Editorial: Un grand homme de cœur et de raison



Editorial: Un grand homme de cœur et de raison
Conformément à l’Accord-Cadre de Dakar, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi a démissionné, lors d’une cérémonie chargée d’émotion, au Palais des congrès, le vendredi 26 juin, en présence du chef de l’Etat sénégalais, maître Abdoulaye Wade. Notre troisième président de la République, qui a refusé de démissionner avant que le Haut Conseil d’Etat, qui l’avait renversé, ne soit dissous ou, au moins, placé sous l’autorité du gouvernement, a vu plus loin que la majorité de la classe politique.

Le maintien d’une structure putschiste, dans un régime qui se veut démocratique, au motif, fallacieux, qu’elle assurerait la «sécurité», alors qu’elle ne voulait que prolonger sa tutelle sur le pays, n’était, tout simplement, pas acceptable, aux yeux du garant constitutionnel qu’était Sidi, en sa fonction de président de la République. Et il a fini par obtenir gain de cause. Après plus de trois semaines d’intenses tractations, ponctuées de propositions de la part du Groupe de Contact International, qui ne voulait pas échouer, si près du but, le sort du HCE n’a été scellé que cette semaine. Comme si le clan pro-putsch, en ne cédant qu’à la dernière minute, voulait réduire, au maximum, la durée de vie du gouvernement d’union nationale. Mais la médaille a son revers.
La précipitation est de nature à multiplier les erreurs procédurières, susceptibles d’alimenter une contestation accrue des résultats, surtout en cas de victoire d’Aziz, dont le clan mène, toujours, la barque. A cet égard, le gouvernement n’aura pas suffisamment de temps, pour préparer, techniquement, l’élection. Ce que ne semble pas comprendre son chef. Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf, en tentant un passage, en force, par la convocation du collège électoral, le 18 juillet, sans s’en référer au président par intérim, prenait le risque d’être désavoué, de nouveau, par un Conseil Constitutionnel, apparemment décidé à ne plus s’en laisser conter. Mais le miracle n’a pas eu lieu, une seconde fois. Après avoir rejeté le décret convoquant le collège électoral, promulgué, la semaine dernière, par M’Baré, prématuré président par intérim de la République, avant la démission, effective de Sidioca, le Conseil s’est, à nouveau, aplati. Sans autre argument que le consensus de l’accord de Dakar, qui n’a, pourtant, pas force de loi et qui ne peut être opposable qu’à ceux qui l’ont signé. Que dira le Conseil Constitutionnel, s’il est saisi, par un candidat lambda, réclamant des droits que lui donnent la Constitution et les lois de ce pays, et qui risquerait d’en être privé, par cet Accord? Au-delà de cet imbroglio juridique, c’est, à l’évidence, une véritable gageure que d’organiser une élection, viable et fiable, en un temps aussi court. Même si toute la communauté internationale s’y met. Il existe, en effet, des délais incompressibles et, à moins d’accepter de tout bâcler, on voit mal comment mettre en place une CENI consensuelle, réviser les listes électorales, donner un délai pour le dépôt des candidatures, battre campagne électorale, confectionner les cartes et les bulletins de vote à l’étranger, les acheminer dans les bureaux de vote éparpillés dans tout le pays ; le tout, en une vingtaine de jours.
En tout cas, les candidats, fermement, opposés à la reconduite, par les urnes, du pouvoir putschiste et contraints à définir, au plus vite, une stratégie commune de dénonciation du leurre, sans négliger les impératifs de leur chapelle respective – la pire attitude serait de tomber dans le piège de la précipitation et du chacun-pour-soi – peuvent s’inspirer, un tant soit peu, de notre président démissionnaire. Comme lors de ces derniers mois, Sidi s’est montré, à la fois, calme, pondéré mais, aussi, ferme sur ses positions. Apprenant que son discours n’était pas retransmis, en direct, à la radio, il s’est tout simplement rassis, en attendant que les choses soient convenablement mises en place. Un coup bas, parmi tant d’autres, qu’on lui a assénés, au cours des dix derniers mois. Que pouvait bien coûter, aux organes de presse officiels, la retransmission, en direct, d’un événement aussi important que la démission d’un président en exercice? Cela symbolise, peut-être, pour eux, l’échec d’un putsch, sans lequel leurs premiers responsables seraient, encore, dans les oubliettes de l’histoire. Ce n’est qu’après s’être assuré qu’il était retransmis, en live, qu’il a commencé à discourir et, lorsque la liaison avec la radio a été –volontairement? – interrompue, il a stoppé, net, son propos. L’assistance – en premier chef, les médiateurs internationaux – était éberluée, par tant de mauvaise foi et d’acharnement contre un homme qui ne représente plus aucun danger. Sauf celui de prendre une place dans le cœur de tous ceux qui ont écouté son discours d’adieu. Et là il a réussi, en quelques phrases, ce qui lui fut impossible, en quinze mois d’exercice du pouvoir. Et nous nous sommes rendus compte, tardivement, que nous avons perdu un homme de cœur et de raison, un homme d’Etat, qui s’est mis loin au-dessus de ceux qui ont utilisé toutes les bassesses pour «jeter son honneur aux chiens». En réalité, ils n’auront piétiné que le leur et, si le peuple ne le sait, peut-être pas, encore, eux-mêmes le savent, irrémédiablement…

Ahmed Ould Cheikh

Source : le calame

Mercredi 1 Juillet 2009
Boolumbal Boolumbal
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