Cas Omar el-Béchir les Africains auraient dû au moins se taire

Au terme d’un accouchement douloureux, la Commission de l’Union africaine vient de décider, à Syrte, de se métamorphoser à terme en Autorité. Cet exploit obstétrical n’aurait pas mérité qu’on s’y arrête, fût-ce le temps d’une seule minute, s’il n’était pas illustratif, une fois de plus, de cette manie des Africains de croire soigner les maux dont ils souffrent par le seul jeu des mots.



Cas Omar el-Béchir les Africains auraient dû au moins se taire
Organisation de l’Unité africaine hier, Union africaine aujourd’hui, demain Autorité, que peuvent bien apporter de concret à l’Afrique toute cette gymnastique terminologique et ces glissements sémantiques quand on pense seulement qu’un demi-siècle après les indépendances, les 53 Etats africains réunis ne sont même pas capables ni financièrement ni militairement de juguler la crise ethno-clanique dans laquelle se consume la petite Somalie ? Passons donc.

C’est vraiment difficile de passer sur le fait que les chefs d’Etat et de délégation présents au jamboree de Syrte ont pris crânement l’inacceptable décision de ne pas coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI) pour l’arrestation du Soudanais Omar el-Béchir, poursuivi, comme on sait, pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour ». Quelle honteuse palinodie et plus exactement quel parjure pour l’Afrique dont 30 Etats au moins sont parties à la Cour pénale internationale pour en avoir ratifié le statut !!!

Y a-t-il oui ou non crimes de guerre et crimes contre l’humanité par Djandjawids interposés au Darfour, dont les éléments constitutifs et les preuves accablantes ont été abondamment réunis contre l’autocrate soudanais ? De cela, personne ne doute, pas même les refusards de Syrte, puisqu’ils tirent le motif de leur bras d’honneur avec la CPI non de la présomption d’innocence d’el-Béchir, mais plutôt de ce que le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas accédé à leur demande de suspension des poursuites contre lui.

Si donc les charges qui pèsent contre l’inculpé de Khartoum sont d’une évidence criarde, les forumistes de Syrte, faute d’accompagner le procureur Luis Moreno-Ocampo, auraient dû au moins avoir la délicatesse de se taire. Ils n’avaient pas besoin de défier la communauté internationale aussi péremptoirement, puisque, bien avant Syrte, Béchir, le sabreur de Darfouri, continuait de sillonner impunément le continent, par monts et par vaux, confiant en l’indéfectible solidarité syndicale à laquelle s’obligent les présidents africains.

Et c’est bien ce syndicat des chefs d’Etat africains qui a encore parlé au village natal de Kadhafi à travers la motion anti-CPI du vendredi 03 juillet. Bien d’autres Africains ont en effet déjà été attraits devant de hautes juridictions comme la CPI ou autres « Nuremberg ». Mais, à la différence de l’homme fort de Khartoum, ils n’étaient pas ou n’étaient plus dans le confort et l’impunité que semble garantir à vie le pouvoir en Afrique.

Et qu’on cesse de nous bassiner les oreilles par l’antienne de l’indignation sélective qui consiste à accuser la CPI de ne voir les génocidaires que sur le continent noir. Pas plus recevable non plus l’argumentaire à la Kadhafi qui va jusqu’à considérer cette Cour comme un instrument des Occidentaux pour établir « un nouveau terrorisme mondial ».

Non. Il est temps que nous, Africains, soyons politiquement mâtures pour refuser de continuer de vouloir toujours nous prévaloir de nos propres turpitudes. Car les syndromes sierra léonais, libérien et aujourd’hui darfouri, c’est bien sur notre continent et non à Kamtchatka en Sibérie ni dans la Pampa argentine.

La justice aux ordres, c’est bien encore chez nous et c’est justement parce que nous n’avons ni la volonté politique ni les moyens de juger nos génocidaires à la Hissène Habré que des juridictions internationales, par subsidiarité, s’en autosaisissent. Enfin, c’est encore chez nous que prospèrent les maîtres-charcuteurs de constitutions, lesquels, s’il le faut, congédient, sans pudeur ni état d’âme, les juges constitutionnels qui osent dire le droit.

Alain Saint Robespierre



Source: lobservateur bf


Lundi 6 Juillet 2009
Boolumbal Boolumbal
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