ECONOMIE Sommes-nous un pays pauvre ?



ECONOMIE Sommes-nous un pays pauvre ?
La Mauritanie est-elle un pays pauvre ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, on peut répondre par oui ou par non à une telle question. Oui, si la richesse d'un pays se mesure à la longueur de ses côtes maritimes, à ses potentialités agricoles, à l'immensité de ses troupeaux de bovins, de caprins et de camelins et à la richesse de son sous-sol.
Non, si l'on considère qu'il ne s'agit là que de richesses virtuelles, souvent non vécues par les populations comme le montrent les indicateurs du pays (PIB, taux d'inflation, croissance, encours de la dette, balance des paiements, développement durable, etc.)

Sur ce point précis, la Mauritanie se complait encore à faire partie du groupe, enviable pour les avantages qu'il offre en termes d'APD, des PMA (Pays les Moins Avancés) mué depuis 1996 en PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).

Autre paradoxe: tout le monde s'accorde pour dire que la Mauritanie est, potentiellement, riche mais conjoncturellement pauvre. Une telle situation (de mi-figue mi-raison) fait que la Mauritanie a certes des points forts mais beaucoup de points faibles qui empêchent, à l'heure actuelle, la poursuite des objectifs internationaux de développement et de lutte contre la pauvreté.


Richesses potentielles

Pêche, mines (fer, or, cuivre), élevage, agriculture. Ce sont là les quatre mamelles qui permettent à la Mauritanie d'envisager, à des degrés divers, une bonne application des stratégies de développement convenues avec le FMI et la Banque mondiale.

Possédant l'une des zones maritimes les plus riches du monde, la Mauritanie n'arrive pourtant pas encore à tirer le meilleur profit d'une richesse halieutique qui, bien gérée, lui aurait permis d'éviter bien des déconvenues, selon plusieurs spécialistes. Le secteur de la pêche qui traverse des crises intermittentes selon les lois du marché, rapporte au pays 27% de ses recettes budgétaires et 54% des recettes d'exportation.

Avec une production estimée à 600.000 T par an, le secteur représente 13% du PIB. Mais la crise qu'il traverse depuis plusieurs années fait oublier les quelque 45 milliards d'ouguiyas (165 millions de $) qu'il a rapporté à une poignée d'armateurs nationaux ! C'est là l'effet d'une surexploitation bien supérieure à celle indiquée par les statistiques officielles, comme en témoigne la diminution progressive des rendements de la pêche de fond. Le secteur halieutique qui ne se remet pas de la crise des années vécue il y a quelques mois, offre la parfaite illustration d'une richesse qui appauvrit. L'Etat qui a cherché à orienter les ressources provenant des exploitations de poisson vers le marché local, en obligeant les producteurs à rapatrier une partie des devises, bute contre une tradition de fuite des capitaux ancrée dans les mentalités depuis l'ère des puissantes sociétés mixtes. Et le risque perçu par tous les acteurs d'arriver à un enlisement complet des flottes encore en activité n'arrive pas encore à déclencher " l'instinct de conservation " chez ceux qui prennent en otage ce secteur vital pour l'économie nationale.

Certes, l'économie mauritanienne peut miser encore sur la bonne santé du fer, exploité depuis 1961 par la défunte MIFERMA et à partir de 1973 par la SNIM, véritable poumon économique du pays depuis des décennies. Mais pour combien de temps encore?

Les exportations du fer contribuent à plus de 40% des recettes globales et à la formation de 12% du PIB, soit autant que le secteur de la pêche.

L'exploitation de ce minerai dont les réserves connues à ce jour s'élèvent à 175 millions de tonnes, est toujours concentrée dans le Nord du pays, dans la région de Tiris Zemmour autour de la ville de Zouérate.

La SNIM, qui sent la lourde responsabilité qui pèse sur ses épaules en matière d'exploitation minière, a à cœur de découvrir d'autres gisements de fer et même d'autres minerais tels que le diamant, le cuivre, le phosphate et le gypse pour diversifier ses ressources et garantir son avenir. A Kédia, El Rhein, M'Haoudat, Guelb est venu s'ajouter tout récemment T014 qui augmente les réserves de la SNIM de 40 à 60 millions de tonnes de minerai riche. L'exploitation culmine actuellement autour de 12 millions de tonnes avec comme objectif immédiat de porter la production au-delà de 13 millions de tonnes.

En 2008, la SNIM dont 78% du capital est détenu par l'Etat (22% par des investisseurs arabes) a enregistré un chiffre d'affaires de 200.277.000.000 UM et un bénéfice net de 76.784.000.000 UM. Ces résultats ont pu être obtenus grâce notamment à l'augmentation des prix de référence.


Gâchis et tâtonnements

L'Etat qui n'envisage pas pour le moment la privatisation de ce fleuron de l'économie nationale, y à injecter 122 millions de dollars d'investissements (35 milliards d'UM) pour des recherches qui portent sur le fer mais également sur les secteurs aurifères et diamantifères pour lesquels la SNIM s'est vue octroyer plusieurs permis de recherches.

Face aux secteurs halieutique et minier, l'élevage et l'agriculture se présentent comme des secteurs d'avenir. Le cheptel et la densité animal/habitant comptent parmi les plus importants d'Afrique. Avec plus de 15 millions d'ovins et caprins, 1,6 million de bovins et presque autant de camélidés, le secteur agricole comptait en 2000 pour 30% dans la formation du PIB global.

Par ailleurs, le secteur fait vivre 80% de la population rurale et assure 73% de l'approvisionnement en lait de la Mauritanie.

On ne peut pas en dire autant de l'agriculture qui émerge difficilement, malgré la volonté des pouvoirs publics d'en faire l'un des piliers de l'économie nationale.

Au-delà des aléas climatiques difficilement maîtrisables, l'intérêt affiché par le capital privé pour les terres de la Vallée a commencé à s'effriter depuis quelques années. Un premier round d'observation a laissé croire qu'une révolution verte serait possible grâce à la réforme foncière des années 90 et à la politique de soutien et de développement des filières agricoles qui ont vu de grands groupes financiers s'orienter vers le secteur agricole. Mais l'euphorie des premières années laisse aujourd'hui la place au désenchantement. Nos agriculteurs adoptent un profil bas. Le fiasco de la riziculture semble avoir refroidi leurs premières ardeurs alors qu'ils ont démonté pourtant, durant quelques années, que l'agriculture pouvait avoir un effet positif sur la croissance. Le demi-échec de la politique agricole et le marasme de la pêche industrielle installent la Mauritanie dans un état de pauvreté qui, si on n'y prend garde, risque de se transformer en fatalité.

Les appellations de PMA et de PPTE ne sont que la face d'une réalité économique que les deux concepts n'épuisent pas complètement. Pour cela, la question initiale à laquelle nous avons tenté de répondre doit être nuancée : sommes-nous réellement pauvres?


Source: l'authentique

Lundi 4 Janvier 2010
Boolumbal Boolumbal
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