Aziz : La conviction du Général face à la tentation du civil



Aziz : La conviction du Général face à la tentation du civil
Partout où il passe, Mohamed Abdel Aziz fustige la gestion passée et annonce des réformes pour mieux contrôler les recettes de la Mauritanie, pays de 3 millions d’habitants handicapé par la corruption et les détournements. Il y a déjà neuf mois, le 6 août 2008, les Mauritaniens se réveillaient aux sons militaires, avec plusieurs nouvelles contradictoires.

D’abord le limogeage des généraux de l’armée. Puis le renversement de l’éphémère « président démocratiquement élu », porté à la magistrature quelques mois plus tôt. La « décapitation » de l’armée a été signée par un communiqué laconique portant l’empreinte du président démocratiquement élu, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui venait enfin de prendre sa « première décision souveraine », selon les commentaires d’une figure politique locale. Dans la précipitation, le texte a été envoyé aux organes officiels sans le tampon du Ministère de la défense. La riposte de l’armée fut magistrale.

En quelques minutes, « le président démocratiquement élu » est mis hors circuit. Conduit dans une villa « sécurisée et climatisée », il y restera quatre longs mois avant d’effectuer un « aller simple » vers son village natal, Lemden, situé à 300 km à l'est de Nouakchott. Pendant ce temps, l’armée met en place le Haut Conseil d’Etat, le HCE, au sommet duquel trône Mohamed Abdel Aziz, connu pour être le fondateur du bataillon présidentiel, le fameux BASEP. Mais qui est Mohamed Abdel Aziz ?

Contre-offensive victorieuse

L’étoile de cet officier discret, né à Akjoujt en 1956 et issu de l’académie royale de Meknès, allait briller un certain 8 juin 2003 dans ce qui restera comme la plus sanglante des tentatives de putsch jamais orchestrée en Mauritanie. Alors au pouvoir depuis 20 ans, l’ancien président Maouiya Ould Sidi Ahmed Taya allait, pendant de longues heures, déserter son palais, sous le feu nourri des « cavaliers du changement », un groupe d’officiers et de soldats venus de la nuit du désert. La cause semblait entendue. Les premiers youyous à la gloire des nouveaux maîtres fendaient déjà l’air frais de Nouakchott au petit matin. Et soudain… à la tête de la BASEP, le colonel Mohamed Abdel Aziz allait stopper les putschistes, alors aux portes du Palais. Aidé par d’autres bataillons revenus de leur première surprise, le jeune officier renverse une situation compromise et sauve le régime Ould Taya d’une mort programmée. Un mythe est né des décombres de morceaux de canons encore fumants et de chars éparpillés dans Nouakchott. Ce mythe, c’est Mohamed Abdel Aziz, courageux, sportif et passionné par l’aspect sécuritaire des choses. L’artisan de la contre-offensive victorieuse se verra décerner la plus haute décoration militaire des mains du président de la République. Un président de la République qui ne s’en remettra d’ailleurs jamais. Et qui se fera logiquement renverser le 3 août 2005 par des « fidèles », dont celui qu’il avait décoré.

Durant toute la période de transition, Mohamed Abdel Aziz observera la vie politique de loin. Il n’interviendra, selon l’un de ses fervents supporters, que pour exiger la réduction du mandat de l’organe législatif de la transition de vingt-quatre à dix-neuf mois. Egalement à son actif, le décret interdisant le comptage des votes blancs lors des élections présidentielles. Dans l’armée, il laisse le souvenir d’un haut officier animé par le désir de « réformer et de moderniser », siffle un témoin tenu par l’obligation de réserve. Il s’attirera beaucoup d’animosité en appelant les hauts gradés à plus de rationalité dans les dépenses et plus de maturité dans les investissements.

Discours musclé


Après avoir renversé le président démocratiquement élu le 6 août 2008, il avançait comme principale motivation la lutte contre les détournements et la gabegie, combat qui trouve son écho dans les nombreux quartiers déshérités de Nouakchott, comme Toujounine, où il prononcera un discours musclé envers ceux qui ont « détourné » l’argent du peuple.

Peu rompu aux rouages administratifs, il n’hésitera pas, durant ses premiers jours de pouvoir, à interpeller de hauts cadres après avoir pris connaissance du bilan de leurs gestions antérieures. Un ancien Premier ministre, homme politique de premier rang, est mis en cause dans l’affaire Air Mauritanie. Un autre baron, qui eut à occuper le Ministère des finances, se retrouve aussi sommé de rembourser une rondelette somme de 102 millions d’ouguiyas (1 euro = 330 ouguiyas). Suffisant pour alarmer quelques pans de l’establishment mauritanien habitués à détourner en toute impunité.

En bon tacticien, il laissera l’opposition s’exprimer librement. Le Front national de la défense de la démocratie (FNDD), mené par de hautes personnalités et des partis politiques, ouvertement opposé au coup d’Etat du 6 août 2008, allait pendant des mois lui tenir tête sans être inquiétée outre mesure, contribuant par là même à augmenter l’aura du général. Abdel Aziz allait même s’imposer chantre de la liberté de la presse en ordonnant de remettre en liberté un journaliste « irrévérencieux », mis aux frais de la République par quelques fonctionnaires zélés.

Le temps du civil

C’est toutefois sur le terrain de la lutte contre la corruption qu’on le retrouve le plus souvent. Lors de son premier discours électoral à Kiffa, il avait triomphalement détaillé les montants économisés par l’administration depuis son arrivée au pouvoir. Cela va des 16 milliards épargnés dans le fonds de garantie aux 12 milliards d’un fonds flou consacré au développement. Il avait réaffirmé avec force sa volonté de poursuivre le combat contre la gabegie.

Mais, passé le temps du général redresseur des torts à la tête du HCE et volontariste sur le dossier des réfugiés mauritaniens exilés au Sénégal et en Mauritanie, est venu aujourd’hui le moment du civil Mohamed Abdel Aziz, président de l’Union pour la République, un parti politique qui fédère la majorité parlementaire. La marge de manœuvre n’est pas la même.



© Les Afriques - Août 2009

Source: Taqadoumu

Lundi 31 Août 2009
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