall ; ancien ministre, un spécialiste, nous dit-on, mais qui ne citait pas une seule fois, ou presque, une autorité pédagogique reconnue, ou une sommité du monde de l’Education ; ni Américaine - en pointe dans ce domaine -ni russe, ni française ou germanique ou encore belge ; rien que le produit local .

Mr Vall, je crois, a essayé, tout le long de l’article, de rester objectif, mi-distant, même s’il n’y est pas toujours parvenu . Maintenir l’objectivité, surtout dans un domaine aussi sensible, et qui de surcroìt divise sur des lignes d’intérêt ou d’appartenance ethnique, n’est pas toujours évident !

On n’échappe difficilement au poids de son moule culturel !

N’empêche, l’article assez fouillé, à bien des égards, ne manque pas d’intérêt.

A l’abord, je ne puis ne pas relèver cette positive disposition d’esprit qui anime l’auteur, assez rare chez nous, que traduisent ces lignes : "autant il importe de trouver des solutions rapides et définitive à ce problème , autant il convient de privilégier les débats d’idées, les concertations plutôt que les invectives .il faut savoir raison garder et dépassionner le débat, traiter le problème sans parti pris , avoir un dialogue franc, sincère et constructif, mettre cartes sur table et trouver un compromis en toute sérénite et objectvité, trouver un consensus sur l’identité des langues, bâtir une nation arc-en-ciel, juste et égalitaire etc. ". Même si tout cela devait finir en voeux pieux, force est de reconnaître que si nous étions tous animés d’un tel état esprit, étant de bonne foi, nous finirons, forcément, par avancer, sans aucun doute.

Dans mon commentaire critique de ce texte qui va suivre, je ne m’apésantirai pas sur les données brutes du"poids démographique’’ respectif des langues, de leur distribution spatiale, ou encore sur le rappel historique de l’attachement à la langue arabe des communautés négro-ouest - africaines, ou de leurs grandes figures, que l’auteur évoque, à juste titre, mais sans se demander pourquoi, malgré cet héritage, il n’en était plus ainsi ?

Il ne se posait pas la question de savoir pourquoi cette langue arabe, naguère si aimée, était aujourd’hui tant détestée ? Et d’où venait ce phénomène récent de rejet, si marqué ?

Sur le processus de l’introduction, et plus tard de radicalisation, de la langue arabe dans l’Ecole mauritanienne par Ould Daddah, présenté de manière linéaire et aseptisée, je ne discuterai pas non plus ; seulement, je ne saurai ne pas m’interroger sur l’ attitude de l’auteur qui, volontairement, a omis de se référer aux mémoires /confessions de Ould Daddah qui éclairaient pourtant, de manière limpide, ces textes-discours du marabout. Discours qui ne pouvaient être entièrement compris en dehors de leur contexte de tension politique et sociale de l’époque ! Sur ces péripéties là, le Dr est resté muet !

Lorsque Ould Daddah parlait de « repersonnalisation » du mauritanien il ne s’adressait qu’aux maures bidhaan ou arabes ! Lorsqu’il évoquait la « réhabilitation de notre culture », il ne s’adressait, encore, qu’à eux ! S’il s’est souvenu des « langues populaires », au passage, ce fut juste par politesse ; en réalité il ne préta aucune attention à elles, puisqu’il ne s’y intéressait pas, voilà pourquoi il ne fit donc rien pour elles ! « procéder à une arabisation de notre administration au niveau de la région, du département ., en écrivant et en s’exprimant en arabe l’administrateur arabisant obligera les autres ( entendez les Kwars) à faire un effort dans le même sens » écrivait-il ! y’ a -t-il, au vu de ce passage, plus grand mépris exprimé à l’endroit de notre culture , nous Négro africains ? avec une telle psychologie, ?’suprémaciste’’, les langues nationales négro-africaines n’avaient aucune chance de se voir développées avec Ould Daddah ! Croire le contraire relève de la naïveté !

Après 50 ans de cette politique initiée par Ould Daddah, et poursuivie avec acharnement par Ould Taya, on a obtenu exactement le contraire de ce qu’on désirait chez les Négro africains, à savoir le rejet pur et simple de cette langue arabe .

Les arabes, arabisés, sont dans l’impasse, et les négro- africains campent dans leur refus hostile de cette langue.du Coran, pourtant !!!

L’auteur évoque le cas de feu El hadj Mahmoud BA (1), érudit et intellectuel émerite, pionnier dans la vulgarisation de cette langue, mais quel fut son destin ? traité en intrus par ould Daddah, il fut relégué dans une inspection primaire terne de l’Enseignement du premier degré, où il devait finir ses vieux jours, en guise de promotion !

Dans les médias, dans les fora, actuellement à quoi assiste-t-on ? qui n’est pas bi-lingue n’a pas droit à la parole ; et, est appelé bilingue en Mauritanie, celui-là qui parle Hassanya (2) et Français !!! lorsque vous parlez Pulaar ou Soninké et Français, vous n’êtes pas bi-lingues ! existe -t-il un mépris de l’autre, supérieur à celui-là ?

Maintenant sous son apparente objectivité, quelle est la position du DR Vall ?

Au finish, il tente de justifier, comme certains compatriotes, la nécessité pour les mauritaniens, tous confondus, d’accepter la langue arabe comme langue officielle, ou langue de ciment !

Cela se justifie, nous dit -il, pour plusieurs raisons ;

D’abord parceque la Constitution le stipule déjà ! Ensuite parceque l’arabe demeure plus développée que les autres langues nationales .même si cette langue « accuse un certain retard sur le plan scientifique et technologique par rapport au Français », admet-il en guise de réserve. L’arabe, par ailleurs constitue la langue de la majorité et du Coran ! (3)

Dr Vall termine par l’argument économique : nos possibilités socio-économiques sont faibles, pour prendre en charge l’enseignement de quatre langues nationales, surtout que nous n’avons pas les mêmes aires culturelles homogènes qu’en Suisse, et qu’en plus notre Administration est centralisée, et notre population cosmopolite !!!(4)

Bref, au regard de tout cela, il est difficile d’envisager l’enseignement dans les quatre langues nationales .. donc oui pour l’arabe, plus avancé, en raccourci .

De plus poursuit-il, si déjà de nombreux cadres formés en Arabe et en Français sont au chômage, qu’elle chance pour ceux-là qui seraient formés en Pulaar, Soninké ou Wolof ? aucune, laisse -t-il sous-entendre !

Dr Vall rappelle, pour mémoire, qu’en France les jacobins imposèrent bien la langue des Francs aux Bretons, et pourquoi ne ferait -on pas de même chez nou , était il tenté d’ajouter !

Oubliant toutes ses réserves et précautions de départ qui tablaient sur le consensus, Dr Vall, conclut : « A l’heure actuelle, pour des raisons institutionnelles, démographiques, géopolitiques et académiques, la fonction de langue véhiculaire devrait revenir à l’Arabe » . Parallellement il faut « promouvoir et enseigner les autres langues nationales particulièrement durant les premières années .et les orienter vers l’alphabétisation ( des masses) » , et « maintenir le Français comme langue d’ouverture », fin !

Que dire sinon qu’on n’échappe difficilement aux poids de son environnement social et ethnique !

Pour éviter tout esprit de polémique, je ne reviendrai pas sur toutes ces raisons et solutions développées sur lesquelles il y’a tant à dire, mais juste sur quelques unes, dont je trouve la pertinence douteuse ou discutable !

D’abord la plus incohérente, entre toutes, face à la démarche initiale de recherche de consensus de l’auteur, l’argumentaire autour des jacobins, qui est un appel au recours à l’imposition, par la force ! Tout comme « l’arabe doit être la langue de travail » conformément à la constitution ! Constitution, du reste, discutable et contestable pour être, en partie, source des problèmes, au regard du contexte de sa gestation et de la manière dont elle a été imposée, puis amendée ! Bref, lorsqu’on envisage des solutions consensuelles, le recours par l’imposition n’est plus de mise ! Ensuite l’argument « l’arabe comme langue de majorité » relève du même ordre ! Est-il, du reste, indiqué de parler de majorité en matière d’identité ?

A la question de nos ressources, enfin, supposées faibles, pour prendre en charge l’enseignement de quatre langues nationales, je dirais ceci : cette question brùlante, recurrente qui met l’unité nationale en danger, permanent, ne vaut -elle pas le sacrifice de quelques roupies de plus ? L’unité apaisée, pour de bon, ne devrait-elle pas constituer la priorité première, pour nous ?

Voilà pourquoi nos ressources doivent supporter l’enseignement généralisé de ces quatre langues nationales, dans le cadre de l’autonomie ou de la régionalisation où elles seront des langues officielles régionales.

Enfin, le choix d’une langue véhiculaire n’est pas forcément synonyme de cohésion et d’unification, comme le croit Mr Vall , parcequ’en fait, l’unité nationale ne se fait pas forcément autour d’une langue ; l’unité se fait quand on parle le même langage plutôt que la même langue, dirait l’autre .

Autre facteur renforçant, chaque mauritanien, pour accorder à son voisin autant de respect et de consideration qu’à soi même, devra apprendre la langue de l’autre .

De manière globale, toutes les solutions, plutôt techniques et fort interéssantes du reste, développées par Docteur Vall, de bonne foi peut-être, sont malheureusement de second ordre, voire mauvaises, pour être passées à côté du vrai diagnostic ! Le docteur, en oubliant de se poser la question essentielle qu’il fallait dis-je, est passé à coté de la cause réelle de la crise des langues ou de l’Ecole mauritaniènne tout court !

Un diagnostic escamoté conduit à des solutions parcellaires, imparfaites ou erronées !

A aucun moment Dr Vall ne s’était posé la question de savoir d’où venaient les résistances à cette langue, langue de Coran de surcroît ? Il ne s’est pas demandé une seule fois, malgré l’attachement des communautés entières et des grandes figures négro africaines à cette langue, par le passé, pourquoi des mauritaniens la rejettent-ils ?

La réponse à cette interrogation est essentielle pour qui veut cerner la cause réelle des crises ethniques ou cycliques de notre Ecole .

Cette réponse, à mon avis, tient à ceci : les régimes arabo-berbères, sans exception, ont instrumentalisé la langue arabe ; ils lui ont fait jouer deux rôles : un rôle d’assimilation et un rôle de pénalisation. Ces régimes ont cherché à atteindre sécrètement, par ce biais, deux objectifs majeurs : rétablir l’équilibre politique en leur faveur, après la colonisation (cf Bedredine(5) , et assimiler les Négro africains, en vue de préserver et perenniser leur pouvoir politique et l’identité arabe du pays !

Les Négro- africains le comprirent, et cette langue fut donc perçue, par eux, comme rimant avec marginalisation, exclusion, assimilation, d’où leur résistance persistante, continue, mais toute légitime ! Partout, à l’école, du fondamental à l’université, en passant par l’armée, dans tous les concours de promotion interne ou d’accès à l’emploi, la langue arabe a servi, au mieux, à déclasser les Négro-africains, au pire à les faire échouer !

Quelles solutions ?
Si l’on veut réellement résoudre ce problème de langue arabe, il faudra donc s’attaquer à la cause profonde du rejet, qui est d’essence politique.

Il faut que cette langue cesse d’être instrumentalisée, utilisée comme moyen de séléction et de pénalisation des uns, de promotion et de domination, pour les autres !

Il faut qu’elle cesse d’être perçue par les Négro-africains comme un instrument de domination et d’exclusion, et donc qu’elle soit débarrassée de ce rôle partisan, occulte de séléction inter-communautaire ou inter-ethnique qui lui est attaché, pour ne jouer que celui, neutre, de communication tout court !

Pour se faire, l’on devra dans la même lancée, renoncer au dessein ou à l’idéologie secréte d’assimilation des populations négro africaines, et comprendre, une fois pour toutes, que ce dessein est voué à l’échec, à moins d’un rideau de fer aux frontières sénégalaise et malienne !

Faire de sorte donc que chaque mauritanien se sente citoyen à part entière de ce pays, voilà la problématique !

Dans ?’pourquoi nous avons reconnu le Biaffra’’ Juluis Nyerere faisait remarquer que « L’unité ne peut se fonder que sur l’assentiment des peuples en cause. Les peuples doivent sentir que l’Etat , l’Union sont leurs et accepter que leur querelle se situe dans ce cadre là. A partir du moment où une fraction importante du peuple cesse de croire que l’Etat est le sien , (et constate) que le gouvernement n’est plus à son service, l’unité n’est plus viable ».

Les Négro-africains, voire les Négro-mauritaniens, ont cessé de croire que cet Etat mauritanien était aussi le leur !

Dès qu’ils sentiront que l’Etat était, à nouveau, à leur service, la résistance à la langue arabe tombera, car en fait, c’est moins la langue, en elle même, qui était mise en cause, que le rôle secret qui lui a été dévolu, jusque là ! Lorsque la cause du rejet qui est d’essence politique aura disparu, cette langue reviendra dans les c ?urs, comme par le passé.

La lutte continue !

Dakar le 04 mai 2010

Par Bara Ba- Dakar-FLAM-Sénégal

Source : flamnet.info

P.-S.
LES NOTES :

1- EL hadj Mamoudou Ba ; ce que beaucoup ne savent pas c’est que Feu El hadj Mahmoud Ba était de ceux qui avaient soutenu la transcription en caracteres latins du pulaar, soninke /wolofs , tout pionnier de l’arabe qu’il fut . il devait avoir de bonnes raisons pour le faire !

2- Hassanya : Hassanya ou arabe, l’auteur passe de l’un à l’autre en nous laissant dans la confusion. Si le Hassanya est différent de l’arabe, alors c’est lui qu’il faudrait officialiser ; mais si par contre il est identique à l’arabe, il faudra alors supprimer toutes ces émissions en Hassanya ..en un mot il faut trancher cette ambibuité !

Mohameden ould Babah . cette référence à Baba, l’auteur ne pouvait si mal choisir et si mal nous servir , car Mohamden Ould Baba , Babaha, Yehdih Bredeleil et Baba Miske c’était le KKK de chez nous. 3- Coran : langue de coran , langue du prophète, Islam , musulman ! , qu’on arrête donc de nous ressasser ces faux arguments démagogiques ! les massacres en Turquie d’arméniens en 1915 , ceux en Mauritanie intervenus en 1989 , en plein mois de ramadan , de musulmans par d’autres musulmans, que ces musulmans « frères » ne veulent pas entendre evoquer, encore moins aider à resoudre, le cas du Darfur musulman au Soudan, victime de rapts et de centaines de milliers de morts par le soudan musulman, le cas du Pakistan enfin, qui se sépara de l’Inde ( sur des bases religieuses, il est vrai ) , mais finit par éclater peu après, sur des bases ethniques , par la sécession du Bengladesh (musulman), prouvent que le facteur ethnique, ( culture /identité ), demeure le facteur déterminant , en rapport au facteur religieux ! Qu’on arrête donc de nous pomper l’air par des « nous sommes tous musulmans » ! Où sont les musulmans ? Les vrais en font les frais comme Sidi Ould Cheikh Abdallahi !!!

4- Populations Cosmopolites : on croirait entendre Ould Daddah, de nouveau, qui refusa , pour la même raison l’idée du fédéralisme en Mauritanie. L’imbrication des populations ne pouvait empêcher le fédéralisme ou l’enseignemt des 4 langues nationales . Quoi qu’en pense l’auteur, des aires culturelles naturelles existent bel et bien chez nous , grosso-modo !

5- Bedredine : Mohamed Moustapha Ould Bedredine révelait que pour corriger le déséquilibre hérité du colonialisme défavorable aux maures, ceux -ci utilisérent deux instruments : la langue et l’école ; cf Fresia, Marion « crise sénégalo -mauritanienne : la rupture d’une alliance inter-ethnique »Inst -études politiques-Aix en provence, page 151.


Mardi 4 Mai 2010
Boolumbal Boolumbal
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