Youssouf Sylla, sénateur de Mbout : « Les missionnaires de l’UPR ont développé un discours raciste »



Youssouf Sylla, sénateur de Mbout : « Les missionnaires de l’UPR ont développé un discours raciste »
L’implantation de l’Union Pour la République (UPR) dans la moughataa de Mbout est un coup de pied dans la fourmilière politique du département. L’Union Pour la Démocratie et le Progrès de Naha Mint Mouknass, parti allié à la majorité présidentielle, a investi le département. Outre les élus du parti qui sont sur place, il semble que le ministre secrétaire général de la présidence de la République, M.Sy Adama soit attendu sur les lieux. Nous avons rencontré, Youssouf Sylla, sénateur de Mbout

Quotidien de Nouakchott : Fédéral du Gorgol durant 6 ans, vous êtes aujourd’hui sénateur du département de Mbout. Qu’est ce qui explique votre intérêt pour cette région où ?

Youssouf Sylla :
tout d’abord permettez-moi de remercier votre journal pour m’avoir donné l’occasion de m’exprimer à travers ses colonnes. Ceci dit, je suis venu à Kaédi en début 1989. Je me suis installé comme tous les mauritaniens. Je ne suis pas le seul, il y a certainement des milliers de mauritaniens qui viennent s’installer tous les jours quelque part et ils sont chez eux dès lors qu’ils sont détenteurs de la nationalité mauritanienne. Il n’y a pas de limite, de frontière entre nous. J’ai acheté des terres que j’ai cultivées. Puis après çà, mes activités sont allées crescendo. Après avoir été candidat au poste de président de la fédération des agriculteurs, j’ai été élu. Ensuite il y a eu le parti républicain, démocratique et social (PRDS), j’ai été choisi comme secrétaire fédéral du parti de 1993 à 1999 et c’est moi qui ai demandé à partir de la fédération. Parce que j’estimais que ma mission était terminée. Beaucoup de gens peuvent vous dire le contraire mais la réalité c’est ce que je viens de vous dire.
Ensuite je suis venu à Mbout où je me suis marié, j’ai fait ma famille, construit une maison dans les environs de la ville. Aussi mon bétail est-il à Mbout, mes terres de culture. Ma famille, mes oncles et mes cousins sont installés à Mbout qui est dans le territoire mauritanien dans lequel j’ai la liberté de résider, où il me plaît et comme je veux, tout comme je peux aller à Sélibaby, à Atar ou à Nouadhibou.

QDN : on raconte ici ou là que vous tanguez entre l’UPR et l’UDP. Qu’en pensez-vous et confirmez-vous être de l’UDP ?

Y.S :
Ecoutez, j’ai vu la direction de l’UPR et je leur ai dit que je vais soutenir le Président et je vais aller à l’UPR. Entre temps, il s’est avéré que Mme Coumba Bâ la ministre, a tenu une réunion chez elle à Nouakchott où on a convoqué les gens de Mbout. Personnellement je n’ai pas été convoqué. Quand j’ai cherché à en connaître les raisons, la ministre m’a expliqué qu’elle ne savait pas que j’étais du parti. Avec mes conseils en tant que frère et compte tenu des liens d’amitié et de fraternité qui me lient à ses parents, je lui ai dit que ceci n’est pas à faire parce que je n’ai pas été convoqué et encore moins MBaré qui est quand même la deuxième personnalité de l’Etat qui plus est milite à l’UPR. Sa réponse a été qu’elle ne l’a pas convoqué sous prétexte qu’elle ne pensait pas que MBaré était de l’UPR. Je lui ai dit qu’elle doit éviter de rentrer dans les clans et que quand elle convoque les gens des départements, elle doit le faire pour tout le monde. C’est comme si elle essaie de chapeauter la politique du Gorgol. Je ne le lui conteste pas d’autant qu’elle est issue d’une famille avec laquelle j’ai tissé beaucoup de liens. Mais je ne veux pas qu’on convoque des gens de mon département sans que je ne le sois aussi. Et je l’ai bien dit. Elle m’a promis que cela ne va plus se répéter.
A ma grande surprise, pendant que j’étais à Bamako au Mali, une mission du parti débarque à Mbout pour tenir un discours raciste, tribaliste et régionaliste. Le message véhiculé est qu’ils viennent au nom du parti du président, le parti de l’Etat, pour faire une implantation dans le département. Les arguments avancés sont que cette implantation va permettre aux prochaines élections d’enlever les deux « Kowri » qui sont des étrangers notamment Sy Adama taxé d’être sénégalais et Youssouf Sylla sénateur soninké « Diambour » de Kiffa. Il est question aussi d’enlever le chérif Mokhtar Ould Elémine « un chérif de l’Assaba ». Mieux, ces cadres dépêchés à Mbout diront que quelqu’un qui n’est pas natif de MBout, ne sera plus présenté comme parlementaire aux élections. Des propos qui font sourire quand on sait qu’en réalité, ils n’ont présenté aucun de nous. Sy Adama et Moctar Ould Elémine sont élus de l’UDP investis par le parti alors que pour ce qui me concerne j’ai été candidat indépendant aux élections que j’ai gagnées haut la main dans la moughataa à 84 contre 68 pour l’UDP. Donc aucun de nous n’a été élu par ces cadres qui sont venus de Nouakchott. Ils n’ont d’ailleurs personne derrière eux et les jours à venir le prouveront.
Donc le message véhiculé par ces cadres sur le terrain politique de Mbout est un message plutôt raciste. Quand Sy Adama et moi sont indexés par ces gens-là, cela veut dire que nous l’avons été en tant que « Kowri ». Or nous sommes fiers de ce que nous sommes. Je ne veux pas être à la place de l’un d’eux. Je suis fier de ce que je suis. Je pense que Sy Adama aussi c’est exactement la même chose. Il n’empêche que nous les respectons en tant que tel. Nous devrions nous respecter les uns les autres. En véhiculant un discours raciste dans le but de reprendre du crédit dans le département et placer les éléments de leurs tribus, nous, nous comprenons par là que cela ne va pas. Et moi moralement, je ne peux pas aller avec des personnes qui défendent ce type de valeurs rétrogrades. Parce ce que tout simplement ce ne sont pas des valeurs démocratiques défendables. Je défends d’autres valeurs qui sont l’unité, la justice entre les mauritaniens et non des valeurs qui ramènent au 17ème siècle. Raison pour laquelle, j’ai dit que je ne pars pas dans une formation politique où la campagne est faite par des auteurs de discours racistes. Et honnêtement, pour éviter des problèmes, tant au parti qu’à moi-même, j’ai préféré ne pas aller avec eux, et je le dis ouvertement.
Il reste que je soutiens Mohamed Ould Abdel Aziz non pas à cent pour cent mais à 200 %. C’est comme cela que je suis venu à l’UDP. J’ai tenu une réunion avec les leaders de l’UDP qui défendent pratiquement les mêmes valeurs que moi et ils sont avec Mohamed Ould Abdel Aziz. N’oubliez pas que l’UDP a soutenu Mohamed Ould Abdel Aziz bien avant la naissance de l’UPR et on ne peut pas douter de leur sincérité. Donc, je vous confirme que je suis de l’UDP.

QDN : l’UPR est en campagne d’implantation dans le département de Mbout où l’UDP est fortement présente. Pensez-vous pouvoir battre campagne pour protéger votre bastion sans anicroches avec votre principal allié de la majorité présidentielle qu’est l’UPR ?

Y.S :
nous ne sommes pas là pour faire la guerre à l’UPR. C’est un parti de la majorité présidentielle que nous respectons et avec lequel nous voulons coopérer si les acteurs politiques sur le terrain s’acceptent. Il n’en reste pas moins que nous les avons entendus faire des critiques à l’endroit de la présidente de l’UDP, Naha Mint Mouknass. Je pense que ce n’est pas amical encore moins cordial et non plus respectueux des alliances qu’il y a. Je crois que quelqu’un devrait leur dire quelque part, attention, ce n’est pas à faire et qu’ils doivent mener leur implantation sans s’en prendre aux autres.

QDN : qu’est-ce qui a été dit de discourtois à l’endroit de la présidente de l’UDP ?

Y.S :
c’est parti de problèmes posés au sujet d’un puits et de quelques coopératives. La réponse ironique de l’UPR aux problèmes soulevés a été d’inviter l’orateur à poser ces doléances à la présidente de l’UDP du moment que c’est à elle qu’a bénéficié leurs voix lors des dernières élections municipales et législatives. Je pense que ce genre de langage ne sied pas et ce n’est pas demandé parce qu’on n’est pas en campagne électorale. Pour l’heure nous n’en sommes pas encore là. Il y a certaines critiques que l’on doit garder pour la campagne. Qu’ils fassent leur campagne d’implantation sans s’attaquer aux autres est le mieux qu’ils ont à faire. Parce que les autres ont certainement des choses à dire mais ce n’est pas le moment. Nous voulons jouer un jeu franc et que le meilleur gagne. L’UPR doit faire son implantation dans le respect de l’autre et surtout quand il s’agit des partis de la Majorité présidentielle. Parce que le président n’a pas seulement besoin que de l’UPR, il a aussi besoin du soutien des autres partis que je suis sûr, il respecte.

QDN : l’UDP, dit-on, est le parti « number one » dans le département de Mbout. Pouvez-vous l’expliquer ?

Y.S :
Présentement l’UDP a les trois parlementaires : les deux députés et le sénateur de Mbout. Le parti contrôle six communes sur les neuf que compte le département parce qu’il y a le maire UDP de la commune de Soufa qui a rejoint l’UPR. L’UFP contrôle la commune de Tikobra et une autre qui était PRDR s’est ancrée à l’UPR aussi. Donc au total, il y a six communes dans l’escarcelle de l’UDP, deux dans celui de l’UPR et une dans l’escarcelle de l’UFP.

QDN : êtes-vous optimistes quant à une implantation sans accroc dans le département ?

Y.S :
nous sommes sur le terrain, nous écoutons, nous observons. Nous espérons que nos amis de l’UPR joueront un jeu franc en menant une campagne moderne. Force est de reconnaître qu’avec le discours véhiculé par les cadres qui ont été envoyés la fois passée sur le terrain, rien ne présage de quelque chose de positif dans les rapports que nous devrions entretenir dès lors que nous sommes alliés. Pour notre part, on ne s’en prendra à personne, nous ferons notre campagne pour expliquer ce qu’est notre parti, le projet de société qu’il porte, etc.
QDN : comptez-vous organiser un meeting à Mbout ?

Y.S : s’il plaît à Dieu, nous tiendrons un très grand meeting.

QDN : quand est ce qu’il aura lieu ?

Y.S :
nous comptons le faire la semaine prochaine.


Propos recueillis par Moussa Diop, envoyé spécial à MBout



Source: Quotidien Nouakchott

Lundi 19 Avril 2010
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