Voilà déjà soixante-cinq ans que notre pays a accédé à l’indépendance, et pourtant, le fléau du détournement de fonds publics demeure tristement d’actualité.
Depuis 1978, notre nation semble tourner dans un cercle vicieux de détournements, de gabegies et de malversations, dont les conséquences sociales, économiques et même morales sont incommensurables.
La gabegie fait souffrir tout le monde, car ses coûts sont énormes. Parmi ses effets les plus néfastes comme l’a justement rappelé le Président de la République figurent la non-réalisation des programmes de développement et l’absence d’équité dans la distribution des ressources.
L’accession au pouvoir de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya en 1984, homme progressiste de l’avis de ceux qui l’ont côtoyé, avait fait naître une lueur d’espoir. Son discours de 1986 à Néma, où il s’en était pris avec vigueur au tribalisme, en est une parfaite illustration.
Cependant, après le discours de La Baule en 1990, lorsque le Président français François Mitterrand conditionna l’aide publique au développement au degré de libéralisation démocratique, notre pays à l’instar de plusieurs États africains adopta le multipartisme. C’est alors que Taya changea radicalement.
Conscient du poids des pesanteurs sociales, notamment du tribalisme, il finit par abdiquer face aux forces obscurantistes. La culture de la corruption et de la gabegie devint alors le symbole de notre administration. Les liens de fidélité tribale et les affinités familiales l’emportèrent sur les principes de compétence et de responsabilité dans l’exercice des fonctions publiques.
Cette notion de partage tribal et familial du “gâteau national”, dont nous subissons encore aujourd’hui les survivances, fut l’une de ses plus grandes erreurs. À son époque, certains directeurs restèrent plus de deux décennies à leurs postes au Port autonome, aux Douanes, à la Sûreté nationale, etc. La fragilité de l’État était telle qu’un simple agent de police pouvait semer la terreur sans que personne ne bronche.
Sous la parenthèse de feu Sidi Ould Cheikh Abdallahi, une tentative de redressement vit le jour. Malheureusement, elle s’écrasa rapidement sur les rochers durs du conservatisme, véritable épine dorsale du tribalisme, accentuant la vulnérabilité de l’État et de ses institutions.
Aujourd’hui, toutefois, les lignes commencent à bouger. Hier encore, à l’occasion de la sortie de la 46ᵉ promotion de l’ENAMJ ( promotion qui a le merite d'être pour la première fois plus ou moins équilibrée car elle reflète la Mauritanie en miniature, le Président de la République a dénoncé avec vigueur ceux qui s’adonnent à ces pratiques malsaines.
Il a donné des instructions fermes au Premier ministre afin d’agir rapidement, conformément à la loi, pour mettre à nu les personnes épinglées par la Cour des comptes. Ce dernier s’exécute avec célérité et fermeté : 30 personnes ont été mises en cause, dont certaines et non des moindres démises de leurs fonctions. L’Inspection générale de l’État a, quant à elle, fait incarcérer 5 personnes et placé 13 autres sous contrôle judiciaire.
En parallèle à ces mesures courageuses et révolutionnaires des réformes structurelles doivent être entreprises pour enrayer durablement ces comportements. Parmi elles :
un recrutement objectif fondé sur le mérite dans la fonction publique et parapublique ;
l’application rigoureuse du principe de récompense et de sanction ;
le développement du système d’information, en impliquant la société civile et le public ;
le renforcement et l’indépendance des organes de contrôle ;
et enfin, l’application de pénalités sévères à l’encontre de ceux qui ne respectent pas les procédures internes.
Maham Youssouf
Nouakchott, le 21 octobre 2025
Depuis 1978, notre nation semble tourner dans un cercle vicieux de détournements, de gabegies et de malversations, dont les conséquences sociales, économiques et même morales sont incommensurables.
La gabegie fait souffrir tout le monde, car ses coûts sont énormes. Parmi ses effets les plus néfastes comme l’a justement rappelé le Président de la République figurent la non-réalisation des programmes de développement et l’absence d’équité dans la distribution des ressources.
L’accession au pouvoir de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya en 1984, homme progressiste de l’avis de ceux qui l’ont côtoyé, avait fait naître une lueur d’espoir. Son discours de 1986 à Néma, où il s’en était pris avec vigueur au tribalisme, en est une parfaite illustration.
Cependant, après le discours de La Baule en 1990, lorsque le Président français François Mitterrand conditionna l’aide publique au développement au degré de libéralisation démocratique, notre pays à l’instar de plusieurs États africains adopta le multipartisme. C’est alors que Taya changea radicalement.
Conscient du poids des pesanteurs sociales, notamment du tribalisme, il finit par abdiquer face aux forces obscurantistes. La culture de la corruption et de la gabegie devint alors le symbole de notre administration. Les liens de fidélité tribale et les affinités familiales l’emportèrent sur les principes de compétence et de responsabilité dans l’exercice des fonctions publiques.
Cette notion de partage tribal et familial du “gâteau national”, dont nous subissons encore aujourd’hui les survivances, fut l’une de ses plus grandes erreurs. À son époque, certains directeurs restèrent plus de deux décennies à leurs postes au Port autonome, aux Douanes, à la Sûreté nationale, etc. La fragilité de l’État était telle qu’un simple agent de police pouvait semer la terreur sans que personne ne bronche.
Sous la parenthèse de feu Sidi Ould Cheikh Abdallahi, une tentative de redressement vit le jour. Malheureusement, elle s’écrasa rapidement sur les rochers durs du conservatisme, véritable épine dorsale du tribalisme, accentuant la vulnérabilité de l’État et de ses institutions.
Aujourd’hui, toutefois, les lignes commencent à bouger. Hier encore, à l’occasion de la sortie de la 46ᵉ promotion de l’ENAMJ ( promotion qui a le merite d'être pour la première fois plus ou moins équilibrée car elle reflète la Mauritanie en miniature, le Président de la République a dénoncé avec vigueur ceux qui s’adonnent à ces pratiques malsaines.
Il a donné des instructions fermes au Premier ministre afin d’agir rapidement, conformément à la loi, pour mettre à nu les personnes épinglées par la Cour des comptes. Ce dernier s’exécute avec célérité et fermeté : 30 personnes ont été mises en cause, dont certaines et non des moindres démises de leurs fonctions. L’Inspection générale de l’État a, quant à elle, fait incarcérer 5 personnes et placé 13 autres sous contrôle judiciaire.
En parallèle à ces mesures courageuses et révolutionnaires des réformes structurelles doivent être entreprises pour enrayer durablement ces comportements. Parmi elles :
un recrutement objectif fondé sur le mérite dans la fonction publique et parapublique ;
l’application rigoureuse du principe de récompense et de sanction ;
le développement du système d’information, en impliquant la société civile et le public ;
le renforcement et l’indépendance des organes de contrôle ;
et enfin, l’application de pénalités sévères à l’encontre de ceux qui ne respectent pas les procédures internes.
Maham Youssouf
Nouakchott, le 21 octobre 2025