Les civils et les armes ou la problématique des armes légères en Mauritanie. Les armes légères, qui les détiennent? Comment s’en ont-ils procuré? Combien l’armée en a-t-elle déclassé et qu’elles sont les armes en circulation? Et les minutions? Ce sont là, certaines des révélations d’une étude du Small Arms Survery (Genève). Une étude financée par le ministère allemand des Affaires Etrangères. Lire aussi un entretien exclusif de l’un des auteurs de cette étude?
Les armes en milieu civil mauritanien. C’est la délicate question qui a été l’objet d’une étude du Small Arms Survery, un projet de recherche indépendant intégré à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, Suisse. Une étude dirigée par deux chercheuses de renom. A la lumière de leur travail dont nous vous proposons certaines parties, il ressort que ce travail a été l’objet des plusieurs visites de terrain. Selon Small Arms Survery, «Toutes les personnes interrogées dans le cadre de cette étude se sont accordées à juger la population civile mauritanienne très largement armée. Avant la colonisation, il était courant de posséder des armes, principalement contondantes, pour régler les conflits tribaux mais aussi pour la chasse et pour protéger le bétail des prédateurs. Les armes à feu ne sont arrivées qu’avec les colonisateurs, dans les années 1920. Au dire des participants aux entretiens de groupe d’Aioun al-Atrous, il est commun pour les éleveurs nomades du Sud-Est de posséder des carabines. Les chasseurs, les chefs de tribus et la «classe bourgeoise» de cette région possèdent souvent des Bouvelkes, armes de chasse artisanales à une cartouche. La chasse est strictement réglementée, mais le braconnage, qui a mené à la quasi-extinction d’espèces telles que les antilopes ou les outardes, persiste. La chasse se pratique souvent aussi avec des armes de guerre plutôt qu’avec les Bouvelke traditionnels.En raison de l’urbanisation, de la désertification croissante et du manque de gibier, les Mauritaniens utilisent désormais leurs armes à feu pour l’autodéfense, le tir cérémonial et le tir à la cible. Le tir cérémonial et le tir sportif sont pratiqués avec des carabines comme avec des armes de guerre.Il semble assez courant pour les Maures de porter une arme, avec ou sans autorisation de l’État. Dans les tribus dites «guerrières», chaque famille possède une ou plusieurs armes, qui sont autant de signes extérieurs de prestige.Il s’agit en général de Beydanes, mais il existe également des tribus guerrières chez les Haratins, comme les tribus Zomboti, Oulad Aïd ou Oulad Beinouk, présentes notamment dans la région du Trarza, dans le sud-ouest du pays. Même dans les tribus maraboutiques, on considère que le chef de tribu a le droit de posséder une arme, privilège accordé également à des membres de rang moins élevé. Les armes sont généralement considérées comme étant un cadeau très prestigieux. Leur possession relève davantage d’une tradition, où l’arme souligne le rang social et constitue un symbole de prestige, que d’une nécessité pratique : même les bergers qui, dans d’autres pays, ont une arme à feu pour éloigner les voleurs et les prédateurs, ne sont, en Mauritanie, armés le plus souvent que d’un bâton (pour les bergers maures) ou d’un sabre (pour les bergers peuls)»Comment la population civile se procure-t-elle des armes et des minutions? A cette question, les deux chercheuses du Small Arms Survery sont précises. «Selon plusieurs sources, la sécurité des stocks d’armes légères et de munitions appartenant aux forces de l’État laisse à désirer. Il semble que la vente et le don d’armes et de munitions par l’Etat-major général de l’armée soit une pratique courante. Il s’agit le plus souvent d’armes «déclassées», c’est-à-dire jugées, pour diverses raisons, impropres au service, mais qui au lieu d’être détruites sont données à des civils. La décision de «déclasser» des armes semble relativement arbitraire et ne dépendre que de l’Etat-major. Certaines armes seraient également revendues en pièces détachées. Par ailleurs, l’armée fournit des munitions aux clubs de tirs pour leurs concours ainsi que, selon certaines sources, pour leurs entraînements.La relative facilité avec laquelle armes et munitions sont détournées montre que l’État n’assure pas la sécurité de ses propres stocks sur lesquels il n’exerce qu’un contrôle superficiel. Ces détournements alimentent également le marché illicite des armes». Et d’ajouter que «une note d’étude interne de la Direction générale de la sûreté nationale mauritanienne estimait, en 2008, que «la prolifération des armes non contrôlées a eu pour conséquence une vague de criminalité du fait qu’il est de plus en plus facile de se procurer des armes de différents types et calibres, y compris des armes de guerre»; la même note indiquait que «l’utilisation d’armes pour commettre une grande variété d’infractions contre les biens et les personnes, est de plus en plus fréquente. […] De manière générale, la circulation d’armes en soi est un sujet croissant de préoccupation».Cette même note fait état de 70.000 armes en circulation parmi la population mauritanienne. Elle ne donne aucune indication sur la méthode utilisée pour parvenir à ce chiffre, lequel doit être donc considéré avec précaution». La Mauritanie et les clauses supranationales sur la problématique des armes légères, l’étude précise que : « en 2001, les Nations unies ont adopté un Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce des armes légères sous tous ses aspects. Le Programme, qui s’applique à tous les États membres, recommande notamment la création d’une commission nationale réunissant l’ensemble des organismes compétents dans le domaine des armes légères, l’adoption d’un plan national d’action et la publication de rapports réguliers sur la mise en oeuvre, au niveau national, du Programme. À ce jour, la Mauritanie n’a ni créé de commission nationale, ni adopté de plan d’action. Elle n’a envoyé qu’un seul rapport, en 2005, sur sa situation au regard des armes légères.En novembre 2005, le bureau du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) de Nouakchott a organisé avec des représentants du gouvernement mauritanien un atelier afin d’étudier les problèmes liés au commerce illicite des armes légères. Cette réunion entendait également poser les premiers jalons en vue de la création d’une commission nationale et la mise en oeuvre d’un plan d’action. Afin de délimiter au mieux les priorités du plan, les participants à l’atelier ont souligné la nécessité de réaliser une évaluation précise de la situation des armes légères en Mauritanie (PNUD, 2005). Cette évaluation a été confiée au Small Arms Survey qui a entrepris ce travail avec le soutien financier du ministère allemand des Affaires étrangères et l’aide logistique du bureau du PNUD à Nouakchott».
Synthèse de Seydi Moussa CamaraLa Nuvelle Expression (Mauritanie)
Source: Taqadoumy
Les armes en milieu civil mauritanien. C’est la délicate question qui a été l’objet d’une étude du Small Arms Survery, un projet de recherche indépendant intégré à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, Suisse. Une étude dirigée par deux chercheuses de renom. A la lumière de leur travail dont nous vous proposons certaines parties, il ressort que ce travail a été l’objet des plusieurs visites de terrain. Selon Small Arms Survery, «Toutes les personnes interrogées dans le cadre de cette étude se sont accordées à juger la population civile mauritanienne très largement armée. Avant la colonisation, il était courant de posséder des armes, principalement contondantes, pour régler les conflits tribaux mais aussi pour la chasse et pour protéger le bétail des prédateurs. Les armes à feu ne sont arrivées qu’avec les colonisateurs, dans les années 1920. Au dire des participants aux entretiens de groupe d’Aioun al-Atrous, il est commun pour les éleveurs nomades du Sud-Est de posséder des carabines. Les chasseurs, les chefs de tribus et la «classe bourgeoise» de cette région possèdent souvent des Bouvelkes, armes de chasse artisanales à une cartouche. La chasse est strictement réglementée, mais le braconnage, qui a mené à la quasi-extinction d’espèces telles que les antilopes ou les outardes, persiste. La chasse se pratique souvent aussi avec des armes de guerre plutôt qu’avec les Bouvelke traditionnels.En raison de l’urbanisation, de la désertification croissante et du manque de gibier, les Mauritaniens utilisent désormais leurs armes à feu pour l’autodéfense, le tir cérémonial et le tir à la cible. Le tir cérémonial et le tir sportif sont pratiqués avec des carabines comme avec des armes de guerre.Il semble assez courant pour les Maures de porter une arme, avec ou sans autorisation de l’État. Dans les tribus dites «guerrières», chaque famille possède une ou plusieurs armes, qui sont autant de signes extérieurs de prestige.Il s’agit en général de Beydanes, mais il existe également des tribus guerrières chez les Haratins, comme les tribus Zomboti, Oulad Aïd ou Oulad Beinouk, présentes notamment dans la région du Trarza, dans le sud-ouest du pays. Même dans les tribus maraboutiques, on considère que le chef de tribu a le droit de posséder une arme, privilège accordé également à des membres de rang moins élevé. Les armes sont généralement considérées comme étant un cadeau très prestigieux. Leur possession relève davantage d’une tradition, où l’arme souligne le rang social et constitue un symbole de prestige, que d’une nécessité pratique : même les bergers qui, dans d’autres pays, ont une arme à feu pour éloigner les voleurs et les prédateurs, ne sont, en Mauritanie, armés le plus souvent que d’un bâton (pour les bergers maures) ou d’un sabre (pour les bergers peuls)»Comment la population civile se procure-t-elle des armes et des minutions? A cette question, les deux chercheuses du Small Arms Survery sont précises. «Selon plusieurs sources, la sécurité des stocks d’armes légères et de munitions appartenant aux forces de l’État laisse à désirer. Il semble que la vente et le don d’armes et de munitions par l’Etat-major général de l’armée soit une pratique courante. Il s’agit le plus souvent d’armes «déclassées», c’est-à-dire jugées, pour diverses raisons, impropres au service, mais qui au lieu d’être détruites sont données à des civils. La décision de «déclasser» des armes semble relativement arbitraire et ne dépendre que de l’Etat-major. Certaines armes seraient également revendues en pièces détachées. Par ailleurs, l’armée fournit des munitions aux clubs de tirs pour leurs concours ainsi que, selon certaines sources, pour leurs entraînements.La relative facilité avec laquelle armes et munitions sont détournées montre que l’État n’assure pas la sécurité de ses propres stocks sur lesquels il n’exerce qu’un contrôle superficiel. Ces détournements alimentent également le marché illicite des armes». Et d’ajouter que «une note d’étude interne de la Direction générale de la sûreté nationale mauritanienne estimait, en 2008, que «la prolifération des armes non contrôlées a eu pour conséquence une vague de criminalité du fait qu’il est de plus en plus facile de se procurer des armes de différents types et calibres, y compris des armes de guerre»; la même note indiquait que «l’utilisation d’armes pour commettre une grande variété d’infractions contre les biens et les personnes, est de plus en plus fréquente. […] De manière générale, la circulation d’armes en soi est un sujet croissant de préoccupation».Cette même note fait état de 70.000 armes en circulation parmi la population mauritanienne. Elle ne donne aucune indication sur la méthode utilisée pour parvenir à ce chiffre, lequel doit être donc considéré avec précaution». La Mauritanie et les clauses supranationales sur la problématique des armes légères, l’étude précise que : « en 2001, les Nations unies ont adopté un Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce des armes légères sous tous ses aspects. Le Programme, qui s’applique à tous les États membres, recommande notamment la création d’une commission nationale réunissant l’ensemble des organismes compétents dans le domaine des armes légères, l’adoption d’un plan national d’action et la publication de rapports réguliers sur la mise en oeuvre, au niveau national, du Programme. À ce jour, la Mauritanie n’a ni créé de commission nationale, ni adopté de plan d’action. Elle n’a envoyé qu’un seul rapport, en 2005, sur sa situation au regard des armes légères.En novembre 2005, le bureau du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) de Nouakchott a organisé avec des représentants du gouvernement mauritanien un atelier afin d’étudier les problèmes liés au commerce illicite des armes légères. Cette réunion entendait également poser les premiers jalons en vue de la création d’une commission nationale et la mise en oeuvre d’un plan d’action. Afin de délimiter au mieux les priorités du plan, les participants à l’atelier ont souligné la nécessité de réaliser une évaluation précise de la situation des armes légères en Mauritanie (PNUD, 2005). Cette évaluation a été confiée au Small Arms Survey qui a entrepris ce travail avec le soutien financier du ministère allemand des Affaires étrangères et l’aide logistique du bureau du PNUD à Nouakchott».
Synthèse de Seydi Moussa CamaraLa Nuvelle Expression (Mauritanie)
Source: Taqadoumy
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