
Vendredi dernier, le Conseil constitutionnel français, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), rendait publique une décision en faveur de la décristallisation des pensions des anciens ressortissants des ex-colonies françaises. Nous avons rencontré le Directeur de l’Office des Anciens Combattants et Victimes de Guerre de la RIM, Colonel Dia Amadou Mamadou. Entretien
Quotidien de Nouakchott : la justice française a ordonné la décristallisation des pensions des anciens combattants. Quel commentaire cela vous inspire ?
Dia Amadou Mamadou : la décision du Conseil constitutionnel Français ne nous a pas tellement surpris puisqu’on s’y attendait. Dans notre dernière correspondance en cours, nous avons demandé au secrétaire d’Etat français aux anciens combattants, d’activer la loi ou alors d’appliquer les dispositions contenues dans l’article 71 de la loi 14-54 du 26 décembre 1959, le L3, qui dé cristallise nos pensions par dérogation renouvelable tous les douze (12) mois, pour le peu de temps qu’il nous reste à vivre. Nous avons demandé aussi l’instauration de l’égalité et de la justice au sein du monde combattant et pour la pérennisation de leurs droits acquis. Que la France opte pour un alignement des pensions et retraites des africains et asiatiques, sur les taux en vigueur pour les anciens combattants français avec lesquels ils ont partagé les mêmes dangers, fait face aux mêmes balles de l’ennemi dans les mêmes champs de bataille suivant le principe, à risques égaux, des droits égaux. Nous avons demandé également le paiement des droits depuis la date de leur concession. En outre, nous demandons à ce que la paie de nos pensions soit mensuelles plutôt que trimestrielles au même titre que les anciens combattants français qui la perçoivent chaque mois.
Par ailleurs, nous avons aujourd’hui des anciens combattants âgés de 96 ans. Ces octogénaires, leurs noms figurent sur la correspondance adressée au secrétaire d’Etat français et ils ne peuvent même pas se déplacer pour pouvoir la signer. Donc la France doit penser socialement à ces gens. Nos compatriotes qui sont en France, qui sont âgés, la loi prévoit leur retour et tous les avantages qu’ils avaient en France, vont être faits sur le territoire national, c’est une très bonne chose, pourvu que cela ne reste pas à l’état de promesse. La France a dit aux anciens combattants de faire le choix entre rester en France et revenir au bercail. Je crois que c’est dans leur intérêt de revenir puisque beaucoup d’entre eux reviennent ici en caisse. Il arrive très souvent d’entendre qu’un tel est décédé là-bas, parce que en fait ils ne supportent pas le climat de la France, qui ne convient pas à des vieillards comme nous.
En résumé, la franchise fait que cette loi de 1959 est un pas mais il reste encore à faire. Ce qui reste à faire consiste à assouplir la procédure pour la réversion des pensions aux veuves. Ce qui reste également c’est le problème de nos goumiers supplétifs. Nos goumiers qui ont authentiquement travaillé comme les militaires malgré qu’ils soient civils, agents de sécurité aux points sensibles, guides à travers le territoire national et combattants comme tout le monde, n’ont pas de livret, de matricules, ni de pièces quelconques puisque les commandants de cercle qui les géraient, n’ont rien fait pour eux. Pour nous, c’est une injustice flagrante à régler. Qu’ils règlent ce problème, nous irons dans nos tombes l’esprit tranquille sinon chacun de nous y ira avec la douleur au cœur pour ces deux derniers cas que je viens d’évoquer. Car avec la résolution de cette erreur qui a causé des préjudices moraux et financiers aux vieux soldats de l’armée française, la France revient à la place d’une grande puissance. En effet, pour nous, l’Etat n’est pas puissant puisqu’il est industrialisé ou mécanisé, mais il est puissant parce qu’il est juste et neutre de ses partis politiques. Disons aussi que l’Afrique ne pourra jamais écrire son histoire sans se référer aux sacrifices consentis par ses fils, avant, maintenant et à l’avenir.
Pouvez-vous expliquer les étapes de la cristallisation ?
Voyez-vous, le gel des pensions a été décrété en 1959. Tout a commencé en 1944 après les guerres de libération d’Indochine et d’Algérie. Je pense qu’avec le cinquantième anniversaire des indépendances africaines, il est bon de faire le point sur un problème qui n’est toujours pas entièrement résolu. « Les tirailleurs sénégalais » ressortissants des fédérations de l’AOF et du Togo et de l’AIF étaient des sujets français. A la création des forces noires en 1857 par Napoléon, ils étaient dénommés ainsi : supplétifs indigènes, tirailleurs, citoyens de la communauté française. Depuis 1956, avec les lois Gaston Defferre et Lamine Guèye, les tirailleurs qui avaient la possibilités intellectuelles de passer les examens avec leurs frères européens pour l’obtention des diplômes et brevets pour leurs classements aux indices de solde CT1-CT2, BT3-BT4 n’a pas classé les différentes catégories du même niveau de considération, ni des avantages. Seuls les natifs des quatre communes du Sénégal (Saint Louis, Dakar, Rufisque et Gorée) étaient citoyens français. A l’indépendance, ceux qui avaient choisi de rejoindre leur pays d’origine ont été victimes de cette cristallisation. Cette mesure répond purement à l’indépendance de l’Afrique non désirée, attestée par la rébellion des officiers contre le général De Gaulles en 1961 en Algérie. Ils ne souhaitaient pas l’indépendance de « l’Algérie française ». En 1944, le général De Gaulles qui n’a jamais accepté la défaite et l’armistice en 1940, a fait des promesses à Brazzaville et Alger, à la veille du débarquement au sud de la France. Compte tenu de l’engagement, des disciplines, des sacrifices et souffrances des tirailleurs, il a toujours souhaité que l’Afrique noire accède à l’indépendance, sans guerre, sans verser du sang. C’est donc grâce aux fils du continent que nous nous avons accédé à la souveraineté internationale en 1960. Malheureusement, malgré sa campagne à travers toute l’Afrique et Madagascar en 1958, ses idées n’ont pas été partagées par beaucoup de français dont les administrateurs et les politiques qui ont légiféré la loi de 1959.
L’article 71 de cette loi de 1959 a aggravé successivement la cristallisation. Ainsi, de 1995 à 2001, la forclusion interdit les droits nouveaux (attribution des cartes et brevets de retraites du combattant et la réversion des droits aux veuves). En 2001, levée de la forclusion grâce à l’action permanente des grandes associations françaises d’anciens combattants et victimes de guerres. En 2002, l’article 68 de la loi rectificative des finances revalorise les indemnités et rétablit la réversion. En 2007, la pension militaire d’invalidité et de retraite du combattant sont dé cristallisés. Le 29 octobre 2008, un projet de loi n° 1228 est déposé à l’assemblée nationale française pour la décristallisation de la pension militaire de retraite tendant à assurer au niveau des pays d’origine, des conditions de vie des anciens combattants âgés et handicapés. C’est cette loi n° 1228 du 29 octobre 2008 qui vient de faire l’objet de la décision du Conseil constitutionnel français qui doit permettre de restituer les 60 % des droits acquis et gelés depuis 1961.
Pour autant, cette dernière décision ne règle pas toutes les préoccupations. Beaucoup de camarades d’armes sont morts, la douleur au cœur, laissant derrière eux des dettes, des veuves et des orphelins. La France doit assouplir les procédures administratives pour la réversion de leurs droits. Depuis 2004-2005, sur quarante dossiers déposés, dix à peine ont été approuvés.
Quand est-ce que le processus de décristallisation a débuté ?
Si j’ai bonne mémoire encore c’est en 1985 que des études ont été faites sur la question d’une éventuelle décristallisation. Mais les montants étaient tellement colossaux que la France y a renoncé. En 2001, le Conseil d’Etat par l’arrêt Diop, tranche en jugeant que le fait de verser des prestations «cristallisées» aux anciens combattants et aux anciens fonctionnaires civils ou militaires viole la Convention européenne des droits de l’Homme et constitue une discrimination illégale. Raison pour laquelle, le gouvernement français décidait en 2002, d’indexer les pensions sur le pouvoir d’achat des pays d’origine. La retraite d’un combattant varie selon la nationalité. Mais ce n’est que quatre ans plus tard, au mois de septembre que le gouvernement français annonce la décristallisation totale des prestations dites «du feu», c’est-à-dire des retraites du combattant et des pensions militaires d’invalidité.
La revalorisation a-t-elle soulagé les anciens combattants ?
Cette revalorisation à minima des prestations versées aux anciens combattants étrangers, si je puis m’exprimer ainsi, n’a été que partielle. Pourquoi ? Parce que la mesure ne concerne qu’une infime partie des prestations versées aux anciens fonctionnaires civils et militaires : la retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité. Les autres prestations sont laissées de côté notamment les pensions civiles et militaires de retraite et les pensions de réversion. Quand je dis à minima c’est du fait que les deux prestations revalorisées portent sur desdes pensions des anciens combattants étrangers est donc loin d’être soldé. L’injustice de la cristallisation des pensions continuera à faire de nombreuses victimes. montants dérisoires : 450 euros par an pour la retraite du combattant à taux plein et moins de 700 euros pour une pension d’invalidité à taux plein. On est loin du compte par rapport aux chiffres annoncés. Il n’a pas été non plus question de rattrapage. La revalorisation s’applique seulement pour ceux qui sont encore en vie au 1er janvier 2007. C’est vous dire donc, que le contentieux
Propos recueillis par Moussa Diop
Quotidien de Nouakchott : la justice française a ordonné la décristallisation des pensions des anciens combattants. Quel commentaire cela vous inspire ?
Dia Amadou Mamadou : la décision du Conseil constitutionnel Français ne nous a pas tellement surpris puisqu’on s’y attendait. Dans notre dernière correspondance en cours, nous avons demandé au secrétaire d’Etat français aux anciens combattants, d’activer la loi ou alors d’appliquer les dispositions contenues dans l’article 71 de la loi 14-54 du 26 décembre 1959, le L3, qui dé cristallise nos pensions par dérogation renouvelable tous les douze (12) mois, pour le peu de temps qu’il nous reste à vivre. Nous avons demandé aussi l’instauration de l’égalité et de la justice au sein du monde combattant et pour la pérennisation de leurs droits acquis. Que la France opte pour un alignement des pensions et retraites des africains et asiatiques, sur les taux en vigueur pour les anciens combattants français avec lesquels ils ont partagé les mêmes dangers, fait face aux mêmes balles de l’ennemi dans les mêmes champs de bataille suivant le principe, à risques égaux, des droits égaux. Nous avons demandé également le paiement des droits depuis la date de leur concession. En outre, nous demandons à ce que la paie de nos pensions soit mensuelles plutôt que trimestrielles au même titre que les anciens combattants français qui la perçoivent chaque mois.
Par ailleurs, nous avons aujourd’hui des anciens combattants âgés de 96 ans. Ces octogénaires, leurs noms figurent sur la correspondance adressée au secrétaire d’Etat français et ils ne peuvent même pas se déplacer pour pouvoir la signer. Donc la France doit penser socialement à ces gens. Nos compatriotes qui sont en France, qui sont âgés, la loi prévoit leur retour et tous les avantages qu’ils avaient en France, vont être faits sur le territoire national, c’est une très bonne chose, pourvu que cela ne reste pas à l’état de promesse. La France a dit aux anciens combattants de faire le choix entre rester en France et revenir au bercail. Je crois que c’est dans leur intérêt de revenir puisque beaucoup d’entre eux reviennent ici en caisse. Il arrive très souvent d’entendre qu’un tel est décédé là-bas, parce que en fait ils ne supportent pas le climat de la France, qui ne convient pas à des vieillards comme nous.
En résumé, la franchise fait que cette loi de 1959 est un pas mais il reste encore à faire. Ce qui reste à faire consiste à assouplir la procédure pour la réversion des pensions aux veuves. Ce qui reste également c’est le problème de nos goumiers supplétifs. Nos goumiers qui ont authentiquement travaillé comme les militaires malgré qu’ils soient civils, agents de sécurité aux points sensibles, guides à travers le territoire national et combattants comme tout le monde, n’ont pas de livret, de matricules, ni de pièces quelconques puisque les commandants de cercle qui les géraient, n’ont rien fait pour eux. Pour nous, c’est une injustice flagrante à régler. Qu’ils règlent ce problème, nous irons dans nos tombes l’esprit tranquille sinon chacun de nous y ira avec la douleur au cœur pour ces deux derniers cas que je viens d’évoquer. Car avec la résolution de cette erreur qui a causé des préjudices moraux et financiers aux vieux soldats de l’armée française, la France revient à la place d’une grande puissance. En effet, pour nous, l’Etat n’est pas puissant puisqu’il est industrialisé ou mécanisé, mais il est puissant parce qu’il est juste et neutre de ses partis politiques. Disons aussi que l’Afrique ne pourra jamais écrire son histoire sans se référer aux sacrifices consentis par ses fils, avant, maintenant et à l’avenir.
Pouvez-vous expliquer les étapes de la cristallisation ?
Voyez-vous, le gel des pensions a été décrété en 1959. Tout a commencé en 1944 après les guerres de libération d’Indochine et d’Algérie. Je pense qu’avec le cinquantième anniversaire des indépendances africaines, il est bon de faire le point sur un problème qui n’est toujours pas entièrement résolu. « Les tirailleurs sénégalais » ressortissants des fédérations de l’AOF et du Togo et de l’AIF étaient des sujets français. A la création des forces noires en 1857 par Napoléon, ils étaient dénommés ainsi : supplétifs indigènes, tirailleurs, citoyens de la communauté française. Depuis 1956, avec les lois Gaston Defferre et Lamine Guèye, les tirailleurs qui avaient la possibilités intellectuelles de passer les examens avec leurs frères européens pour l’obtention des diplômes et brevets pour leurs classements aux indices de solde CT1-CT2, BT3-BT4 n’a pas classé les différentes catégories du même niveau de considération, ni des avantages. Seuls les natifs des quatre communes du Sénégal (Saint Louis, Dakar, Rufisque et Gorée) étaient citoyens français. A l’indépendance, ceux qui avaient choisi de rejoindre leur pays d’origine ont été victimes de cette cristallisation. Cette mesure répond purement à l’indépendance de l’Afrique non désirée, attestée par la rébellion des officiers contre le général De Gaulles en 1961 en Algérie. Ils ne souhaitaient pas l’indépendance de « l’Algérie française ». En 1944, le général De Gaulles qui n’a jamais accepté la défaite et l’armistice en 1940, a fait des promesses à Brazzaville et Alger, à la veille du débarquement au sud de la France. Compte tenu de l’engagement, des disciplines, des sacrifices et souffrances des tirailleurs, il a toujours souhaité que l’Afrique noire accède à l’indépendance, sans guerre, sans verser du sang. C’est donc grâce aux fils du continent que nous nous avons accédé à la souveraineté internationale en 1960. Malheureusement, malgré sa campagne à travers toute l’Afrique et Madagascar en 1958, ses idées n’ont pas été partagées par beaucoup de français dont les administrateurs et les politiques qui ont légiféré la loi de 1959.
L’article 71 de cette loi de 1959 a aggravé successivement la cristallisation. Ainsi, de 1995 à 2001, la forclusion interdit les droits nouveaux (attribution des cartes et brevets de retraites du combattant et la réversion des droits aux veuves). En 2001, levée de la forclusion grâce à l’action permanente des grandes associations françaises d’anciens combattants et victimes de guerres. En 2002, l’article 68 de la loi rectificative des finances revalorise les indemnités et rétablit la réversion. En 2007, la pension militaire d’invalidité et de retraite du combattant sont dé cristallisés. Le 29 octobre 2008, un projet de loi n° 1228 est déposé à l’assemblée nationale française pour la décristallisation de la pension militaire de retraite tendant à assurer au niveau des pays d’origine, des conditions de vie des anciens combattants âgés et handicapés. C’est cette loi n° 1228 du 29 octobre 2008 qui vient de faire l’objet de la décision du Conseil constitutionnel français qui doit permettre de restituer les 60 % des droits acquis et gelés depuis 1961.
Pour autant, cette dernière décision ne règle pas toutes les préoccupations. Beaucoup de camarades d’armes sont morts, la douleur au cœur, laissant derrière eux des dettes, des veuves et des orphelins. La France doit assouplir les procédures administratives pour la réversion de leurs droits. Depuis 2004-2005, sur quarante dossiers déposés, dix à peine ont été approuvés.
Quand est-ce que le processus de décristallisation a débuté ?
Si j’ai bonne mémoire encore c’est en 1985 que des études ont été faites sur la question d’une éventuelle décristallisation. Mais les montants étaient tellement colossaux que la France y a renoncé. En 2001, le Conseil d’Etat par l’arrêt Diop, tranche en jugeant que le fait de verser des prestations «cristallisées» aux anciens combattants et aux anciens fonctionnaires civils ou militaires viole la Convention européenne des droits de l’Homme et constitue une discrimination illégale. Raison pour laquelle, le gouvernement français décidait en 2002, d’indexer les pensions sur le pouvoir d’achat des pays d’origine. La retraite d’un combattant varie selon la nationalité. Mais ce n’est que quatre ans plus tard, au mois de septembre que le gouvernement français annonce la décristallisation totale des prestations dites «du feu», c’est-à-dire des retraites du combattant et des pensions militaires d’invalidité.
La revalorisation a-t-elle soulagé les anciens combattants ?
Cette revalorisation à minima des prestations versées aux anciens combattants étrangers, si je puis m’exprimer ainsi, n’a été que partielle. Pourquoi ? Parce que la mesure ne concerne qu’une infime partie des prestations versées aux anciens fonctionnaires civils et militaires : la retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité. Les autres prestations sont laissées de côté notamment les pensions civiles et militaires de retraite et les pensions de réversion. Quand je dis à minima c’est du fait que les deux prestations revalorisées portent sur desdes pensions des anciens combattants étrangers est donc loin d’être soldé. L’injustice de la cristallisation des pensions continuera à faire de nombreuses victimes. montants dérisoires : 450 euros par an pour la retraite du combattant à taux plein et moins de 700 euros pour une pension d’invalidité à taux plein. On est loin du compte par rapport aux chiffres annoncés. Il n’a pas été non plus question de rattrapage. La revalorisation s’applique seulement pour ceux qui sont encore en vie au 1er janvier 2007. C’est vous dire donc, que le contentieux
Propos recueillis par Moussa Diop