Les acteurs politiques se focalisent sur les préparatifs du dialogue politique décidé par le président de la République. Pourquoi à votre avis, le président de la République décide-t-il de convoquer un dialogue dans un pays où ne sévit pas une crise politique ? Comment le FRUD se prépare-t-il pour le conclave?
Diop Amadou Tidiane : Merci très sincèrement de m’offrir cette interview afin de partager avec vous quelques réflexions sur l’initiative du dialogue national, ses enjeux, ses perspectives, et la position du Front Républicain pour l’Unité et la Démocratie (FRUD).
Donc en ce qui concerne cette première question, permettez-moi de vous dire, nul ne peut prétendre sonder les intentions profondes de l’initiateur du dialogue, en l’occurrence le président de la République. Toutefois, en tant qu’acteur politique et initiateur de cette démarche participative, je considère qu’il s’agit là d’une initiative importante. Elle donne enfin aux citoyens mauritaniens la possibilité de poser librement leurs questions, de formuler leurs préoccupations et de participer à la recherche collective de solutions durables aux défis qui minent notre pays.
Certes, certains estiment que le pays ne connaît pas de crise politique nécessitant un dialogue national. Mais faut-il attendre la crise pour se parler ? La stabilité ne doit pas être un prétexte à l’inaction, car les problèmes sont bien présents : gouvernance, inégalités, restrictions des libertés, exclusion… La dernière loi sur les partis politiques en est une illustration, perçue par beaucoup comme une remise en cause de la pluralité politique.
C’est pourquoi je plaide pour que le dialogue se tienne en période de paix, car c’est le moment propice à l’écoute, au consensus et à la construction. Le FRUD s’y prépare activement et propose une démarche structurée visant à aboutir à un dialogue sans précédent, dont les résolutions seront appliquées dans les délais convenus, au bénéfice de tous.
- Pour l’élaboration d’une feuille de route consensuelle, le coordinateur désigné du dialogue Moussa Fall a entamé une série de rencontres avec les acteurs politiques et leur a demandé de lui fournir leurs propositions (objectifs, attentes, nombre de participants et mécanisme de suivi). Avez-vous répondu à cette demande si oui, pouvez-vous nous dire brièvement ce que le FRUD attend du dialogue en gestation et quels thèmes il voudrait voir figurer sur la feuille de route?
-Il convient de rappeler que cette initiative est née d’un appel du président de la République, lors d’un iftar à la présidence pendant le mois de Ramadan. Il y avait convié les chefs de partis politiques et anciens candidats à la présidentielle, les invitant à formuler des propositions autour des thématiques prioritaires.
Nous avons été ensuite sollicités pour soumettre nos recommandations au coordinateur national du dialogue, M. Moussa Fall, qui a rencontré l’ensemble des forces vives du pays. Lors de notre échange, il a réaffirmé l’engagement du président à conduire un dialogue inclusif et sans tabou, dans l’intérêt de tous les Mauritaniens.
Nous espérons que ce dialogue permettra de répondre de manière claire et effective aux préoccupations soulevées. Que nul citoyen, demain, n’ait plus à revendiquer dans l’isolement ce qui doit relever du droit commun.
- La Mauritanie a connu bon nombre de dialogues politiques ; la dernière tentative en 2023 a avorté et les résolutions des précédentes n’ont pas toutes été mises en œuvre. Avez-vous la conviction que le dialogue dont les préparatifs sont en cours serait différent et réussi? Que pensez-vous de la démarche adoptée par le coordinateur Moussa Fall ?
-Nous n’avons fait que traduire l’expression de notre constance. Et je m’en vais vous dire pourquoi. Pour mémoire, en 2022, le FRUD a refusé de participer au dialogue alors proposé, considérant que les conditions nécessaires à sa crédibilité n’étaient pas réunies. Nous avons publiquement exprimé notre position lors d’une conférence de presse tenue à Gallice, le 11 septembre 2021. Les archives en témoignent.
Aujourd’hui, notre engagement est différent car les bases mêmes de ce dialogue ont évolué. Nos principales recommandations ont été prises en compte :
• La mise en place d’un comité représentatif de supervision ;
• La définition claire des thématiques ;
• L’identification rigoureuse des participants ;
• L’élaboration d’un calendrier précis ;
• La détermination de mécanismes pour l’application des résolutions.
Le président, à travers l’institution de l’opposition démocratique, nous a réitéré sa volonté d’un dialogue consensuel et inclusif. Je lui ai personnellement rappelé l’impératif d’une rupture nette avec les anciens formats, qui ont échoué faute de méthode, de pédagogie et surtout de volonté politique.
-Parmi les thèmes qui pourraient figurer sur la feuille de route consensuelle entre acteurs politiques à laquelle appelle le coordinateur du dialogue figurerait la question de l’unité nationale dont tous les acteurs politiques et organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile ne cessent de parler. Quel contenu mettez-vous dans ce vocable « unité nationale » ? Et que préconise le FRUD pour la préserver et la renfoncer ?
-L’unité nationale ne se décrète pas, elle est un idéal à construire. Elle repose sur une identité commune, une langue partagée, une culture intégratrice et une cohésion sociale authentique. Ces éléments doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie lors du dialogue, pour que naisse un véritable vivre-ensemble mauritanien, respectueux des diversités et rassembleur dans ses valeurs.
- La lutte contre la corruption est un des engagements électoraux du président de la République. Sa mise en œuvre par le gouvernement vous satisfait-elle ?
-La lutte contre la corruption est au cœur des préoccupations du FRUD. Elle est au centre de nos propositions dans la thématique de la bonne gouvernance. Ce fléau, qui s’apparente à un phénomène culturel dans certains cercles, est le fruit d’un déficit de patriotisme et d’une éducation civique insuffisante. Il est urgent de rompre avec cette culture de l’impunité et d’enraciner les principes de transparence, d’équité et de justice.
-50 milliards d’Ouguiyas anciens ont été débloqués pour développer et moderniser la capitale Nouakchott. Que pensez-vous de cette décision ?
-La modernisation de la capitale s’impose comme une urgence collective et c’est pourquoi nous saluons le lancement du projet de modernisation de notre capitale, bien qu’il arrive tardivement. Cette initiative est aujourd’hui une nécessité vitale pour notre développement, à l’image de ce qui se fait dans d’autres capitales africaines. Ces projets doivent être menés selon les normes du génie civil moderne, en tenant compte des contraintes climatiques, de l’usage quotidien, et de la durabilité. Nous appelons à une exécution exemplaire, à la hauteur des espoirs placés dans ce vaste chantier.
Vous me permettrez avant de terminer de profiter de l’occasion que votre journal m’offre pour lancer un appel à l’ensemble de la classe politique et à la société civile d’adhérer à l’initiative du dialogue en gestation, car le dialogue est nécessaire, indispensable mais pour cela, il doit être inclusif, sincère, méthodique et suivi d’effets. Le FRUD y contribuera pleinement, avec responsabilité et esprit constructif, pour que ce processus devienne un véritable tournant dans l’histoire politique de notre pays.
Nous devons réussir ce dialogue, non pour satisfaire des agendas partisans, mais pour bâtir un avenir commun à tous les Mauritaniens.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source :
https://lecalame.info]urlhttps://lecalame.info/?q=node/17151
Diop Amadou Tidiane : Merci très sincèrement de m’offrir cette interview afin de partager avec vous quelques réflexions sur l’initiative du dialogue national, ses enjeux, ses perspectives, et la position du Front Républicain pour l’Unité et la Démocratie (FRUD).
Donc en ce qui concerne cette première question, permettez-moi de vous dire, nul ne peut prétendre sonder les intentions profondes de l’initiateur du dialogue, en l’occurrence le président de la République. Toutefois, en tant qu’acteur politique et initiateur de cette démarche participative, je considère qu’il s’agit là d’une initiative importante. Elle donne enfin aux citoyens mauritaniens la possibilité de poser librement leurs questions, de formuler leurs préoccupations et de participer à la recherche collective de solutions durables aux défis qui minent notre pays.
Certes, certains estiment que le pays ne connaît pas de crise politique nécessitant un dialogue national. Mais faut-il attendre la crise pour se parler ? La stabilité ne doit pas être un prétexte à l’inaction, car les problèmes sont bien présents : gouvernance, inégalités, restrictions des libertés, exclusion… La dernière loi sur les partis politiques en est une illustration, perçue par beaucoup comme une remise en cause de la pluralité politique.
C’est pourquoi je plaide pour que le dialogue se tienne en période de paix, car c’est le moment propice à l’écoute, au consensus et à la construction. Le FRUD s’y prépare activement et propose une démarche structurée visant à aboutir à un dialogue sans précédent, dont les résolutions seront appliquées dans les délais convenus, au bénéfice de tous.
- Pour l’élaboration d’une feuille de route consensuelle, le coordinateur désigné du dialogue Moussa Fall a entamé une série de rencontres avec les acteurs politiques et leur a demandé de lui fournir leurs propositions (objectifs, attentes, nombre de participants et mécanisme de suivi). Avez-vous répondu à cette demande si oui, pouvez-vous nous dire brièvement ce que le FRUD attend du dialogue en gestation et quels thèmes il voudrait voir figurer sur la feuille de route?
-Il convient de rappeler que cette initiative est née d’un appel du président de la République, lors d’un iftar à la présidence pendant le mois de Ramadan. Il y avait convié les chefs de partis politiques et anciens candidats à la présidentielle, les invitant à formuler des propositions autour des thématiques prioritaires.
Nous avons été ensuite sollicités pour soumettre nos recommandations au coordinateur national du dialogue, M. Moussa Fall, qui a rencontré l’ensemble des forces vives du pays. Lors de notre échange, il a réaffirmé l’engagement du président à conduire un dialogue inclusif et sans tabou, dans l’intérêt de tous les Mauritaniens.
Nous espérons que ce dialogue permettra de répondre de manière claire et effective aux préoccupations soulevées. Que nul citoyen, demain, n’ait plus à revendiquer dans l’isolement ce qui doit relever du droit commun.
- La Mauritanie a connu bon nombre de dialogues politiques ; la dernière tentative en 2023 a avorté et les résolutions des précédentes n’ont pas toutes été mises en œuvre. Avez-vous la conviction que le dialogue dont les préparatifs sont en cours serait différent et réussi? Que pensez-vous de la démarche adoptée par le coordinateur Moussa Fall ?
-Nous n’avons fait que traduire l’expression de notre constance. Et je m’en vais vous dire pourquoi. Pour mémoire, en 2022, le FRUD a refusé de participer au dialogue alors proposé, considérant que les conditions nécessaires à sa crédibilité n’étaient pas réunies. Nous avons publiquement exprimé notre position lors d’une conférence de presse tenue à Gallice, le 11 septembre 2021. Les archives en témoignent.
Aujourd’hui, notre engagement est différent car les bases mêmes de ce dialogue ont évolué. Nos principales recommandations ont été prises en compte :
• La mise en place d’un comité représentatif de supervision ;
• La définition claire des thématiques ;
• L’identification rigoureuse des participants ;
• L’élaboration d’un calendrier précis ;
• La détermination de mécanismes pour l’application des résolutions.
Le président, à travers l’institution de l’opposition démocratique, nous a réitéré sa volonté d’un dialogue consensuel et inclusif. Je lui ai personnellement rappelé l’impératif d’une rupture nette avec les anciens formats, qui ont échoué faute de méthode, de pédagogie et surtout de volonté politique.
-Parmi les thèmes qui pourraient figurer sur la feuille de route consensuelle entre acteurs politiques à laquelle appelle le coordinateur du dialogue figurerait la question de l’unité nationale dont tous les acteurs politiques et organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile ne cessent de parler. Quel contenu mettez-vous dans ce vocable « unité nationale » ? Et que préconise le FRUD pour la préserver et la renfoncer ?
-L’unité nationale ne se décrète pas, elle est un idéal à construire. Elle repose sur une identité commune, une langue partagée, une culture intégratrice et une cohésion sociale authentique. Ces éléments doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie lors du dialogue, pour que naisse un véritable vivre-ensemble mauritanien, respectueux des diversités et rassembleur dans ses valeurs.
- La lutte contre la corruption est un des engagements électoraux du président de la République. Sa mise en œuvre par le gouvernement vous satisfait-elle ?
-La lutte contre la corruption est au cœur des préoccupations du FRUD. Elle est au centre de nos propositions dans la thématique de la bonne gouvernance. Ce fléau, qui s’apparente à un phénomène culturel dans certains cercles, est le fruit d’un déficit de patriotisme et d’une éducation civique insuffisante. Il est urgent de rompre avec cette culture de l’impunité et d’enraciner les principes de transparence, d’équité et de justice.
-50 milliards d’Ouguiyas anciens ont été débloqués pour développer et moderniser la capitale Nouakchott. Que pensez-vous de cette décision ?
-La modernisation de la capitale s’impose comme une urgence collective et c’est pourquoi nous saluons le lancement du projet de modernisation de notre capitale, bien qu’il arrive tardivement. Cette initiative est aujourd’hui une nécessité vitale pour notre développement, à l’image de ce qui se fait dans d’autres capitales africaines. Ces projets doivent être menés selon les normes du génie civil moderne, en tenant compte des contraintes climatiques, de l’usage quotidien, et de la durabilité. Nous appelons à une exécution exemplaire, à la hauteur des espoirs placés dans ce vaste chantier.
Vous me permettrez avant de terminer de profiter de l’occasion que votre journal m’offre pour lancer un appel à l’ensemble de la classe politique et à la société civile d’adhérer à l’initiative du dialogue en gestation, car le dialogue est nécessaire, indispensable mais pour cela, il doit être inclusif, sincère, méthodique et suivi d’effets. Le FRUD y contribuera pleinement, avec responsabilité et esprit constructif, pour que ce processus devienne un véritable tournant dans l’histoire politique de notre pays.
Nous devons réussir ce dialogue, non pour satisfaire des agendas partisans, mais pour bâtir un avenir commun à tous les Mauritaniens.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source :
https://lecalame.info]urlhttps://lecalame.info/?q=node/17151