Boye Alassane Harouna: Congrès d'Aleg : Le témoignage de Thierno Sada Baba Lam ou la tare originelle de l'Etat unitaire en Mauritanie



Boye Alassane Harouna: Congrès d'Aleg : Le témoignage de Thierno Sada Baba Lam ou la tare originelle de l'Etat unitaire en Mauritanie
La physionomie de la Mauritanie telle qu'elle fut construite et vécue de son indépendance, 1960, à nos jours fut dessinée au cours de ce fameux congrès d'Aleg de 1958. Cela était connu. Thierno Sada Baba Lam, acteur et témoin privilégié de ce moment crucial de l'histoire contemporaine de la Mauritanie le confirme à travers ce témoignage de première main, recueilli à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance. En tant qu'entité géographique et humaine, que devait être la Mauritanie ? Question cruciale, s'il en est, pour le devenir d'un peuple que l'histoire invite à prendre son destin en main.

Quel Etat construire ? Etat unitaire ? Etat fédéral ? Rattachement des différentes composantes humaines du pays aux différents pays limitrophes de la Mauritanie suivant la proximité ethnique et/ou géographique ? Telles furent les questions fondamentales posées au congrès d'Aleg. Elles apparaissent dans le précieux témoignage de Thierno Sada Baba Lam, cette mémoire vivante de cet instant fondateur, hélas, d'une Mauritanie qu'on eût voulu autre, en termes d'égalité entre citoyens et de cohabitation communautaire.

Si le choix de l'option Etat unitaire comme réponse à ces questions obéissait à un souci d'unité légitime et louable devant le risque tangible d'effacement de ce qui allait devenir la Mauritanie, la méthodologie expéditive suivie et l'absence de garde-fous pour garantir et préserver une cohabitation équilibrée et harmonieuse entre composantes ethniques exposaient à terme l'Etat unitaire ainsi conçu à une fragilité constante et à des risques d'éclatement. Nombreux sont les faits qui l'illustrent aujourd'hui. Pour une bonne part, le congrès d'Aleg, en enfantant l'Etat unitaire dans ces conditions, a produit sciemment ou non les germes des crises ethniques vécues et leurs cortèges de violations massives des droits humains et de crimes contre l'humanité : massacres, expropriations et déportations de populations noires (1966, 1989/1990/1991).

Qu'est-ce qu'ils indiquent et confirment, le témoignage de Thierno Sada Baba Lam et ceux d'autres personnes, témoins de cette période ? Que la Question Nationale, ou la problématique de la cohabitation des composantes ethniques en Mauritanie, est consubstantielle à la création de l'Etat mauritanien, qu'elle pose en filigrane la question du pouvoir politique, de sa cogestion entre composantes nationales du pays.

Qu'est-ce qu'ils remettent à l'ordre du jour, ces témoignages sur cette séquence historique qui a vu naître la Mauritanie ? Le nécessaire et incontournable débat national sur le vivre-ensemble, sur la cohabitation entre nos différentes composantes nationales. Débat qui aurait dû être conduit et approfondi en 1958 lors du congrès d'Aleg. Son objet, pensons-nous, eût pu donner lieu à l'époque à un référendum, sinon à un large débat populaire...

Plus de 50 ans après ce rendez-vous manqué avec l'Histoire, est-il encore possible de jeter les bases d'une cohabitation saine, juste et harmonieuse entre nos communautés ? Oui, s'il y a une volonté politique forte et constante. Ses signes ne se dessinent pas encore. Le dialogue politique auquel le Chef de l'Etat a invité l'opposition à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance ne semble pas faire grand cas de la Question nationale. Faut-il pour autant perdre tout espoir quant à l'avènement d'une Mauritanie égalitaire dont l'expression serait une cogestion du pouvoir politique entre les composantes nationales ? Non. Car, " Tout ce qui réunit les citoyens à terme a commencé par les diviser. " (Régis Debray)

Puisse cette réflexion de ce fin et grand observateur du fonctionnement des collectivités se vérifier dans le cas de la Mauritanie.



Boye Alassane Harouna

Le 3 décembre 2010




Vendredi 3 Décembre 2010
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